Notre profession ne consiste pas à enfoncer, au-dessus des cercueils, beaucoup plus de clous que n’en a prévu le menuisier. Non plus, nous ne prenons aucun plaisir macabre à tirer sur des corbillards. C’est pour ces raisons-là et pour d’autres raisons encore que nous ne revenons plus sur la gifle ivoirienne de l’autre soir.
Evidemment, avec un cinglant trois à zéro, dans des conditions de jeu où il n’y a presque rien à invoquer pour se trouver des prétextes ou des consolations au rabais… il y aurait beaucoup de choses à dire, beaucoup de jugements à porter. Mais, à quoi bon ? Très souvent, la plupart des leçons que l’on tire des défaites subies ne sont que des regrets impuissants. Autant s’en passer ! Cependant, contentons-nous de voir, dans la débâcle de l’autre soir de nos Lions Indomptables, une alerte assez significative pour nous poser, sans fanfaronnade, ni malice, toutes sortes de questions qui pourraient nous aider à nous remettre en cause, à comprendre et, éventuellement, à retrouver le chemin de la performance.
D’abord, soyons sportifs et sachons tirer un grand coup de chapeau aux ivoiriens. C’est, assurément, le feu général Guei qui aurait été aux anges et qui n’aurait plus demandé aux joueurs ivoiriens de marcher au pas ou de chanter l’ » Abidjanaise « , après avoir suivi en direct ce match victorieux qui a complètement lavé les éléphants de tous les déshonneurs dont les Lions indomptables les avaient tant de fois couverts en coupes d’Afrique des Nations. Ensuite, tournons-nous vers les nôtres. Malgré la lourde défaite, nous saluons la volonté manifestée par le staff technique de faire bouger les choses. Perrier, Emana, Idrissou et les autres Bela et Atouba nous réconfortent dans la conviction que nul n’est indispensable et que la bonne vieille terre continue de tourner à la même vitesse, même lorsque quelques individus, très méritants par ailleurs, s’imaginent du jour au lendemain qu’ils sont devenus les seuls maîtres du monde. A part cela, nous voudrions savoir si ce match avait été préparé, s’il n’était pas venu trop tôt et si c’est bien là la nouvelle équipe nationale de football du Cameroun qu’on attendait qui a évolué l’autre soir.
Il ne suffit pas, à la vérité, de changer quelques joueurs seulement, de remplacer trois ou quatre petits » vieillards » par des tout jeunes. Il est question, surtout, d’imprimer une nouvelle marque, d’inculquer un nouvel esprit. Et quand on parle des lions Indomptables, c’est de l’esprit de gagneur qu’il s’agit. De vous à nous, il n’y a pas, s’agissant de l’équipe nationale camerounaise de football, le moindre malentendu possible. La bouche la plus autorisée a, à maintes reprises, précisé que la place des Lions Indomptables, pour toutes les Camerounaises et pour tous les Camerounais, est à la table d’honneur. Donc, même pour un match dit amical, nos footballeurs doivent tout le temps donner le meilleur d’eux-mêmes pour que l’honneur du Cameroun soit sauf. Hélas ! avant-hier, bien des spectateurs ont eu l’impression que la plupart des ingrédients, dont la combativité, le dépassement de soi et la volonté de gagner, n’accompagnaient pas nos Lions, qui ressemblaient plus à des touristes fatigués qu’à des combattants.
Déjà, on aimerait savoir si les différents maux et malaises qui sévissent périodiquement au sein de notre équipe nationale ont fini par être soignés. En tout cas, on aurait alors oublié de nous dire pourquoi Etamé Mayer, par exemple, a claqué la porte de l’équipe nationale et si sa décision est définitive. Concenant l’entraîneur, nous sommes au regret d’oser affirmer — même en risquant les flèches empoisonnées de toutes parts — que M. Schaefer ne parvient pas à nous convaincre de ses méthodes trop originales. Qu-a-t-il apporté à l’équipe depuis qu’il est là ? Nous aimerions tant le rencontrer afin qu’il nous livre enfin le secret de ses recettes qui consistent, pour l’essentiel, à voyager à travers l’Europe, pour, paraît-il, superviser des matchs. Et pendant qu’on y est, nous voudrions lui souffler que même des capitaines d’équipes ou des goalkeepers titulaires peuvent également être mis définitivement de côté, quand l’âge et le complexe de supériorité commencent à les tourmenter.
Encore une fois, ne dramatisons rien. Rappelons-nous que le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Italie nous avaient déjà fait le coup du trois à zéro, au moment même où nous pensions que nous étions très forts. La Côte d’Ivoire, dans un match amical, a juste profité d’un relâchement — un relâchement qui dure depuis un certain temps déjà et qui puise dans un certain nombre de causes — pour » nous voir le dos « , comme disent les gens du Sud Cameroun. La défaite est lourde ; mais, c’est seulement une alerte. Espérons que cette alerte donnée nous mettra, demain, à l’abri de toute autre surprise désagréable.
Patrice Etoundi Mballa