Conçue et admise comme la cérémonie qui clôt la saison sportive, la finale de la coupe du Cameroun sous l’ère du président Paul Biya, est devenue une véritable arlésienne. Le rendez-vous des ombres et de la maniaquerie sécuritaire.
D’année en année, la préoccupation revient au devant de la scène. Joueurs, encadreurs, dirigeants et le public se posent toujours la même question. A quelle date précise et connue d’avance, va se jouer la finale de la coupe du Cameroun? Fête apothéose voulue institutionnelle et de ce fait, marquée du sceau de la présomption de présence du chef de l’Etat. Nous disons bien présomption parce que nulle part, il n’est arrêté que c’est un devoir constitutionnel auquel il faut déférer et seul l’usage, a fini par établir cette présence comme une quasi obligation.
Par la force donc de l’habitude, voilà un banal événement de la vie de la nation, pris en otage par le pouvoir et soumis aux contraintes d’un protocole qui n’était pas obligé de se mettre inutilement en représentation. Le Cameroun est le seul pays au monde qui gère semblable événement à l’humeur et sur date itinérante. A tel point qu’on est en droit de se demander quelle exceptionnalité impose qu’on veuille à tout prix faire de cette rencontre là, un super élément d’actualité autour duquel la nation toute entière doit se prosterner et les citoyens, bien à l’avance, contraints à avaler des couleuvres.
L’imprécision sur la date de la finale de la coupe du Cameroun est une hérésie qui ne se comprend pas et ne doit plus être acceptée au moment où on s’exerce au professionnalisme. Non seulement elle ne fait pas sérieux mais plus grave, ses conséquences sont désastreuses en maints points.
L’inconséquence poussée à bout
– Pour les dirigeants de clubs qualifiés au rendez-vous, cette imprécision allonge abusivement la prise en charge des joueurs, grève leur budget de charges supplémentaires et ne leur laisse pas le temps de souffler entre deux saisons;
– Pour les joueurs déjà privés de congé ou en congé conditionnel, le moral face à l’incertitude n’est pas au beau fixe. L’effort qu’on déploie pour une échéance incertaine, n’est jamais sincère. On ne s’applique pas à fond et le résultat ce sont ces parties insipides que nous livrent toutes les finales jouées à l’extrême limite de la relâche des énergies. Pire, l’orientation des carrières prend lui aussi un sacré coup du fait des retards et autres contrecoups dus à l’étirement inutile de la saison qui forcément influent sur le marché des transferts;
– Pour le public, la trop longue attente émousse la passion. Aujourd’hui, on ne voit plus cet engouement de jadis qui nous jetait sur la route des charters entiers de supporters.
Si la vérité c’est que la gestion du planning et de la sécurité présidentiels pose problème et impose des contorsions extrêmement préjudiciables à la bonne marche du pays et de ses distractions, autant laissez tomber et réserver au public, la surprise des apparitions inattendues qui mettraient encore plus de sel à l’événement et nous éviterait le spectacle débile de quelque dirigeant de club, subjugué par l’obsession puérile d’avoir à serrer pour l’occasion, la main du Président de la République, s’en vanter ou s’en prévaloir et pour cette seule fin là, abuser des procédures extra sportives pour y parvenir.
L’année passée après maints reports, l’on a fini par jouer cette finale en l’absence du Président de la République finalement représenté par le Premier Ministre. L’on se souvient même qu’une année de honte passée, on a également fini avec le ridicule que cela suppose en terme d’improvisation, par jouer la finale un jour ouvrable et non le sacré dimanche attendu. Preuve s’il en est qu’on est bien dans le registre d’un je m’en foutisme absolu. Ou plutôt d’un genre poussé à l’extrême du culte sournois de la personnalité. De celui d’un roitelet fier d’éprouver son importance en faisant languir à son gré, toute une nation. C’est ça la considération qu’on dit avoir pour le football. Elle est assurément grotesque.