Les cartons d’invitation remis à toutes les personnes invités ce dimanche au palais polyvalent des Sports portaient en guise d’objet : cérémonie de tirage au sort et de présentation officielle du logo, de la mascotte et de l’hymne de la Coupe d’Afrique des Nations de football féminin « Cameroun 2016 ». Mais, grande a été la surprise de ces nombreux hôtes de constater que la dite cérémonie avait étrangement des allures d’un meeting politique.
C’est que, le gigantesque déploiement des militants Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) à cet événement très couru, n’a eu d’égal que les effectifs pléthoriques qui ont pris d’assaut l’intérieur et l’extérieur du palais polyvalents des Sports de Yaoundé. De l’Ordpc, à l’Ofrdpc en passant par l’Ojrdpc, c’est par milliers que ces hommes et femmes, vêtus aux couleurs du « parti du flambeau », ont pris d’assaut le théâtre de cette cérémonie. Bref, il n’y en avait que pour le Rdpc.
Aboudi, Enganamouit et Cie oubliées
Plusieurs carrés n’ont-ils pas été réservés aux membres du Comité central du parti du flambeau et plusieurs fonctionnaires venus témoigner leur indéfectible attachement aux idéaux de leur champion ? Des centaines de posters géants de Paul Biya, solidement suspendus, inondaient la salle. C’est à peine si les oriflammes et autres étendards de la Caf, pourtant propriétaire de la Can féminine, n’ont pas été englouti par cette overdose de visuels du premier sportif camerounais. Ici, on le présente comme le chancre de l’intégration sous-régionale ; là, on loue son modèle de gouvernance qui a permis au Camerounais de vivre dans la paix, la stabilité et la prospérité. Un peu plus loin, ce sont les femmes de l’Ojrdpc qui célèbrent l’icône ou le baobab que le président représente dans le concert des nations africaines. Surtout l’homme sans qui, cette Can n’aurait jamais été attribuée au pays de Gaëlle Enganamouit. Alors qu’on attendait que les stars telles : Christine Mani, Enganamouit, Aboudi Onguéné, Mefometou, Leuko et Cie soient portées en triomphe, c’est au « premier sportif camerounais » qu’est revenu la gloire.
Un culte de la personnalité bien entretenu par ses nombreux fans et la pléthore de membres du gouvernement dont certains ont défilé au pupitre pendant la séquence des allocutions. Des discours politique à la gloire du père de la Nation. Au total, le N’nomgui a été cité plus d’une centaine de fois. Même les vidéos présentant le Cameroun à la Caf et aux pays étrangers n’ont pas été épargnées. Des images de Paul Biya serrant la main du souverain pontife, en tête à tête avec des figures de l’opposition, en parade au Comice agropastoral d’Ebolowa en 2012 ou remettant des trophées à des sportifs…Un véritable supplice en somme.
Récolter là où on n’a jamais semé
Le Cameroun est donc resté fidèle à lui-même. Oublier l’essentiel pour vanter le futile. Un one man show qui dure depuis des lustres. Entre annonces pompeuses, promesses fallacieuses, l’homme du Renouveau et son gouvernement sclérosé n’ont levé aucun mur. Il fallait attendre la Can pour relancer la propagande et continuer de couvrir d’éloges le champion du Rdpc, plus occupé à se servir des équipes nationales de football pour désamorcer une forte contestation sociale et politique, préservant ainsi son pouvoir d’un embrasement quasi certain à l’aube des années 90. Lui qui n’a su que tirer les dividendes politiques des prestations de ces jeunes patriotes sans investissements. Sans véritable politique sportive. Ainsi, le président de la République a toujours été en embuscade d’une victoire des Lions ou Lionnes indomptables en phase finale d’une compétition internationale. La récupération politique, d’un secteur négligé par le régime s’apparente pour certains à récolter là où on n’a pas semé.
Christou DOUBENA