La fédération camerounaise de football vient de rendre son verdict sur les fameuses affaires qui ont secoué, des mois durant, Tonnerre et Canon de Yaoundé, deux clubs phares du championnat national d’élite longtemps réputés au-delà de nos frontières par leurs brillants palmarès, leurs origines historiques dans les années 1930 et leur mode de gestion par des dirigeants plus ou moins charismatiques.
Il paraît significatif que la décision ait été prise le 2 février 2004 à Sousse, en Tunisie, où se trouvaient alors les principaux dirigeants de la FECAFOOT, notamment le président et le secrétaire général de cette institution. Sans doute aussi ceux-ci ont-ils choisi sciemment d’arbitrer en ce lieu pour éviter toute paralysie susceptible de perturber ou de retarder davantage encore le démarrage imminent de la nouvelle formule du championnat d’élite. Il n’est pas non plus exclu qu’ils aient voulu décider sereinement, loin des acteurs, des passions et des pressions éventuelles.
Sans aller dans les détails, il ressort de la décision, pour l’essentiel, que Essomba Eyenga est conforté dans sa position de seul dirigeant statutaire de Tonnerre Kalara club de Yaoundé. Quant au Canon de Yaoundé, il est instauré une sorte de bicéphalisme en son sein. Les deux dirigeants jusque-là antagonistes, Théophile Abega et Charles Nguini sont habilités à procéder, chacun en ce qui le concerne, à la nomination des responsables exécutifs du club. Nul n’oserait leur faire le procès ni encore moins l’insulte de ne pas appréhender les enjeux de la mise en œuvre urgente de cette décision de la Fécafoot. Car il y va de la survie, voire de l’existence même du Canon de Yaoundé. Cela dit, ce présupposé n’occulte aucune des multiples questions dont la suivante. Comment deux personnalités aux idées et aux démarches diamétralement opposées, qui se sont affrontées par assemblées générales parallèles, recrutant des partisans et cristallisant des rancœurs, vont-ils rapidement s’entendre sur une même équipe dirigeante ? Au fond, dans cette affaire, peu importe les joueurs, que chacun recruterait d’ailleurs de son côté. C’est la caisse qui importe le plus.
Canon de Yaoundé, à l’instar d’autres clubs camerounais, n’est pas à sa première mauvaise expérience de ce nuisible jeu d’intérêts ou contre-jeu. Le bicéphalisme dans ce club a toujours fait long feu. Il n’a jamais mené à un résultat positif. Tout au contraire, la lutte pour un seul dirigeant a toujours continué, ouvertement ou en sourdine, jusqu’à la victoire d’un camp et à la restauration d’une autorité unique. Toutefois, voyons venir !
Les cas de Tonnerre et de Canon aujourd’hui, comme ceux de Diamant de Yaoundé ou Union de Douala hier sont cependant révélateurs d’une même réalité. Les origines familiales ou tribales et surtout les méthodes de gestion autocratiques de nombreux clubs camerounais du football d’élite, qui ont sans doute fait leurs preuves en leur temps et dans leur contexte, apparaissent en contradiction avec la nécessaire modernisation et la conquête des trophées. De surcroît les problèmes sont exacerbés par l’instrumentalisation des clubs comme tremplins sociaux, politiques ou économiques. La Fécafoot, au-delà des textes, a-t-elle les moyens et même la volonté de moderniser les clubs ? Faute à devoir trancher régulièrement d’incessantes querelles entre dirigeants de clubs, elle ne saurait éviter longtemps de trouver des réponses adaptées à notre contexte. La tâche ardue et parsemée d’embûches, est incontournable.
ESSAMA ESSOMBA