Contrairement aux usages qui recommandent que la cérémonie de remise de trophée se déroule sur un dispositif prévu pour la circonstance à la lisière de la ligne de touche, les joueuses du Ghana (3e) ; du Cameroun (2e) et du Nigeria ont été contraintes à grimper les marches pour aller serrer la main du chef de l’Etat, perché dans sa tribune blindée, entouré de tout son gouvernement.
Le défilé militaire qui a ouvert la cérémonie de clôture n’a pas suffit. En plus de rendre honneur et hommage au Chef des Armées alors qu’on n’était pas à une parade du 20 mai, il a fallu que la Caf se plie une fois encore aux désidératas du président de la République. Lui qui a décidé de dicter sa loi aux responsables de la Confédération africaine de football (Caf) depuis que cette 10e Can féminine a démarré. Après avoir décidé d’imprimer des cartons d’invitations à tête chercheuse en lieu et place des tickets d’accès au stade qui auraient permis aux vrais supporters de venir porter en triomphe les Lionnes indomptables ; Paul Biya ne s’est pas gêné de prendre en otage la finale de ce rendez-vous très couru. Stade outrageusement militarisé, sécurité sauvage autour du N’nomgui, bafouement des règles établies …
Les errements du protocole d’Etat
Comme si le supplice qu’il a infligé plus tôt à Issa Hayatou en lui faisant sécher de longues minutes sous un soleil de plomb à l’attendre pour lui serrer la main, ne lui suffisait pas, la cérémonie de remise de médailles et de trophées s’est déroulée du haut de sa luxueuse et imposante tribune présidentielle perché au dessus de ce qui tenait lieu jadis de Tribune A et B. Alors que le podium d’honneur habituel constitué d’oriflammes, de roll up, et de paillettes attendait que le Chef de l’Etat et quelques hauts dignitaires de la Caf descendent pour sacrifier au rituel de la remise de récompense comme le veulent les usages en pareille circonstance, le protocole d’Etat a instruit aux propriétaires de cette compétition que la fameuse cérémonie, pour des raisons jusqu’ici non élucidées, doit se dérouler devant « l’homme Lion » qu’entouraient son épouse Chantal Biya, Issa Hayatou, Marcel Niat Njifenji, le président du Sénat, Cavaye Yeguie Djibril, le président de l’Assemblée nationale.
La mainmise du Roi Paul Biya
Aussitôt dit, aussitôt fait. Les joueuses du Ghana qui se sont emparées du Bronze la veille en venant à bout de l’Afrique du Sud ; Christine Manie et ses camarades, malheureuses finalistes et le Nigeria, sacré vainqueur pour la 10e fois, sont tour à tour, montés retrouver Biya pour la poignée de main, les médailles et la remise solennelle du prestigieux trophée de vainqueur. On constate donc pour le regretter que cette mainmise de Paul Biya n’a pas beaucoup aidé le pays hôte de cette Can. En décidant de confisquer l’accès au stade à travers cette importante quantité de billets d’invitation destinée à l’Assemblée nationale, au Sénat, au Comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) fortement représenté de même que les représentations consulaires, les sociétés publiques et parapubliques… Bref, les fonctionnaires se sont taillés la part du Lion. Ce que Camfoot craignait s’est donc finalement produit. Cet après-midi, on avait dans les travées du stade Omnisport, plus de spectateurs prompts à entonner des louanges à la gloire du « premier sportif camerounais », plutôt que des vrais supporters, cloués à l’extérieur avec ces fameux billets qui n’auront finalement servis à rien.
Christou DOUBENA