On voit désormais plus clair quant à la position des équipes engagées dans la course dans leurs groupes respectifs. Pour le cas spécifique du Cameroun, la copie présentée jusqu’ici par les Lions indomptables est au-dessus de la moyenne, même si leur prestation alterne du bon et du moins bon.
Jusqu’ici, les poulains du coach Volker Finke ont disputé quatre matchs dont celui du 15 octobre 2014 contre la Sierra Leone à Yaoundé. A s’en tenir uniquement aux statistiques, la prestation fournie jusqu’ici va au-delà des attentes. Stéphane Mbia et ses coéquipiers ont en effet enregistré trois victoires et un nul, pour huit buts marqués contre un seul encaissé. A ce niveau et pour rester positif, on ne peut que marquer de la satisfaction devant les résultats produits par une équipe qui semble avoir été totalement transfigurée par l’enjeu. A la grande et bonne surprise des observateurs, la capacité des nouveau Lions à marquer les buts en encaissant peu est en rupture totale avec la performance d’un passé récent.
Leader de son groupe qualificatif, cette équipe new-look du Cameroun a fière allure et pourrait même faire des envieux. Sans fausse modestie, elle présente à l’heure actuelle, l’c’est l’une des meilleures différences de buts (+7) de tous les groupes qualificatifs à la CAN 2015.
Il est intéressant d’observer que ces bons résultats interviennent dans un contexte à priori peu favorable. Il n’échappe à personne qu’au lendemain d’une coupe du monde bâclée, l’équipe nationale fanion est en pleine refondation. Dans le cadre de cette dynamique de restructuration, plusieurs changements sont intervenus tant au niveau des joueurs qu’à celui de l’encadrement technique. Or le rajeunissement des effectifs à près de 70 % a fait craindre le pire avant le coup d’envoi de cette première manche éliminatoire. Et pour ne rien arranger, le Cameroun a hérité d’un groupe qualificatif difficile lors du tirage au sort avec des adversaires coriaces comme la Côte d’Ivoire et la RDC. Peu d’observateurs pouvant miser un seul centime sur une sélection ayant terminé bonne dernière de la Coupe du monde 2014 avec la bagatelle de huit buts encaissés, le discours officiel convenu était celui de la patience et de la tolérance. Puisqu’on ne peut pas faire d’omelette sans casser les œufs, les supporters et le grand public en général devait se préparer à toutes les éventualités, y compris les cuisantes défaites pour mieux préparer un avenir plus radieux.
On en était encore à philosopher sur leur forme du moment lorsque la nouvelle cuvée des fauves a surpris agréablement, déjouant les pronostics les plus pessimistes, pour se hisser à un niveau inespéré. Contre toute attente, la nouvelle dynamique insufflée par un nouvel état d’esprit aux antipodes de l’égocentrisme longtemps décrié, a littéralement changé la donne. C’est désormais une équipe des Lions plus volontaire, plus solidaire, soudée, ambitieuse, combative et conquérante, qui fait la course en tête, bousculant tout sur son passage.
En ce moment précis, le principal satisfecit vient d’un constat : le Cameroun compétitif est de retour. Après avoir assisté en spectateurs aux deux dernières compétitions continentales (2012 et 2013), les Lions sont désormais aux portes de la CAN 2015. Il ne reste plus que deux matchs à disputer, dont l’un prévu à l’extérieur, pour valider une qualification qui leur tend largement les bras. Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, la bonne copie rendue jusqu’ici ne met pas les Lions à l’abri des mauvaises surprises. Le match nul vierge du 11 octobre dernier contre la Sierra Leone à Yaoundé a sonné comme un avertissement à prendre très au sérieux. Comme pour dire que rien n’était définitivement gagné et que la longue marche vers la prochaine CAN est encore semée d’embûches.
L’histoire des batailles perdues alors que tout semblait indiquer le contraire, est riche d’enseignements. La dernière marche est souvent la plus délicate à franchir, un faux pas n’étant jamais exclu, surtout quand l’objectif semble à portée. Par exemple, la victoire-surprise de la RDC à Abidjan (4-3) est venue bouleverser les positions et complexifier davantage la grille d’analyse. Alors que sa qualification directe était envisagée, le Cameroun devra encore attendre avant de se rassurer car il suffit parfois d’un faux pas pour rendre possible une redistribution des cartes et relancer la course à la qualification. Ce scénario catastrophe, personne ne le souhaite au Cameroun. Les Lions savent, mieux que quiconque, que la qualification relève de leur responsabilité. Il s’agit d’une mission de haute portée. A remplir avec détermination et panache.
La première étape étant franchie, il faut dès maintenant se mettre en ordre de bataille pour entamer la dernière ligne droite. Aucun détail ne doit être négligé, ni au niveau administratif, ni sur le plan physique, technique, tactique et psychologique. Même si on change difficilement une équipe qui gagne, il reste évident que le jeu produit jusqu’ici présente encore de nombreuses lacunes au niveau de la conservation du ballon, de la fluidité du jeu, de la gestion des espaces entre les lignes, de la rigueur défensive ou du réalisme offensif, notamment dans l’exploitation des coups de pieds arrêtés. Le sélectionneur Volker Finke devrait logiquement mettre à profit le temps qui reste pour effectuer des réajustements indispensables pour la suite, en insistant bien évidemment sur la défense de la pérennité de ce nouvel «esprit lion » qui pourrait être mis à mal par l’attitude équivoque de quelques brebis galeuses qui ne semblent pas avoir totalement soldé les vieilles rancunes d’un passé récent. Certains actes d’indiscipline ou de défiance observés lors des deux derniers matchs contre la Sierra Leone sont de nature à polluer de nouveau un climat en voie d’assainissement. Quant à certains jeunes éléments encensés un peu trop vite et qui semblent marquer le pas, ils devraient se remettre rapidement au travail. Avec l’humilité d’apprendre encore quelques ficelles du métier, pour mieux tutoyer le haut niveau.
La qualification pour la prochaine CAN est donc en bonne voie. On dirait même qu’elle est presque acquise car sauf un séisme de dernière minute, on voit mal le Cameroun perdre les deux derniers matchs qui lui restent à disputer. Mais gare à l’excès de suffisance qui a failli nous jouer un mauvais tour lors du match aller du 11 octobre contre la Sierra Leone à Yaoundé. L’adversaire du jour avait raté de peu un hold-up parfait. Désormais avertis du danger qui les guette, les Lions ont intérêt à continuer de travailler dur pour entretenir leur mental de gagneur. En se disant que le pur plus dur est encore devant eux. C’est dans le refus de la facilité, l’humilité et la concentration maximale que se trouvent les clés des matchs-couperet qui restent à disputer contre la RDC et la Côte d’Ivoire qui rêvent secrètement de revanche.
Jean Marie NZEKOUE, éditorialiste, écrivain
Auteur, entre autres, de « L’aventure mondiale du football africain » (L’harmattan, Paris 2010)