Parmi les grandes surprises de la Coupe du monde, et on peut citer notamment la victoire des États-Unis sur l’Angleterre en 1950, celle de la Corée du Nord sur l’Italie en 1966 et celle de l’Algérie sur l’Allemagne de l’Ouest en 1982, cette surprise est unique dans son mythe et la mémoire. Ce ne fut pas un match parfait, mais un récit irrésistible, puisque les champions du monde en titre, menés par le grand Diego Maradona, ont été vaincus par une équipe inédite composée en grande partie de joueurs évoluant au Cameroun et pour les meilleurs d’entre eux dans des divisions inférieures en France.
En l’espace de 90 minutes, le football africain, autrefois tourné en dérision parce qu’il ne renvoyait qu’à des histoires de magie, de gris-gris, et à l’image hostile laissée par l’équipe nationale du Zaïre en 1974 qui ne semblait avoir qu’une connaissance limitée des règles du jeu, est devenu soudainement crédible.
Le résultat a été célébré non seulement au Cameroun, où des fêtes de rue improvisées ont éclaté dans l’ensemble du pays mais aussi dans toute l’Afrique et au-delà. Pour preuve, après l’élimination, une femme du Bangladesh s’est suicidée, laissant pour testament une lettre qui indiquait que « l’élimination du Cameroun signifie la fin de ma vie ».
« Personne ne pensait que nous pouvions faire quelque chose ici contre Maradona, mais nous savions ce que nous pouvions faire« , avait déclaré le buteur, François Omam-Biyik, après le match. « Nous détestons quand les journalistes européens nous demandent si nous mangeons des singes et si nous avons un sorcier. Nous sommes de vrais joueurs de football et nous l’avons prouvé ce soir« .
L’un des temps fort de ce match fut celui celui qui s’est produit à deux minutes de la fin, où Claudio Caniggia, l’attaquant remplaçant argentin aux cheveux de lin, s’est lancé dans une course échevelée sur l’aile droite. Il a fallu de deux interventions.., disons simplement musclées, pour l’arrêter dans sa progression, avec en fin de compte les souliers du dernier presqu’assassin, Benjamin Massing, qui ont mordu probablement dans la chair juteuse des mollets du jeune Caniggia. Cela a valu au Cameroun un deuxième carton rouge de la journée. Comme l’anglais Pete Davies l’a affirmé dans son livre sur la Coupe du monde 1990, All Played Out, c’était « une sorte de défense aérienne volante horizontale, à hauteur de taille et à pleins poumons« . L’intention générale laissée par cette attaque semblait être moins de casser les jambes de Caniggia que de les séparer du reste de son corps ».