L’ancien Lion indomptable, déçu par la participation du Cameroun à la coupe du monde brésilienne, tire déjà les leçons de cet échec. Il estime pour sa part qu’il faut un vrai coup de bistouri au football camerounais depuis la base, mais surtout des personnes qu’il faut à la place qu’il faut pour redorer le blason de ce football, et par ailleurs des Lions indomptables, quitte à observer une période sabbatique.
Comment avez-vous apprécié l’élimination précoce des Lions indomptables en coupe du monde au Brésil ?
Je crois que ça été pénible pour tous les Camerounais, d’autant plus qu’on l’a vécu en direct. Je n’ai pas de mots pour exprimer l’amertume que j’ai eue. Mais, je me dis toujours que ce sont des choses qui arrivent en sport. C’est arrivé. Maintenant, il faut penser à autre chose, sur comment remettre notre football sur les rails. Je crois qu’avec la décision du chef de l’Etat, beaucoup de choses changeront.
A ce sujet justement, Que doit-on attendre concrètement de cette instruction du Chef de l’Etat au Premier ministre ?
Quand on arrive à ce niveau, il ne faut plus tergiverser. La première des choses, c’est de tout remettre à plat. D’essayer de repartir avec des personnes neuves. Les autres qui étaient là nous ont démontré pendant deux coupes du monde d’affilée qu’ils n’avaient pas de solution à proposer. Donc, il faut trancher dans le vif sans état d’âme. Pas seulement sur le plan administratif, mais aussi au niveau des joueurs. L’administratif a certes une part de responsabilité, mais les joueurs aussi. N’oublions pas que ce sont les joueurs qui jouent sur le terrain. Moi je ne peux pas comprendre que parce qu’il y a des problèmes au niveau administratif, sur le terrain, ça ne donne pas. Ce ne sont pas les administrateurs de toutes les façons qui viendront jouer. Mais, pour une bonne harmonie, il serait mieux que l’administrateur et le joueur s’entendent, et je crois qu’on doit s’atteler à le faire.
L’encadrement technique doit-il être épargné ?
Le plus grave, ce n’est même pas au niveau de l’élimination, mais lors du troisième match (contre le Brésil : 4-1, ndlr) où les carottes étaient cuites, je ne vois pas pourquoi on n’aurait pas fait jouer d’autres joueurs qui n’avaient pas encore joué. Et en principe, les éliminatoires de la CAN commencent dans un mois ou un mois et demi, et il fallait voir dans quel esprit ceux qui n’ont pas du tout joué pourraient apporter quelque chose. L’entraineur a fait ses choix, et je crois qu’il en assume pleinement les conséquences.
Etes-vous favorable ou pas à un changement dans l’encadrement technique des Lions ?
Ça doit être radical, en commençant par le haut jusqu’en bas. Maintenant, on sait bien comment ça se passe chez nous. J’ai souvent vu des entraineurs faire dix à vingt ans au même poste sans résultats, mais qui sont toujours là. Mais, je crois que l’heure a sonné. On a déjà touché le fond, et on ne peut plus aller au-delà. Il faut se relever, quelque soit la thérapie qu’il faut utiliser. Donc, n’ayons pas peur en demandant si en changeant ça va vraiment porter des fruits. Puisqu’en changeant, on a vu ce que ça a donné. Donc, maintenant, il est temps de prendre des risques et de changer.
Mais, c’est cette politique des autorités de toujours balayer au lendemain des échecs dans l’espoir de récolter des lauriers qui fait en sorte que rien ne marche définitivement, non ?
Avouons que la politique des résultats immédiats a échoué. Il faut repartir par la base, avec le football des jeunes. A l’époque, il y avait même le football scolaire. Donc, n’ayons honte de rien, ça prendra le temps que ça va prendre, et c’est certain qu’au bout de quelques temps, on retrouvera un Cameroun compétitif, un Cameroun qui pourra encore gagner des trophées.
Est-ce que le cas du Nigéria avec Stephen Keshi, natif du Nigéria, qui a qualifié son pays pour les 8ès de finale de cette coupe du monde peut servir d’exemple au Cameroun ?
Les Nigérians à leur niveau ont eu ce courage. Et disons que c’est ce courage qui nous manque depuis un certain temps. Le Nigéria a bien dissout son football, il a eu des problèmes avec la Fifa qui l’a suspendu, mais il a tenu bon. Ils ont pris un risque payant. Maintenant, on voit comment ça se passe. Moi je dis, entraineur étranger ou pas, le problème ne se pose pas. La problématique est dans les fondamentaux, c’est-à-dire, qu’est-ce qu’il faut faire pour progresser ? Donc, n’ayons pas peur d’être éliminé demain ou après-demain, sachant que dans cinq ans, on retrouvera les sommets.
On peut en même temps prendre aussi exemple sur la France qui confie sa sélection à ses héros du mondial 98 reconvertis dans l’entrainement, non ? Pourquoi pas au Cameroun avec la génération dorée d’Italie 90 ?
Je crois que c’est une réflexion à faire. On ne peut que se réjouir pour la France. Comme vous le dites, pourquoi pas au Cameroun aussi ?
Entretien avec Armel Kenné