La rencontre décisive entre la Côte d’Ivoire et le Cameroun lors de la sixième et ultime journée des éliminatoires pour la Coupe d’Afrique des Nations 2015 était très attendue par les observateurs de la scène footballistique et par tous les amoureux du bon football. Pas nécessairement à cause de l’importance de l’enjeu.
Après tout, l’un des protagonistes (le Cameroun), avec déjà son billet de qualification en poche, pouvait se contenter du service minimum, sans grand risque.
A contrario, l’équipe hôte (Côte d’Ivoire), en concurrence directe avec la République Démocratique du Congo, avait besoin au moins d’un point pour se mettre à l’abri de toute mauvaise surprise. Mais comme il existe des vieux contentieux entre les deux équipes (CAN de 1984, défaite de 2005 à Abidjan et débâcle de 2014 à Yaoundé), le match exhalait un parfum de revanche qui n’a pas eu lieu.
Le vœu de qualification des Ivoiriens a été exaucé, mais de quelle manière ? Là est toute la question. Certes, les Lions indomptables n’avaient rien à gagner ou à perdre, la pression reposant essentiellement sur des Éléphants qui devaient faire le jeu pour arracher leur ticket.
Dans les faits, on a vu une équipe ivoirienne volontaire dès le coup d’envoi, très physique, voire brutale dans certaines phases de jeu. Elle a certes essayé de bousculer la défense camerounaise. Mais Yaya Toure et ses coéquipiers n’avaient pas de véritable stratégie cohérente, desservis par un système de jeu brouillon confondant vitesse et précipitation et qui a ainsi contribué à gâcher quelques rares occasions de but, comme cette tête de la 59ème mn renvoyée sur la ligne de but.
Malgré quelques phases de domination, la Côte d’Ivoire aura donc affiché son impuissance tout le long de la partie. Un scénario à mille lieux de « l’enfer » que promettaient le ministre ivoirien des sports et certains journaux aux Lions. En revanche, c’est la réaction de ces derniers qui aura désagréablement surpris tous leurs fans. En lieu et place d’une équipe virevoltante et portée vers l’avant, le Cameroun a choisi pour option de se recroqueviller en arrière et d’attendre l’adversaire qui a beaucoup pesé sur la défense, obtenant une dizaine de coups de pieds arrêtés contre deux à peine pour les Lions. Se refusant de prendre le moindre risque, excepté ce tir vicieux d’Aboubakar en fin de rencontre, le Cameroun a laissé l’initiative du jeu à l’adversaire, contrairement à l’Afrique du Sud qui a joué crânement sans avoir la moindre pitié d’un Nigeria ainsi éliminé à domicile.
Cette prudence des fauves camerounais, malgré quelques bonnes phases de jeu, était de bonne guerre, a-t-on laissé entendre ici et là, puisque c’est l’équipe ivoirienne qui avait besoin d’un bon résultat. Mais de là à gâcher toutes les occasions qui s’offraient, on peut se poser quelques questions. Le nombre de passes à l’adversaire, des coups francs et corners gâchés par des lions visiblement en manque d’application, ont fait dire à certains qu’on a assisté à un non match dont l’issue semblait connue d’avance et qui n’a pas manqué de rappeler à certains le souvenir du fameux « match de la honte » livré a le 25 juin 1982 à Gijón en Espagne par l’Allemagne fédérale et l’Autriche pendant la coupe du monde 1982 et qui entraîna l’élimination de l’Algérie.
Heureusement, la RDC l’a échappé belle, puisque repêchée comme meilleure troisième ; sinon on aurait crié à la forfaiture du côté de Kinshasa. L’image la plus perplexe de la rencontre d’Abidjan restera sans doute ces passes de ballon à dix effectuées par des Éléphants retranchés dans leur moitié de terrain à trois minutes de la fin du match, face à des Lions devenus spectateurs ! Un cliché qui ne grandit pas le football africain, pas plus que l’expulsion sévère du capitaine Mbia et d’autres bévues d’un arbitrage à géométries variables.
Quoiqu’il en soit, le Cameroun qui aurait pu hausser son niveau de jeu pour remporter la victoire et « fermer la bouche » à un adversaire revanchard à souhait, a été tout de même fair-play et a montré quelques bons côtés d’un potentiel énorme. L’essentiel a été sauf puisque l’équipe nationale, bien qu’amputée de quelques joueurs de premier plan (Choupo Moting, Enoh Eyong, Nkoulou, Mbia…) a su conserver son invincibilité et terminer leader incontesté de sa poule avec neuf buts marqués contre un seul encaissé. Qui dit mieux ?
Mais à quelques semaines de la phase finale de la CAN, les Lions doivent réapprendre à devenir « méchants», sinon, ils pourraient avoir des regrets. En se faisant renverser par exemple au détour d’un autre match par des pachydermes qui ont bénéficié hier de leur « gentillesse ».
Jean Marie NKEZE