Ancien président de l’Union Sportive de Douala, président du Syndicat national des footballeurs du Cameroun, vice-président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), membre de la commission du joueur à la Fédération internationale de football association (Fifa), membre du comité exécutif de la Fédération internationale des footballeurs professionnels (Fifpro), l’homme qui tire sa révérence à 62 ans, aura été de tous les combats pour la revalorisation et la défense du statut du footballeur camerounais.
Nous sommes le 28 mai 2011. Il règne une ambiance électrique au Mont Fébe Hôtel de Yaoundé. La réunion du Comité exécutif de la Fécafoot qui s’y tient, s’est soudainement transformée en pugilat verbal entre Iya Mohammed, à l’époque des faits président et David Mayebi l’un de ses vices présidents. Même si on sait qu’entre les deux hommes ce n’est plus l’amour à l’eau de rose, les administrateurs de l’instance faîtière du football camerounais ne s’attendaient pas à pareil scandale. Le feu couvait depuis des mois mais plutôt par personne interposée. Un peu comme dans la mafia sicilienne. Ce fameux vendredi donc, les deux hommes crachent chacun son venin. Du coup, des injures et des menaces de mort fusent de partout. On se croirait dans une cité universitaire si ce n’est à la cour recréation à l’école primaire. En fait, cette querelle de clochers était prévisible. Du moment où depuis quelques années certains responsables de la Fécafoot se livraient à une guerre sans merci avec pour principal objectif l’exhumation de l’Association des footballeurs amateurs du Cameroun (Afac), considérée comme un cheveu dans la soupe de l’Association des footballeurs du Cameroun (Afc) que dirige l’intrépide Mayebi.
Interpellations
D’ailleurs, certains proches de celui qu’on appelle affectueusement « le parrain » jurent que la création de ce dernier né, porte flambeau des joueurs amateurs, avait en effet pour finalité de « mettre à feu et à sang » le prodigieux projet qu’est l’Afc. Le clash est donc en quelque sorte la résultante d’une guerre à peine voilée entre David Mayebi et Pierre Batamack, Bassoua et Mackongo qui seraient selon toute vraisemblance, des bras séculiers de Tombi A Roko, secrétaire général de l’époque. Pris au dépourvu dans cette arène, l’Afc s’est retrouvée dans l’illégalité. Argument que brandissent ses détracteurs : l’association fonctionnerait avec l’agrément de l’Afac. Commence alors une véritable battue contre le bébé de Mayebi. Plaintes par-ci, interpellations par-là, tous les coups sont permis. Dans l’ombre, ça frappe dur. Bénéficiant de leur proximité avec le président Iya, lesdits détracteurs vont induire le président de la Fécafoot en erreur en l’amenant à signer deux courriers dont l’un adressé à l’Union nationale des footballeurs professionnels (Unfp) et l’autre à la Fifpro.
Afc hors course
Ceci dans le but de savoir combien ces structures versent à l’Afc. En fait, la réponse de la Fifpro, a mis à jour certaines anomalies entre autre, l’instance aurait versé 1 milliard 400 millions Fcfa à l’Ufc et 145 millions devraient revenir à la Fécafoot. Où est donc passé cette rondelette enveloppe ? David Mayebi doit donc s’expliquer au cours de cette réunion du comité exécutif de la Fécafoot car bien que non inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale le lendemain (28 mai), certaines indiscrétions parlaient déjà d’une procédure de reconnaissance de l’Afac qui mettrait alors ipso facto l’Afc hors course. Et pourtant, d’autres sources rapportent que les courriers du président Iya à L’Unfp et à la Fifpro ont reçu une fin de recevoir. Et que par loyalisme, les deux structures ont renvoyé ces documents au président Mayebi. Un an plus tard, ce dernier est révoqué provisoirement du comité exécutif et de l’Assemblée générale de la Fécafoot pour expression outrageante et allégation des faits portant atteinte à l’honneur et à la considération de la Fécafoot.
Processus électoral
Autre image, autre scénario : En avril 2013, le même David Mayebi est à la tête d’un mouvement de contestation aux côtés d’Antoine Essomba Eyenga, Pierre Semengue, John Begheni Ndeh, tous quatre des vices présidents de la Fécafoot et Alioum Alhadji puis Félix Nguelé, membres du Comité d’urgence de la Fécafoot. Ce noyau dur de la maison mère du football camerounais signe une correspondance adressée au Secrétaire général de la Fifa pour soutenir la décision du ministre des Sports Adoum Garoua de sursoir au processus élection au sein de la Fécafoot et de ses ligues décentralisées jusqu’à nouvel ordre.
