« Rêver est gratuit mais c’est autre chose de le réaliser ». Romain Saïss aurait difficilement pu mieux dire. Le Maroc a inscrit son nom, et avec lui ceux d’un continent et d’une région, dans le dernier carré du mondial et l’impact pourrait être inestimable. Tous les outsiders, c’est-à-dire pratiquement tous les pays africains, arrivent à la Coupe du monde avec de grands espoirs. Et parfois en faisant des déclarations audacieuses. Mais les Lions de l’Atlas ont réalisé ce qu’aucun d’entre eux n’a pu faire.
Avant le tournoi, Walid Regragui, leur sélectionneur, avait prévenu :
Saïss, le capitaine avait lui-même laissé entendre qu’une place en huitième de finale était leur objectif. Le Maroc s’est préparé dans un calme olympien pour Qatar 2022 et ne s’est jamais laissé emporter. Le rêve s’est ajusté à chaque obstacle franchi ; et c’est inestimable.
« Nous voulons continuer à écrire l’histoire », a déclaré Saïss. À première vue, la tâche sera ardue face à la France, surtout si l’on tient compte de l’étendue des blessés au champ de bataille. Trois des quatre défenseurs qui ont terminé le match contre le Portugal étaient des remplaçants. La blessure de Saïss en deuxième mi-temps, qui a été emmené sur une civière et qui semblait désemparé, en est une des raisons.
« J’espère que tout ira bien, mais si je sens que c’est trop difficile, je ne prendrai aucun risque et je ne mettrai pas mon équipe en difficulté juste pour jouer la demi-finale », a-t-il déclaré. Il se montrait beaucoup plus optimiste dans les heures qui ont suivi la fin du match.
Walid Regragui, un coach local d’une compétence inégalée
Cette abnégation a permis au Maroc d’atteindre ce niveau. Walid Regragui a réalisé un petit miracle en convaincant Hakim Ziyech et Sofiane Boufal de contribuer aux tâches défensives. Ces deux là ne sont pas réputés pour leur assiduité. Et ces contributions exigeantes en territoire défensif leur a donné suffisamment de confiance pour lancer leur transitions offensives. Ils pouvaient alors nous gratifier d’extraordinaires pirouettes, passes et rotations en quelques instants vertigineux et qui sont une des caractéristiques fascinantes de cette équipe. Aucune équipe dans ce tournoi n’a réussi à briser le pressing de l’adversaire de manière aussi inventive.
Sofiane Amrabat, l’exceptionnel milieu de terrain, explique comment le Maroc puise dans ses réserves cachées.
C’est exactement ce qu’il a fait. Un slalom pour se sortir du pétrin et traverser le milieu de terrain portugais dans les arrêts de jeu. Ce qui a ridiculisé les suggestions selon lesquelles le Maroc était épuisé. Il est difficile d’imaginer le degré de volonté, associé à la capacité de rester aussi lucide, nécessaire pour atteindre ce niveau.
Le Maroc a réécrit les règles du possible
L’idée qu’un arrière gauche du club de Casablanca, le Wydad AC, puisse débuter une demi-finale de Coupe du monde n’aurait jamais semblé crédible. Yahia Attiyat Allah a montré samedi qu’il sera plus que capable de tenir le poste. Si Noussair Mazraoui ne se remett de sa maladie et de ses blessures, il pourra assurer. Achraf Dari, lui est entré en jeu à la place de Saïss. Il n’a pas eu peur de mettre sa tête là où ça fait le plus mal. Il avait été son compagnon de club de Attiyat Allah au Wydad jusqu’à ce qu’il rejoigne Brest en juillet.
Ce sont des choses qui comptent. Elles changent tout, et indiquent que la possibilité de s’exhiler vers l’Europe n’est plus la seule voie d’épanouissement. Au cours de la phase de groupes, il était fréquent d’assister aux conférences de presse des équipes africaines et d’entendre, notamment de la bouche de l’éloquent entraîneur ghanéen Otto Addo, pourquoi les tentatives du continent d’innover sont paralysées par une faible représentation en Coupe du monde. Avec cinq places, la marge d’erreur est faible. « S’il y avait 10 équipes africaines, peut-être que cinq d’entre elles atteindraient les quarts de finale », a déclaré Regragui après le match nul du Maroc contre la Croatie, qui n’a pas fait sourciller grand monde à l’époque. « Les équipes africaines doivent être conscientes que nous sommes des équipes d’élite ».