Au fil des jours, la colonie de footballeurs camerounais s’étoffe au Royaume Uni. Mais tout le monde n’est pas Lauren Etame ou Marc-Vivien Foe. Refusés par les grands clubs de la Premiership, beaucoup ont choisi de vivre d’expédients.
Quand Henri Tsoungui débarque en Angleterre en début d’année 1997, il nourrit encore de grandes ambitions de footballeur professionnel. Persuadé de son potentiel seulement éprouvé chez les juniors de la Cnps (l’équipe n’existe plus aujourd’hui), le jeune homme alors âgé de 17 ans, se voyait déjà tutoyant les grands noms de la Premiership. Aujourd’hui, Henri a rangé ses rêves dans les chaumières anglaises : « Il fallait être réaliste. Ici en Angleterre, il est très difficile pour un joueur de trouver un club. J’ai fait le tour de Londres mais aucun club n’a accepté de me donner ma chance. Il en est de même pour de nombreux Camerounais qui viennent enterrer leur génie footbalistique ici. Les Anglais n’aiment que les produits finis, les grands noms. »
Henri s’est donc recyclé dans les petits métiers qui sont le lot des Africains et des Camerounais de Londres. Mais l’homme n’a rien perdu de sa passion originelle pour le ballon rond. Et c’est avec un plaisir toujours renouvelé qu’il se rend tous les dimanches à Hackney (un quartier de Londres) où ses copains camerounais l’attendent pour des parties souvent très enlevées. Consolation suprême, Henri peut même goûter aux délices de la confrontation sportive à la faveur de nombreux matches et tournois auxquels l’équipe du Cameroun est souvent conviée. Mieux encore, il lui arrive chaque année d’atteindre le nirvana à l’occasion d’une compétition très courue dénommée « the Inner City World Cup ». Un tournoi qui regroupe 32 pays du monde pour mieux épouser la configuration de la grande Coupe du monde.
Jouer la mini Coupe du monde
Pour son créateur Mark Abery, « l’idée est surtout de montrer la diversité raciale et culturelle du Royaume Uni d’aujourd’hui ». Une belle vitrine pour un pays toujours plus cosmopolite ouvert à tous les peuples du monde. Une compétition attrayante et parfois passionnante où se côtoient des pays de tradition footbalistique comme l’Angleterre, le Brésil, l’Argentine, le Nigeria, la France, le Cameroun et d’autres comme le Sri Lanka, la Gambie, la Thaïlande, le Bangladesh, qui ne se contentent pas d’apporter un parfum exotique au tournoi, mais se payent aussi la tête des “grandes nations”.
“Dans ce tournoi, l’échelle des valeurs est souvent renversée. La France n’a pas une bonne équipe, le Brésil est souvent malmené”, précise Henri qui n’a pas boudé ce plaisir devenu vital de se joindre à ses copains pour l’édition 2003 de cette mini World Cup programmée les 10 et 11 janvier. Cette année, les Lions du Cameroun voulaient le trophée. “Nous y avons déjà participé 3 fois mais nous sommes toujours passés à côté”, relève le coach Christian Ekedi. “ L’année dernière, nous sommes sortis en 1/2 finales à cause de la trop grande suffisance de nos joueurs mais cette année nous devons aller jusqu’au bout”, ajoute-t-il. Et les choses vont bien commencer pour les Lions. Lors des matches de poule, ils s’offrent même le Brésil (3-0) avant de se présenter en 1/4 de finale face au Portugal. Durant ce match qu’ils vont finalement gagner (1-0) les Camerounais se donnent en spectacle dans une arène où la fraternité et la convivialité étaient les maîtres mots. Certains, mécontents de ne pas être alignés d’entrée de jeu vont exiger que leurs cotisations leur soient remboursées; d’autres vont souhaiter la défaite de l’équipe dans un concert de hurlements sauvages qui ne va pas manquer de susciter l’étonnement des autres délégations. Cette cacophonie, les Lions la payeront cash en demi-finale face au Bangladesh, facile vainqueur d’une équipe aux abois.
Ici gisent de vieilles gloires
Ecœuré par cette élimination, Henri a quand même eu la force de relativiser cette issue. ” Apres tout, nous sommes là pour nous amuser, pour renforcer les liens entre Camerounais vivant à Londres. Nous formons une association, nous essayons de nous entraider dans les moments de joie et de peine”. Mais plus qu’une association, cette équipe se veut aussi un tremplin pour de jeunes joueurs camerounais qui veulent tenter leur chance en Angleterre à l’instar d’Atangana, cet ancien sociétaire du Canon de Yaoundé qui, comme Henri, désespère déjà de pouvoir se frayer un chemin dans le professionnalisme et se voit contraint de s’accrocher aux petits boulots pour survivre.
Didier Moundi, le frère cadet de l’artiste Petit Pays, a eu plus de chance. Il s’est trouvé un club de DIII, Bristol Fc où il gagnerait près de 800.000fcfa la semaine. Beaucoup de jeunes restent donc sur le carreau où ils rejoignent de vieilles gloires du pays pour qui le football n’est plus qu’un lointain souvenir. Zepa, Boe, Mebounou, Aroga, Dikoume, se sont tous réfugiés en Angleterre où ils sont désormais bien loin du football. Ils y ont rejoint Charly Ntamarck, le précurseur, ancien joueur de Sheffield aujourd’hui totalement reconverti dans une carrière administrative. “Mais ils ne manquent pas de donner un coup de main à l’association quand on a besoin d’eux “, précise le capitaine de l’équipe. Un coup de main, une assistance que nos footballeurs dilettants peinent à trouver chez les stars camerounaises de la diaspora comme Lauren, Foe, Mettomo, Job ou Geremi. ” Ils savent que nous sommes là. Nous avons fait des appels mais nous attendons toujours”.
Une aide, une attention que devrait naturellement leur apporter l’ambassade du Cameroun à Londres. “Mais de ce côté là aussi, c’est le vide. Nous avons organisé des manifestations le 20 mai dernier lors de notre fête nationale sans le moindre soutien. Il faut que l’Ambassade nous aide à faire rayonner l’image du Cameroun », pousse Henri. L’image du pays, car nos ambassadeurs en service chez la Reine ont fini de soigner la leur. La preuve ce sont ces puissantes voitures de sport dans lesquelles ils caracolent dans les rues de Londres, perpétuant là aussi une tradition bien camerounaise.
Hiondi Nkam IV