Le processus électoral à la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT) vient de connaître un coup d’arrêt après le carton rouge que la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique et sportif du Cameroun vient d’infliger au Comité de normalisation de la Fédération.
Par Jean-Marie NZEKOUE
En invalidant les travaux de l’Assemblée générale extraordinaire du 02 juin 2015, la CCA a jeté un nouveau pavé dans une mare suffisamment trouble, en invoquant des arguties juridiques plus ou moins convaincants, notamment le viol de certaines dispositions des statuts de 2012 de la FECAFOOT.
Recalé une fois de plus, le Comité de normalisation est de nouveau à la croisée des chemins et se retrouve dans la posture d’un élève étourdi, sommé de revoir sa copie. Du coup, le « l’équipe Owona » est remis, de la plus brutale des manières, face à des responsabilités de plus en plus ardues au fur et à mesure que se rapproche l’échéance.
C’est en juillet 2013 qu’une équipe de « juristes de haut vol » (pour reprendre la formule très usitée à l’époque) a été appelée par la Fifa au chevet d’une fédération écartelée entre les ambitions et intérêts contradictoires. Avec la mise à l’écart de l’ancienne équipe accusée de tous les maux, on croyait s’acheminer enfin vers des lendemains qui chantent pour le football camerounais. C’était oublier que les redresseurs de tords supposés étaient aussi des hommes, en chair et en os, aussi tentés que leurs prédécesseurs par des avantages plus ou moins légitimes liés à leurs juteuses fonctions.
Les premières dissensions internes étaient déjà apparues il y a plus d’un an avec la démission du vice-président Emmanuel Ngassa Happi, mettant en exergue des querelles d’égo et d’autres combats souterrains dont on n’avait pas besoin en ce moment précis. Rendu à deux mois environ de la fin de son mandat, le Comité de normalisation qui a déjà bénéficié de deux prolongations et dont le caractère essentiellement provisoire n’échappe à personne, donne de plus en plus l’impression de se complaire dans des vêtements taillés sur mesure pour une gouvernance ad vit aeternam. Comme quoi la chèvre broute là où elle est attachée. Alors que le processus électoral semblait aller, cahin-caha, vers le bout du tunnel, le dernier rebondissement en date renvoie donc tout le monde à la case départ.
Logique d’affrontement
Au regard des multiples obstacles surmontés pour arriver à ce stade, du grand retard déjà enregistré et des urgences de l’heure, le rappel à l’ordre de la Chambre de conciliation et d’arbitrage peut apparaître comme une sanction de trop, en ce sens qu’il vient plomber tous les efforts déjà engagés par toutes les bonnes volontés pour aboutir à un minimum de consensus en vue de sortir le football camerounais de l’ornière. Au-delà des arguments plus ou moins pertinents avancés par les uns et les autres, la partie de ping-pong qui se joue entre le Comité de normalisation et la Chambre de conciliation et d’arbitrage est appelée à se prolonger si rien n’est fait dans la voie de l’apaisement. Au lieu de cela, les deux parties semblent de complaire depuis des mois dans ce jeu du chat et de la souris, où chacun donne l’impression de trouver son compte. Comme dans une partie d’échec, chacun semble avancer ses pions en anticipant sur la réaction du joueur d’en face pour le coincer et au besoin le ridiculiser pour mieux se valoriser en retour. Au grand dam du football et des footballeurs.
On a d’un côté, le Comité de normalisation qui, à force de s’occuper des questions liées au ballon rond, donne l’impression de disputer un match à l’issue indéterminée. Beaucoup d’observateurs trouvent paradoxal qu’un aréopage de juristes de haut vol, de professionnels de droit rompus à la rédaction des statuts et à l’agencement des formules juridiques les plus complexes, soient rappelés maintes fois à l’ordre, pour des fautes de jeunesse indignes de leur réputation. Aux yeux de certains spécialistes du droit, modifier par exemple l’ordre du jour d’une assemblée générale, valider les résultats d’un scrutin d’adoption des statuts en-dessous du seuil de majorité requise et ce au mépris de la réglementation en vigueur, participe d’un amateurisme qui ne relèverait pas du simple hasard.
A quand la fin du cirque ?
De son côté, la Chambre de conciliation et d’arbitrage s’est toujours mis dans la posture du garde chiourme prêt à asséner le gros bâton sur la tête du « fautif » sans crier gare. Beaucoup diront que la CCA est dans son rôle quand il délibère sur des incongruités juridiques portées à sa connaissance. Ceci dit, elle pourrait se grandir davantage en refusant de tomber systématiquement dans les pièges tendus par ceux qui n’ont pas intérêt à ce que la normalisation aille à son terme. Comment sortir dès lors de l’impasse ? Par quelque bout qu’on prenne la crise actuelle, elle s’apparente à un blocus dont on ne voit pas l’issue dans l’immédiat. Toujours est-il que la gravité de la situation commande un sursaut patriotique de la part des principaux protagonistes qui doivent mettre un bémol aux querelles d’égo et aux batailles de préséance pour éviter que le remède préconisé (normalisation) soit pire que le mal. Personne ne gagne rien à avoir raison contre tous. Toute démarche pour retrouver la voie de la sagesse devrait préconiser le respect mutuel qui passe par le strict respect des textes en vigueur par toutes les parties prenantes.
Jean Marie NZEKOUE est éditorialiste, chroniqueur sportif, auteur entre autres, de : « Afrique, faux débats et vrais défis » (2008), « L’aventure mondiale du football africain » (2010).