Des projectiles de tout genre balancés sur la pelouse en direction de supporters et des joueurs camerounais et surtout des arbitres maliens par ailleurs ”séquestrés” pendant plus d’une heure avant de pouvoir quitter les lieux !
Il faut remonter à un certain Sénégal – Maroc (1 – 3) en éliminatoires de la ”World Cup USA 94” pour voir pareille furie du public du stade L. S. Senghor. En 93, cela avait coûté une suspension de son terrain à l’équipe nationale qui dut aller à … Abidjan ”recevoir” la Zambie, lors de son match suivant.
Samedi, le Sénégal n’a pas perdu qu’une qualification qui aurait été historique. Il a aussi, en partie, perdu la tête. Après le désolant spectacle qui a suivi cette élimination des ”Lionceaux” de la phase finale de la CAN cadets (Swaziland, du 19 mai au 6 juin 2003), une autre sanction du même genre ne devrait surprendre personne. Et personne n’aurait le droit de s’en plaindre, puisque les responsabilités se situeraient à divers niveaux.
Du côté de la Fédération d’abord qui, c’est de bonne guerre, a décrété une entrée libre et gratuite au stade afin de favoriser un support massif aux garçons de René Diouf. Mais parallèlement, qui n’a pas pris les mesures de sécurité de nature à circonscrire d’éventuels débordements. Puisque, même en cas de qualification sénégalaise, on n’était pas à l’abri d’envahissement de terrain pour saluer cette première. On a vu à travers le monde des victoires faire autant de dégâts que des défaites.
Chez les joueurs aussi qui, nonobstant le but qui leur a été refusé (et dont on n’a pas fini de parler), avaient largement les moyens de battre ces autres ”Lionceaux” qui n’avaient rien d’Indomptables, samedi. Malheureusement, ils ont péché là où tout se décide en football : au niveau de l’efficacité. S’ils se sont effondrés au coup de sifflet final, c’est certainement parce qu’ils savaient qu’ils avaient quelque chose à se reprocher.
Egalement du côté de leur entraîneur et de son staff en général. Le bon et très émotif René Diouf a dit ne pas comprendre qu’on ait refusé le même but à son équipe, tant à l’aller qu’au retour. C’est peut-être parce qu’aucun n’était bon. En tous les cas, les leçons étant faites pour être retenues, l’entourage des ”Lionceaux” aurait dû se montrer plus regardant et exigeant sur la manière d’exécuter les coups francs indirects aussi bien placés. Enfin et surtout chez les spectateurs qui, venus très nombreux assister à une ”première”, ont eu droit à une douche froide et ont laissé exploser leur déception et leur amertume. C’est sûr que dans le lot, il n’y avait pas que le traditionnel public du football. Ce ”supporter” qui vociférait, au coup de sifflet final, la bave aux commissures des lèvres, ”le football, c’est le sang ! Qu’on nous laisse brûler les arbitres et les Camerounais !”, s’est certainement trompé de terrain d’évolution.
Même si la majorité silencieuse s’est fait déborder, tout le monde est comptable de ce qui s’est produit samedi. Les débordements, les casses d’après-match, les violences exercées sur les adversaires et les arbitres, ce n’est donc finalement pas que chez les autres que cela se produit. Le mal est bien présent chez nous. On le croyait mort depuis dix ans et cette victoire marocaine qui priva le Sénégal d’une première participation à une coupe du monde. C’est vrai que depuis, le football national, spécialement chez les équipes nationales, a connu une certaine traversée du désert ; en tout cas, plus de bas que de haut dans son évolution. Maintenant qu’il a refait surface et tend de plus en plus durablement à se stabiliser près des sommets, voilà que son public devient particulièrement intransigeant : la victoire ou les pierres ! On pousse le … ballon un peu trop loin peut-être, mais on peut bien se demander de quoi serait capable, en cas de défaite à domicile des ”Lions” (l’équipe A s’entend, la fiancée de tout un peuple), un public qui se laisse aller à de tels agissements parce que ses cadets ont raté la dernière marche. On en frémit par avance et l’on ose espérer qu’à l’avenir toutes les dispositions seront prises et à tous les niveaux pour éviter ce spectacle dégradant.
B. Khalifa Ndiaye