Vice-président de la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique et sportif du Cameroun (Cnosc), arbitre au Tribunal arbitral du sport (Tas) depuis l’an 2000, enseignant à l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric) depuis 1996, et à l’Injs de Yaoundé depuis 1996, il nous mène à la découverte cette énigme dont les décisions ont préoccupé les observateurs du football. Ce que c’est, ses compétences, ses méthodes de travail et les personnes qui y siègent. Lisez plutôt.
C’est quoi la chambre d’arbitrage et conciliation du Cnosc ?
C’est une juridiction de sport. C’est Comité international olympique (Cio) qui a demandé à chaque Comité national olympique de créer une juridiction avec la dénomination qui lui est propre. C’est nous-mêmes qui avons donné sa dénomination. Ça peut s’appeler Chambre ou tribunal. Nous n’avons pas voulu copier le tribunal arbitral su sport (Tas), qui se trouve à Lausanne. Comme nous faisons le contentieux d’un côté et l’arbitrage de l’autre, nous avons donc pris la dénomination « Chambre de conciliation et d’arbitrage ». Elle est là pour trancher en dernier ressort de tous les litiges d’ordre sportif, comme l’indique d’ailleurs la loi. Ses sentences ou décisions ne sont susceptibles de recours que devant le Tribunal arbitral du sport de Lausanne, en Suisse. Elles s’imposent à tout le monde. Il ne s’agit pas seulement des fédérations, mais de tout le monde. Elle connaît des problèmes d’ordre sportifs qui ne naissent pas nécessairement des fédérations.
Quelle est la relation entre votre Chambre et le Tas ?
La chambre c’est en quelque sorte le TAS au niveau du Cameroun. Mais, elle est reconnue par la Tas, parce que, quand vous partez d’ici avec une décision, si vous n’êtes pas d’accord, vous saisissez le Tas. Et le Tas s’enquiert à notre position. Cela veut dire que si vous attaquez une décision de notre Chambre, le Tas nous tient au courant et nous donnons notre version qui ne le lie pas et nous pouvons même demander à être partie à cette procédure. Mais, généralement, nous estimons avoir rendu une sentence et ça ne vaut pas souvent la peine d’aller là-bas. Je puis vous rassurer que depuis que nous avons commencé à rendre des sentences, tous ceux qui sont partis au Tas sont revenus déboutés, y compris la Fécafoot.
Qui sont les membres de cette chambre ?
Pour le moment, parce que nous venions juste de commencer, il y a 13 membres. Parmi ces membres des magistrats, des avocats, des enseignants de droit des Universités.
Quels sont les critères de leur désignation ?
C’est le président du Comité national olympique et sportif du Cameroun qui les nomme, comme le précise la loi. Les critères de choix, comme au Tas, où je siège depuis l’an 2000 ont trait à la formation en droit, avec un bon niveau, savoir comment fonctionne le mouvement sportif universel, pouvoir allier les deux. Non seulement, il faut pouvoir allier les deux, mais il faut savoir comment ça se passe au niveau international.
Votre Chambre fonctionne depuis combien d’années ?
Cette Chambre est née depuis 2001. Mais, la mettre en place n’a pas été facile en raison du manque des locaux, et beaucoup d’autres choses. Nous sommes un peu mieux logés en ce moment. Elle fonctionne effectivement depuis trois ans.
Il demeure tout de même que vos décisions n’ont pas toujours été exécutées. Que se passe-t-il ?
Je suis très surpris de ce que disent certains qui sont déboutés ici. Ils passent à travers les médias pour dénigrer la Chambre. Est-ce qu’il y a quelqu’un au-dessus de la loi ? Quand vous ne vous exécutez pas, nous avons les moyens de vous y contraindre. Tout cela est contenu dans notre Code de procédure. Celui qui est muni d’une sentence devenue définitive non exécutée peut, saisir le Président du Tribunal de Première Instance du lieu de situation du siège du Cnosc aux fins d’apposition de la formule exécutoire. Force est toujours à la loi. Les fédérations qui n’ont pas respecté nos sentences sont suspendues par leurs fédérations internationales. Personne n’est au-dessus de la loi. Et quand vous persistez, parce qu’on n’a pas voulu utiliser la force, vous êtes méconnus au niveau international.
L’activité de votre Chambre a été très intense ces derniers temps, avec des sentences rendues contre la Fécafoot. Pensez-vous qu’elle soit à même d’exécuter vos décisions, quand on sait que bien avant les dernières décisions, celle du cas Prosper Nkou Mvondo n’a pas été exécutée ?
Je ne vais pas rentrer dans des cas particuliers. Quand la Fécafoot gagne un procès chez nous, elle nous adule. Elle a remporté le premier combat contre Nkou Mvondo et cette fois-là, c’est Nkou Mvondo qui s’est pourvu au Tas et est revenu débouté, comme nous l’avions déjà fait ici. Quand ça n’arrange pas les gens de la Fécafoot, ils trouvent que la Chambre n’est pas compétente, ils insultent tout le monde, ils disent que la loi camerounaise ne vaut rien.
