Il y a deux semaines, se souvenant sans doute lui-même qu’il n’avait encore pris aucune initiative depuis sa nomination le 23 avril 2004, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Siegfried David Etame Massoma, est allé faire le tour de ce qui pourrait s’appeler infrastructures sportives à Douala. Le constat fut naturellement désastreux, confirmé de manière foudroyante une semaine plus tard par les multiples renvois d’un match de football international pour cause d’impraticabilité du stade Ahmadou Ahidjo.
Arrivé en situation de grave crise (sanction de la Fifa retranchant six points aux Lions indomptables dans les éliminatoires de la Coupe du monde 2006), le nouveau ministre semble encore, trois mois après, se complaire dans une « période d’observation », comme certains reporters le disent souvent des matches de football. Il apparaîssait pourtant clair aux yeux de tous que sa mission avait toutes les caractéristiques d’une urgence.
Le retrait de six points aux Lions indomptables pour port non autorisé d’une combinaison short-maillot pendant la dernière Coupe d’Afrique des nations (Can 2004) a créé une véritable crise au sein de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), au ministère de la Jeunesse et des Sports (Minjes) et même dans tout le pays. Le gouvernement a décidé de reporter l’assemblée générale de la Fécafoot qui devait se tenir en avril, en attendant la « relecture » des textes de la fédération prescrite dans un communiqué du secrétaire général de la présidence de la République. Suivant ces instructions, M. Etame Massoma a créé une commission de relecture des textes le 7 mai, puis une commission d’enquête à la Fécafoot le 27 mai. L’une et l’autre devaient remettre leurs rapports au bout de 30 jours; elles le feront au bout de six semaines, dans la solennité mais sans qu’on sache où on va réellement. La proposition de révision des textes a été remise au bureau exécutif de la Fécafoot qui devait y apporter ses remarques, conformément à une directive de la Fifa. Vu les divergences profondes entre le projet de la commission Omer Nguewa et la vision du bureau exécutif de la Fécafoot, l’arbitrage de la Fifa reste attendu pour débloquer ce dossier, clé de base de la relance du processus électoral à la Fécafoot.
Quant à la commission d’enquête sur la gestion de la Fécafoot depuis 2000, dirigée par M. Ngak Mahop, on ignore à quelles conclusions elle a abouti et quel usage en fera le commanditaire, le ministre de la Jeunesse et des Sports. Pour le reste, la situation n’a pas connu la moindre évolution. Le volet jeunesse du Minjes est toujours aussi abandonné et sans perspectives. Le chantier infrastructures sportives est au point mort, celui où le nouveau ministre l’a trouvé. Depuis deux saisons, les stades annexes n°1 et n°2 sont en chantier et on y voit pousser des hautes herbes qui s’apparentent au gazon. Quant au stade militaire, après un an de fermeture, il a été réouvert, sans le moindre changement en dehors du hangar difforme, en vieilles tôles, planté contre le mur qui fait face au lycée Leclerc. Même ce qui semblait le plus facile, l’amélioration du fonctionnement interne au Minjes, est dans l’inertie générale.
La réunionite sans effet reste le mode de gestion par excellence. Les différentes équipes nationales engagées sur la scène internationale sont toujours sur la corde raide en permanence, avec des préparations bâclées et un suivi nul. Les sports individuels qui représenteront le Cameroun aux Jeux olympiques d’Athènes sont du reste abandonnés à eux-mêmes, athlètes et entraîneurs, qui ont cessé de se plaindre depuis longtemps, se débrouillant comme ils peuvent. Pendant ce temps, la « Cellule administrative provisoire des équipes nationales », une invention originale de l’ère Bidoung Mkpatt, est toujours solidement en poste depuis deux années. Bref, au rythme nonchalant où se déroule le match entre le ministre Etame Massoma et la fourmilière du sport camerounais, on a toutes les chances d’entendre le coup de sifflet final de l’arbitre, sans que le Minjes ait marqué le moindre but. Un drôle de joker !
Alain B. Batongué, E. Gustave Samnick et Thierry Ngogang, Mutations