« Le Cameroun, c’est le Cameroun », dit une célèbre formule venue d’en haut. C’est à croire que rien ne ce passe ici comme ailleurs. Cette singularité apparemment flatteuse est pourtant en train de nous mener vers l’abîme. Et pourtant, il n’y a aucune honte de s’inspirer de ce qui se passe en mieux ailleurs dans l’optique de s’améliorer. Après avoir touché le fond, il faut nécessairement rebondir. D’où la nécessité de rebâtir une sélection plus solidaire et conquérante sur des bases plus saines.
Par conséquent, on ne saurait plus se contenter, cette fois-ci, des retouches cosmétiques ou du sacrifice de quelques boucs émissaires. La mise à l’écart précipitée d’Idriss Carlos Kameni, Achille Emana ou Geremi Njitap n’a résolu aucun problème de fond dans les Lions mais a plutôt cristallisé les inimitiés et entretenu l’esprit de vengeance dès lors que certaines fauteurs de trouble majeurs ont été maintenus inexplicablement en place. Il faut pourtant faire place nette, nettoyer la tanière en profondeur pour débusquer les punaises et autres parasites qui entretiennent la gangrène. Pourquoi ne pas s’inspirer d’autres pays d’Afrique ou d’ailleurs qui ont su assainir la gestion de leur football et de l’équipe nationale.
La France que certains s’amusent à railler nous a pourtant montré l’exemple d’un pays sérieux à travers la gestion efficace d’une crise. Eliminée dès le premier tour après la grève des joueurs de 2010 en Afrique du Sud, la fédération française sous la pression du gouvernement, coupa les têtes, en commençant par son propre président. En quatre ans, on rebâtit une nouvelle équipe performante avec des éléments moins talentueux peut-être, mais plus humbles et solidaires qui éclaboussent de leur talent la Coupe du monde 2014 au point de faire oublier les Henry, Anelka, Ribery et autres grands noms d’hier. Avec 20 nouveaux joueurs sur les 23 convoqués, c’est désormais une équipe soudée, sans grosse individualité mais équilibrée dans tous les compartiments, au jeu séduisant, affichant clairement l’ambition d’aller le plus loin possible. Un visage très différent du ramassis de talents individuels qu’on voit dans l’actuelle équipe du Cameroun où trônent des sénateurs à vie, immunisés contre toute sanction.
Plus près de nous, le Nigeria a remis à plat son football en 2010, malgré les menaces de la Fifa. Entre temps, il a rebâti sous la houlette d’un sélectionneur du pays (Keshi) une équipe comprenant plusieurs joueurs du terroir et qui s’est qualifié pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde 2014. Pendant ce temps, le Cameroun avait choisi la voie des demi-mesures, sans aucun impact réel sur l’évolution de la situation. Alors que d’autres s’inscrivaient dans la logique du changement, pendant quatre ans, l’équipe du Cameroun a fait le pari de l’inertie, de la sédimentation sans extirper ou cautériser pour autant la tumeur. Résultat : sur les 23 Lions présents au Brésil, plus des deux-tiers étaient déjà de la foireuse expédition sud-africaine.
Ceci explique sans doute cela. Or peut-on prétendre construire dans la durée, repartir du bon pied en conservant les mêmes matériaux qui ont ruiné la précédente fondation ? La question mérite d’être posée au pays du rafistolage permanent.
Jean Marie Nkeze