L’entrée du stade la Réunification de Douala ressemble à une ruche. Deux conteneurs, contenant du gazon synthétique et du goudron pour le tartan de la piste d’athlétisme, sont posés à même le sol. Devant l’un des conteneurs ouvert, un petit tracteur hyster entre à l’intérieur, se saisit de ses deux bras en fer, un ballot blanc d’environ deux mètres de hauteur, qu’il vient ensuite poser sur la semi-remorque d’un camion. Lorsque ce dernier est chargé, le camion va ensuite déposer les ballots de gazons et goudrons à l’intérieur du stade, plus précisément à la main courante. « Depuis vendredi [12 septembre 2008, ndlr], nous avons déjà acheminé huit conteneurs ici au stade la Réunification. Il reste encore cinq conteneurs au ports de Douala », indique un responsable de la société de transit SDV chargé de transport de ces conteneurs et qui n’a pas souhaité décliner son identité. Assis devant l’autre conteneur fermé, un vigile de la société CERES Sécurité, un bâton en main, apprécie, visiblement, d’un mauvais oeil ce dialogue entre le reporter et le responsable de SDV.
A l’intérieur du stade, l’ambiance est studieuse. Le soleil de plomb de ce jeudi ne décourage pas une dizaine d’ouvriers qui s’occupent sur l’aire de jeu, complètement dégarni. Un coup d’œil furtif dans les gradins déserts permet de constater que d’énormes touches d’herbes poussent abondamment par endroits. La tribune de presse et la tribune d’honneur ressemblent à une vieille bicoque abandonnée. A peine le reporter commence à faire des photos que deux gros bras interviennent énergiquement : « Monsieur, c’est strictement interdit de faire des photos ici ! Ce sont les consignes du directeur du stade. Sortez d’ici ! », Éructe l’un deux. Une tentative de dialogue échoue lamentablement. Fowa Gaston, un employé de la société Botma chargé de faire les travaux civils du stade, qui reconnaît le reporter tente une médiation. Niet ! Le journaliste doit sortir. « Les ordres sont les ordres », menace le vigile. Un employé nous conseille d’attendre l’arrivée des sieurs Medou (Botma Cameroun) et Porchai (un expert Fifa) chargé de superviser les travaux de la pose des gazons synthétiques. Deux heures plus tard, les responsables chargés de nous renseigner ne sont toujours pas rentrés.
« Les matches reprendraient en décembre 2008 »
Joint au téléphone, André Marie Botang, le directeur général de Botma Cameroun chargé de faire les travaux de génie civil, mais parti pour Yaoundé est disposé à apporter des éclaircissements. « Les travaux de génie civil sont terminés depuis. Nous n’attendons que la pose des gazons qui sera faite par l’entreprise Hollandaise Greenfields », informe-t-il. Sur les raisons de la non pause des gazons synthétiques qui sont pourtant déjà disponibles au stade de la Réunification depuis une semaine alors que le championnat commence le 27 septembre prochain, le Dg de Btoma Cameroun précise : « L’expert de la Fifa, (M. Porchai) qui a fait son rapport a été formel. L’intensité de la pluie ne permet pas qu’on pose les gazons synthétiques en ce moment », avant d’ajouter, sec : « Cette décision n’est pas négociable ! », avait-il martelé. Jean Spliant Youdom, le coach de Sable de Batié dont le club s’entraîne au stade annexe de la Réunification de Douala lâche une boutade : « Mais, on leur a pourtant bien dit à ces gens de ‘’voir’’ les notables duala (autochtone de la ville de Douala) pour qu’ils ‘’arrêtent’’ la pluie et qu’ils commencent les travaux. Et ils refusent d’aller négocier avec eux ».
Cependant, si l’on persistait à poser les gazons malgré la pluie, « dans une année ou deux, les gazons vont se décoller puisque la colle n’aime pas l’humidité encore moins la pluie. Plus tard, on viendra accuser Greenfields de n’avoir pas bien fait son travail », précise André Marie Botang,. Toutefois, Camfoot a pu apprendre de sources proches du stade que « des experts chargés de poser les gazons venus de la Hollande étaient ici à Douala. Et comme le travail n’a pas encore démarré, ils sont sur le point de rentrer dans leur pays ».
Gradins et vestiaires désuets
Pour le Dg de Botma Camreroun, « les travaux ne reprendront que le 30 octobre prochain. Nous viendrons à quelques jours de cette date pour faire les réglages fins. Quoi qu’il en soit, les travaux de génie civil sont finis. Il ne sert donc à rien que la Fécafoot nous mette la pression », lâche le Dg de Botma-Cameroun, contenant difficilement son courroux. Selon des informations puisées à bonne source, si les travaux venaient à démarrer le 30 octobre 2008 comme annoncée, « il faudra entre 15 et 21 jours pour que la pose des gazons et du tartan pour la piste d’athlétisme soit finie », croit savoir notre source. Calculette en main, le stade de la Réunification (du moins l’aire de jeu) sera livré en fin novembre 2008. Notre source en annonçant que si tout marche comme sur des roulettes, « les matches pourraient reprendre sur le stade Douala en début décembre 2008 ».