A la Fécafoot, on parle d’acharnement de votre Chambre avec les mêmes personnes qui siègent contre elle …
Ecoutez. Nous ne nous mêlons pas dans la nomination des membres de leurs commissions Chaque structure est régie par ses textes et fonctionne selon ceux -ci. S’ils disent que c’est l’acharnement quand nous faisons correctement notre travail, c’est leur point de vue, nous le respectons. Ils ne vont pas venir fonctionner à notre place. Nous avons une juridiction comme le Tas où je suis arbitre et ils le savent. Je vais d’ailleurs au Tas dans quelques jours pour défendre un club algérien. Ce qu’on dépense est lourd en terme financier pour mon déplacement. La moindre affaire au Tas tourne autour de huit millions de francs de frais de procédure. On comprend pourquoi ils disent souvent aux clubs d’aller saisir le Tas, parce que c’est lourd. S’ils disent que c’est l’acharnement quand nous faisons correctement notre travail, ils ne voient pas avec quel acharnement ils ont voulu faire les élections, malgré l’interdiction des autorités administratives et ils se sont entêtés. Le territoire appartient au peuple camerounais souverain. Les affaires sont arrivées à cause de ce qu’ils savent qu’ils ont fait eux-mêmes au cours de ces élections. Nous sommes une juridiction et nous ne nous saisissons pas des affaires. Mais quand elles viennent, nous les traitons.
La Fécafoot vous accuse du non respect de vos propres textes, des règles de procédure, des droits de la défense et le principe du contradictoire n’ont respectés par vous dans les différentes procédures …
Quand il s’est agi des sentences en leur faveur, ils n’ont jamais dit qu’on n’a pas respecté les procédures. Et la première affaire Nkou Mvondo, c’est bien eux qui avaient gagné et même jusqu’au Tas. Et quand ils ont perdu ici dans l’affaire Mayebi, ils sont allés perdre aussi au Tas. Donc, le Tas est ouvert. Parlant des droits de la défense, quand on vous envoie une convocation et que vous nous envoyez une lettre nous apprenant notre métier, sans vous renseigner sur quel Code nous tirons cette manière de faire, à quoi vous attendez-vous ? Notre Code est là. Il a prévu aussi des cas ultra urgents. Il y a le référé sportif qui existe partout, même au Tas. Pour régler une affaire élective chez eux, c’est 48h. Ils veulent que nous la réglons en combien de temps ? Qu’on laisse pourrir la situation ?
Selon vous, qu’est-ce qui fait problème à la Fécafoot ?
Je suis juge et je ne peux pas entrer dans les détails. On nous envoie des requêtes et nous sommes obligés de trancher en fonction des règlements, de la loi et même des textes de la Fécafoot. Si des gens estiment qu’on a mal travaillé, il y a des voies de recours. Il ne sert à rien de passer dans les médias insulter X ou Y et même la nation. Quand vous dites que la Chambre ne vaut rien, ça veut dire que la loi ne vaut rien.
Vous avez ordonné la réécriture de certaines dispositions des textes de la Fécafoot …
Ils vous disent que la loi n’est pas rétroactive. Une décision de justice n’est pas la loi. Ils ont de grands juristes à la Fécafoot, pour leur dire que ce n’est pas la même chose : la rétroactivité de la loi. Une loi peut être rétroactive si elle est douce. C’est ce que j’ai appris en droit.
Qu’est-ce qui va se passer pour la suite ?
Je l’ai déjà dit, concernant la sanction du Consupe (Contrôle supérieur de l’Etat), ils ont la Chambre administrative de la Cour Suprême, pour faire recours. Un sursis à exécution permettrait à leur champion de s’en tirer. Mais, s’agissant de la sentence même de la Chambre, il y a une seule voie de recours prévue par la loi camerounaise : c’est le Tas.
Au sujet de cette sanction du Consupe, à la Fécafoot on dit que la Fécafoot a le statut d’une organisation privée et que cette sanction ne la concerne pas. Comment comprendre cela ?
Quand des gens ne savent même pas la nature juridique d’une fédération, ils peuvent le dire. Une fédération est une association de type privé, ayant une mission de service public. Et en tant que telle, elle a des prérogatives de puissance publique. Les décisions prises dans le cadre de cette mission de service public sont administratives susceptibles de recours devant le juge administratif. Des gens qui parlent ne savent même pas ce que c’est qu’une fédération sportive.
La sanction prise par le Consupe n’est pas, dit-on, une décision pénale …
Je vous renvoie dans les textes du Consupe.
Comment le Consupe peut sanctionner un individu pour la gestion d’une entreprise d’Etat et quelques temps après le Conseil d’administration de l’entreprise lui donne quitus avec des félicitations ?
Je ne peux pas rentrer dans ces détails. Nous avons vu des gens avoir le quitus de leur Conseil d’administration et être enfermé le lendemain.
Entretien mené par Antoine Tella à Yaoundé