« Le parrain » et ses pairs estiment que leur action vise à préserver l‘unité gravement menacée de la grande famille du football camerounais, sollicitant au passage l’ouverture des discussions entre les différents acteurs du sport roi dans le but d’examiner profondément certaines revendications notamment celles relatives à l’article 4 du Statut spécial des ligues décentralisées qui est « en contradiction avec les Statuts de la Fécafoot, et à l’exclusion des joueurs du processus électoral ». Cette sortie inattendue de ces poids lourds de la Fécafoot se fait quatre jours seulement après une correspondance que le Secrétaire général de la Fifa a envoyée au patron des sports via l’homme fort de Tsinga, pour sommer le Minsep de lever sa décision de suspendre le processus électoral au sein de l’instance locale. Le 28 septembre 2015, il est élu vice-président de la Fécafoot sous le mandat de Tombi à Roko qui aura ramené le farouche opposant d’hier à la maison pour de nouveaux challenges. Le combat de Kero a payé.
Homme incontournable
David Mayebi c’était cet homme au caractère trempé. Un frondeur, un fonceur, une tête de turc, un syndicaliste accompli, endurci aguerri. Physique de boxeur, l’homme était un homme de combats. Joueur d’Eclair, de Stade et d’Union de Douala, international civil et militaire, entraîneur de divers clubs de football au Cameroun, il n’avait de vie que celle du sport roi. Sa longue expérience et son carnet d’adresse bien fourni avait finalement fait de lui, un homme incontournable avec qui on était obligé de négocier soit pour avoir certaines facilités, pour avoir droit au chapitre dans certaines organisations internationales, soit pour nouer des relations avec la haute hiérarchie du football mondial.
Généreux mais rigoureux, il était toujours prêt à écouter et à secourir les personnes dans le besoin. « Je garde de lui l’image d’un homme au grand cœur ; un véritable chevalier servant. Il était très affable, parfois grincheux, mais avant tout très généreux à l’égard des tiers. Plus qu’un administrateur et serviteur du football, David Mayebi état devenu un père pour moi; ce père que je n’ai jamais eu; car c’est ainsi qu’il m’appelait: « mon fils » et je le lui rendais bien en l’appelant « mon père », se lamente Thierry Ndoh, journaliste sportif et proche du défunt.
Profil du dirigeant idéal
Le père fondateur de l’Afc qu’est Emmanuel Mve Elemva avait, du temps où il venait d’achever son mandat à la tête du Comité provisoire de gestion (Cpg) de la Fécafoot, estimé qu’il fallait enfin mettre sur pied au Cameroun, une organisation regroupant toute la grande famille des footballeurs nationaux. Ainsi naquit l’Afc dont la mission principale allait graviter autour de la défense des intérêts des footballeurs, toutes catégories confondues. A la tête de cette jeune association fut placé un homme pétri d’expérience, doté du dynamisme requis et dont les compétences faisaient du reste l’objet d’une reconnaissance unanime.
Devait alors commencer une exaltante aventure qui allait considérablement marquer le mouvement sportif camerounais. Ancien footballeur international au talent reconnu et apprécié, responsable de club doublé d’un technicien de haut niveau, Mayebi qui avait également su se reconvertir dans l’administration financière, s’illustrant comme un excellent cadre dans le domaine de la gestion bancaire, présentait le profil du dirigeant idéal dont l’Afc avait besoin pour amorcer le combat pour la relance du football au Cameroun et surtout pour l’épanouissement du joueur.
Cercles restreints
Exaspéré par la condition de vie des jeunes joueurs, indigné du sort qui avait été réservé au football Camerounais au lendemain de la Coupe du monde de 1994 aux Etats Unis par une caste de dirigeants véreux le Président de l’Afc, avide d’assister à l’épuration des milieux du football national allait très vite prendre le taureau par les cornes afin de susciter le changement tant réclamé par ceux qui n’ont pas de voix et qui ne sont jamais consulté, et pourtant ils sont les principaux acteurs et les premiers concernés par les décisions prisent par les dirigeants. Premier résultat palpable des actions initiées par le président de l’Afc : l’intrusion quasi systématique dans les cercles restreints de l’administration du football.
Le chef suprême n’est plus !
Suite aux élections de 1996, où le candidat de l’Afc, Joseph Antoine Bell, avait mordu la poussière devant Vincent Onana. Les principaux membres de l’Afc par le biais de négociations bien menés, allaient se retrouver dans les structures dirigeantes de la Fécafoot. Même si ces derniers ne ce sont pas réellement illustrés par des actions au profit de l’association qui les a positionnés au sein de la Fédération, le mérite du président de l’Afc David Mayebi reste de s’être battu pour la reconnaissance de la voix prépondérante du footballeur, chose qui n’existait pas auparavant. Rien dans ce véritable parcours du combattant n’avait pourtant été donné à cet enfant, célèbre quartier chaud et populaire de Douala, qui nous a quitté à l’âge de 62 ans. C’était donc lui, le boss, le chef suprême de l’empire du football camerounais. L’homme le plus informé, le plus introduit de la galaxie foot. Hélas ! La mort vient d’arracher à la vie le parrain désormais dans la félicité céleste, dégarni du pouvoir que lui seul savait imposer. Adieu Kero !
Christou DOUBENA