Dimanche 19 Mars 2006 : Alors que les derniers rayons de soleil disparaissent du ciel de Bamako, le match aller des seizièmes de finale de la champions league, opposant le Stade Malien de Bamako à Renacimiento de Guinée Equatoriale (gagné 2-1 par le Stade Malien) vient de prendre fin. L’entraîneur de Renacimiento s’exprime en ces termes à nos confrères : « Malgré ses 20 000 fans, le Stade Malien ne nous a pas impressionnés et je vous dis qu’au match retour mon équipe se qualifiera et ce n’est pas une équipe frileuse du stade Malien qui m’en empêchera.
Je vous assure que le Stade Malien ira se promener à Malabo ». Le public sportif malien s’interroge sur cet entraîneur dont le discours tranche avec les sacro-saintes règles de Fair-play. Qui est-il ?
Il est de nationalité camerounaise et s’appelle Alain WABO. Né le 26 Juin 1972 à Bandjoun (Cameroun), il décroche un Brevet de Technicien Supérieur en Markéting à l’âge de 23 ans. Passionné de football, il décide de mettre son diplôme de côté et d’entamer une carrière d’entraîneur de football en seconde division. Il atterrit dans un monde similaire à « la fosse aux lions ». En effet, n’étant pas diplômé de l’Institut National de la Jeunesse et des Sports, il subit au quotidien les railleries de ses confrères, qui le considèrent comme un « analphabète du football ». Nullement abattu par ces attaques, il travaille dur pour atteindre le haut niveau et crée son langage dans le football. Il parle souvent de « défense araignée », de « barycentre » ou « d’attaque fourmi ». Ses collègues se souviennent d’une de ses démonstrations, à la fin d’un stage d’entraîneur où il s’exprimait en ces termes à ses joueurs : « Allez y, désarmez les, prenez leurs armes, foncez, attaquez les… ».
A tel point que son instructeur, YEO Martial, médusé par ce discours, était resté bouche bée. Après avoir entraîné Stade De Bandjoun, Aigle de Dschang, il amène Mont Cameroun de Buéa en finale de la coupe du Cameroun en 2002. Plus tard, il signe à la panthère sportive du Ndé, qu’il quitte pour selon lui « faire ses preuves à l’extérieur ». Il pose alors ses valises à Renacimiento où il remporte trois fois le championnat et deux fois la coupe nationale. En 2006, après avoir éliminé le Stade Malien de Bamako (en Gagnant 1-0 à Malabo), il échoue aux portes de la phase de poules après avoir pris un cinglant 0-4, face au National du Caire.
En 2009, son mérite est finalement reconnu et le ministre des sports lui confie les rênes de l’équipe nationale junior. Il amène cette année les lionceaux en finale de la CAN des juniors au Rwanda. La veille de la finale, il exhorte le public à faire massivement le déplacement, pour « apprendre aux ghanéens à jouer au football ». Malheureusement, il échoue en finale et au Cameroun, ceux qui le traitaient d’analphabète du foot, commencent à le respecter. Quelques mois plus tard, il est limogé en même temps que ses collègues du staff technique et médical, suite à l’élimination au premier tour des lionceaux au mondial junior. Il prend la direction de Tiko United.
En prélude à la CAN qui se déroulera en 2012 en Guinée Equatoriale, les autorités de ce pays le sollicitent en Octobre 2010, pour prendre en main l’équipe nationale. Quelques jours après cette proposition, il tombe malade et est interné à l’hôpital général de Douala. Le 25 Octobre 2010, il y rend l’âme, des suites d’une courte maladie à l’âge de 38 ans. Depuis, son nom figure dans la corbeille de l’histoire. Aucune action n’est entreprise afin que nul n’oublie, cet homme qui a voulu imposer son jargon dans le football. Dors en paix WABO. « A Dieu nous appartenons et à lui nous retournons ».
Mohamed Soumare