En dehors de l’aire de jeu, tout le stade de la Réunification devrait être réfectionné. Les gradins méritent un coup de neuf. La tribune de presse doit être remplacés. Les chaises de la tribune d’honneur doivent être remplacées par des nouvelles. Les vestiaires, complètement désuets, sont à refaire : « Les bidets et les leviers à mains ont été volés avec la complicité des responsables du stade. Sinon comment comprendre que le gardien, papa Ngambi, qui garde ce stade depuis plus de 20 ans n’a jamais reçu la visite des voleurs. Mais c’est lorsqu’on vient mettre plusieurs vigiles pour garder les matériels pendant les travaux de réfection qu’on assiste à la visite de plusieurs voleurs. Pourquoi les gens se dépouillent eux-mêmes ce qui leur appartient», s’insurge Folong Joseph, un badaud, rencontré à l’entré du stade de la Réunification.
Dix mois de retard !
Démarré en novembre 2007, les travaux de réfection du stade de la Réunification devaient durer trois mois (voir photo). Les matches du championnat devraient reprendre, soutenait-on à l’époque, en mars 2008. Mais dix moi plus tard, à cause de plusieurs aléas, le stade n’est toujours pas livré.
Les travaux de génie civil devraient faire deux mois. Il s’agissait de faire « le remblayage avec la terre siliceuse modulée de quartz, le compactage du sol avec une inclinaison de 8/1000 (allant du centre du terrain vers les caniveaux latéraux). Cette disposition permettra un drainage efficace de l’eau. De l’air de jeu vers les caniveaux. Qui à leur tour évacueront cette eau vers l’extérieur. Etant donné qu’une colle imperméable sera apposée sur le sol compacté, avant l’implantation du gazon synthétique. Avec cette disposition, il ne sera plus possible que l’air de jeu s’envase comme auparavant », expliquait Jean Tchoffa, le contrôleur de qualité des travaux.
Mais les travaux de génie civil ne sont finis qu’en fin août dernier. Pour cause « des pénuries de ciment observées au Cameroun, à la grève et aux émeutes qui ont paralysés le pays en fin février dernier et aux intempéries », a soutenu une source de Botma Cameroun. La société Hollandaise, Greenfield Bv, l’entreprise générale, qui s’occupe de ces travaux ont accusé un retard dans le transfert des conteneurs de gazons pour cause de la délivrance tardive des documents d’exonération de taxes sur ces marchandises par l’Etat du Cameroun.
Annoncé au Cameroun pour le mois de juillet dernier, lesdits conteneurs ne sont pas arrivés au Cameroun à temps « à cause d’une grève dans un port français qui a été à l’origine du retard accusé par le gazon synthétique », avait argué le Dr Francis Mveng, vice président de la Fécafoot. Si le championnat venait à démarrer le 27 septembre 2008 comme annoncé, les clubs de Douala (Astres, Union et Matelots) recevraient leurs matches à Tiko, une ville située à 30 minutes de la capitale économique du Cameroun.
Cette réfection du stade de la Réunification est un don Fifa qui rentre dans le cadre du projet «gagner en Afrique avec l’Afrique» en 2010. Une aide qui se matérialise au Cameroun par la construction d’un terrain de football en gazon synthétique. Mais contrairement aux projets identiques menés ailleurs en Afrique (Benin, Centre-Afrique, Congo Brazza, Côte d’ivoire, etc.), où les pouvoirs publics ont apporté leur contribution pour une rénovation du reste du stade, l’état camerounais ne semble pas avoir saisi la balle pour effectuer un toilettage de ce stade omnisports, le plus sollicité du pays et paradoxalement le plus abandonné. Aucune rénovation depuis sa livraison en 1972. Pour preuve, malgré les mois de retard de la portion « gratuite » des travaux, rien n’a été entrepris ailleurs dans le stade. On s’achemine fort bien à la réception d’un stade avec une nouvelle pelouse et piste, mais dont l’état des gradins, les vestiaires, tribunes, tableau d’affichage et autres se passe de commentaires ; une fossilisation honteuse qui menace directement la santé et la sécurité des spectateurs. On est très loin des standards Fifa. Vivement en novembre (?) pour l’inauguration, Sepp Blatter y étant en général… Faudra le voir pour croire !