« Fifa » comme l’appellent ses proches est de retour à Douala. Après une brillante participation à la Coupe du monde 2010 en Afrique comme arbitre assistant. Il a dirigé notamment les rencontres Slovaquie- Paraguay, Chili –Honduras et le match Etats-Unis-Angleterre où il était 4ème assistant.
« C’est la première fois que je dirige des compétitions à une Coupe du monde. C’est un honneur et un sentiment de fierté immense d’avoir représenté le Cameroun », murmure cet arbitre international, encore visiblement sous l’émotion de ce tournant décisif de sa vie. Avant d’enchaîner : « Passer le premier tour à une Coupe du monde (il faisait partie de 57 officiels qualifiés pour les ¼ de finale, ndlr), c’est un exploit. C’est la preuve que l’arbitrage africain et camerounais évolue », jubile-t-il. Un exploit puisque Évariste Mekouande est le premier arbitre camerounais à atteindre un tel niveau d’une compétition comme la Coupe du monde.
Comment a-t-il fait pour se retrouver à un aussi haut niveau ? « Cela fait trois ans qu’on se prépare pour cette compétition, lance-t-il, le regard vague. La Fifa a lancé des tests pour recruter des officiels pouvant officier pour la première la Coupe du monde en Afrique », informe-t-il. Les épreuves sont étalées sur deux secteurs : la préparation physique et la préparation technique, indique Évariste Mekouande. « Nous avons fait des visites médicales car il faut prouver qu’on est en bonne santé et apte à faire le travail. Par contre le stage physique a été très dur et très rude. On fait des courses dans un stade où il n’y avait personne. C’est une cassette qui fait le décompte. Vous faite 22 passages de 150 mètres qui s’ajoutent aux 6 passages de 40 mètres que vous avez fait au début », souffle l’arbitre international.
Un policier au stade
Sur le plan technique, la formation est autant rude : « les équipes techniques de la Fifa nous donnent des cassettes vidéo des équipes participantes à la Coupe et on les visionne. L’objectif est de comprendre le système de jeu des équipes pour que le jour du match, on sache qu’avec trois ou quatre passes par exemple, l’équipe va balancer la balle ou faire autre chose. L’objectif est que l’arbitre soit au cœur de l’action sur le terrain. Sur le plan psychologue, on a des formations avant, pendant et après les matches. Pour la Coupe du monde en Afrique du Sud par exemple, « nous nous sommes entraînés en tenant compte de l’environnement. On reproduisait le son du « vuvzela » et on s’exerçait dans cette ambiance. Ça permet de s’habituer à ce bruit et de rester concentré.
A la question pourquoi y avait-il tant de sanctions à cette Coupe du monde, les officiels ont-ils reçu des consignes particulières ? Le Camerounais répond, un brin pédagogue : « On ne peut pas pratiquer une discipline sans connaître les lois. On est là pour les appliquer. Les gens accusent les arbitres sans connaître les lois du jeu ».
Au regard des différentes décisions des officiels très contestées lors de cette Coupe du monde, Mekouande est-il favorable à l’introduction de la vidéo dans le jeu ? Réponse philosophique de « l’homme en noir » : « Je suis arbitre et je reste arbitre. C’est la Fifa qui décide. Je ne saurais me prononcer là dessus. Lorsque la Fifa international board se prononcera, on va suivre », lance le policier qui devra reprendre service au Commissariat à l’Emi-Emigration de Douala où il exerce.
Globe trotter
Né dans la région de son Est natal, c’est plutôt dans la région de l’Adamaoua que Evariste Mekouande met le sifflet sur les lèvres pour la première fois. « Le délégué départemental de la jeunesse et des sports m’a demandé de venir arbitrer les matchs des jeux Ossuc, on lui avait parlé de mes performances au lycée ou je dirigeais les interclasses». A la fin du tournoi, Evariste Mekouandé recevra des documents pour parfaire ses prestations. Mais ce père de trois enfants est un boulimique du travail. Evariste Mekouande est plutôt admis à l’Enieg (école nationale des instituteurs de l’enseignement générale) d’où il sort instituteur deux ans plus tard. Il manie la craie et le sifflet jusqu’en 2002 où il entre à l’école de police de Yaoundé. Pendant les classes il trouve toujours le temps d’arbitrer les matches du championnat national de première division de football. Sa sortie de l’école coïncide avec son admission comme arbitre FIFA, apprend-on.
Sur le plan international, « Fifa », a dirigé des rencontres de hauts vols. Le 10 janvier 2008, au stade Oyene Djan de Accra (Ghana) il a officié aux côtés d’Eddy Maillet et Célestin Ntangunguira pour le match d’ouverture de la 26ème Coupe d’Afrique des Nations. Le patron de la police, Emmauel Edou, à qui il présente sa médaille obtenue au Ghana, à son retour, lui sert une longue poignée de main avant de féliciter devant les autres policiers. Le 31 janvier 2010 à Luanda (Angola), il remet ça. Evariste Mekouandé était l’assistant N°1 de cette finale. Mais bien avant cela, « Fifa » a déjà officié une finale de la Coupe d’Afrique Junior au Congo en 2007. Les compétitions s’enchaînent. Evariste Mekouandé s’envole quelques mois après pour l’Asie, à la Coupe du monde des clubs au Japon. Un continent qu’il connaît d’ailleurs bien pour avoir officié en début d’année 2007 en Corée à la Coupe du monde de football cadet. Il faut aussi citer la Coupe du monde Junior en Égypte en 2009, la Coupe des Confédérations en Afrique du Sud, la même année, les Jeux olympiques de Beijing en 2008.
Molesté à Buea
Mais au pays de Roger Milla, la pratique du métier d’officiel de football peut être aussi une activité dangereuse. 2002. Nous sommes à la fin de championnat national de première division. Bamboutos de Mbouda affronte Mount Cameroon de Buéa. La première place pour le club de l’Ouest est au bout de ce match. Les supporters du club de l’Ouest revendiquent un penalty. Les officiels sont passés à tabac. Bati Robert, le central est le premier à subir la foule en furie. A coup de caillou et de projectiles, Évariste Mekouandé est sérieusement molesté. Il est conduit à l’hôpital inconscient et s’en tire avec des cicatrices encore visible aujourd’hui à la tête, à la main gauche, entre l’annulaire et l’auriculaire.
Mais avec cette Coupe du monde 2010 où il vient de participer avec brio, Evariste Mekouande qui ne compte plus le nombre de miles qu’il a déjà avalé à courir après le monde, se souvient encore de la phrase du patron de la police à son égard : « Tu es la fierté du Cameroun, par ta rigueur et ta probité morale». Mais la fierté de « Fifa » se trouve ailleurs : « Rencontrer les grands hommes de ce monde, comme le président de la Caf ou de la Fifa. D’ailleurs mon plus grand souvenir est la poignée de main de notre président (Paul Biya) en 2004 au stade de Yaoundé lors de la finale de la coupe du Cameroun », murmure-t-il, le regard lointain. Avec la même humilité qui le caractérise.
Éric Roland Kongou, à Douala