Premier gardien de buts professionnel camerounais, Claude Zoundja a voulu professionnaliser le football camerounais à sa manière, en payant de gros salaires aux joueurs.
Quand on parlait du football dans la capitale politique du Cameroun au début de la décennie 80, on pensait avant tout au Canon de Yaoundé, quadruple champion d’Afrique, grand pourvoyeur de joueurs de l’équipe nationale et à son rival de toujours, le Tonnerre Kalara Club, au palmarès moins fourni mais dont le beau football forçait l’admiration. D’autres équipes existaient dans la capitale à l’instar de Dragon et Lion Cosmos, mais elles ne parvenaient pas à bousculer la hiérarchie. C’est cet exploit que le Diamant de Yaoundé va réussir au milieu de la florissante décennie 80. Le Diamant qui vient fraîchement d’accéder en division d’élite du football camerounais va très vite devenir la meilleure équipe de la capitale.
Le Diamant de Yaoundé? C’est l’œuvre de Claude Zoundja qui signe ainsi son grand retour dans le monde du football, un sport dans lequel il excellait déjà dans les années 70. À l’époque, jeune écolier, Claude Zoundja sévissait dans les championnats inter-quartiers du Camp Yorro à Douala, au poste de gardien de buts où il rivalisait d’adresse avec un autre goalkeeper qui deviendra plus tard un célèbre attaquant de race, Jean-Pierre Tokoto. Ses arrêts spectaculaires en feront très vite le gardien de l’équipe nationale de… handball. L’Union de Douala met tout en œuvre pour le voir endosser le maillot des Nassaras, mais sans succès. C’est que, malgré son talent, les parents du jeune Claude Zoundja lui interdisent d’embrasser une carrière sportive. Mais, chassez le naturel, il revient en bondissant derrière un ballon de football.
L’aîné de Nkono et Bell
Claude Zoundja qui est allé poursuivre ses études en Europe après son Bac D, selon les vœux de ses parents, retrouve ses vraies amours, le football et ses joies. Il signe un contrat en Allemagne avec Wacker 04 Berlin, club de deuxième division professionnelle. Sa carrière va se poursuivre en France, toujours en deuxième division à Fontainebleau. Pour des raisons de nationalité – il est un étranger de trop-, il manque de peu de signer un contrat avec l’Ogc Nice qui vient d’accéder en première division en France. Pour compenser cette frustration, Francis Guillot le président de l’Ogc Nice le recrute en 1978 comme cadre dans son entreprise Serel France. Zoundja n’a pas pu jouer en première division, mais il a fait œuvre de pionnier. Il est le premier gardien de buts camerounais à avoir joué dans un club européen; peut-être même le premier gardien de buts noir à avoir signé un contrat professionnel.
De passage au Cameroun en 1979, Claude Zoundja a dans ses valises deux survêtements de gardiens de buts. Il en offrira un à Joseph Antoine Bell et l’autre à Thomas Nkono. Les deux meilleurs gardiens de buts du pays changent de look et arborent désormais une tenue qui deviendra celle de nombre de goalkeepers du continent. Claude Zoundja a fait œuvre de pionnier et les officiels du football camerounais l’ont remarqué. Il intègre l’encadrement technique des Lions indomptables comme consultant chargé de la préparation des gardiens de buts. Il sera de la première participation du Cameroun en Coupe du monde en 1982. Avec une telle reconnaissance, l’ancien gardien de buts professionnel s’installe au pays où il est fait en 1981 directeur général de SER Cameroun, une filiale camerounaise du groupe SEREL France. Il y restera jusqu’en 1984, année où il crée la société ETRACAM qui sera chargée de l’hygiène et de la salubrité à Yaoundé. Il a de l’argent, aime le football et les jeunes.
Dirigeant généreux
Un jour de 1984, il est invité par son ami Me Zeufack Martin, huissier de justice et président de Diamant de Yaoundé à assister à la réunion de ce club. Séance tenante, on lui propose de prendre la présidence de Diamant. Il a 32 ans. Ce n’est pas de refus. « J’étais encore animé par l’envie de faire rayonner le football. J’avais l’énergie nécessaire », explique-t-il. Le nouveau président pense être soutenu par un groupe d’hommes. Il se trompe. Le Diamant de Yaoundé deviendra très vite sa chose; les autres lui ont abandonné le club. Son argent va y passer, surtout que Claude Zoundja se montre généreux. Il sait que le football est un spectacle dont les joueurs sont les acteurs. Il tient à leur assurer de bonnes conditions de vie, un peu comme il l’a vécu en Europe. « Je payais jusqu’à un million de francs cfa de salaire mensuel à certains de mes joueurs. Ils étaient comme mes enfants et mes amis. Pour moi, il n’y a pas de spectacle sans eux », commente-t-il.
Avec une telle politique, les joueurs les plus prometeurs du pays affluent pour porter les couleurs Blanc-bleu-ciel du Diamant de Yaoundé qui rappellent à souhait le Matra Racing Club de Paris. Kana Biyick, Mbouh Mbouh Emile, Massing Benjamin, Nguidjol Angibeaud, Ndjela Parfait, parmi tant d’autres talents en vue signent. Les résultats ne manquent pas de suivre. A trois reprises, le Diamant de Yaoundé est finaliste de la Coupe du Cameroun, trois fois vice champion du Cameroun et demi-finaliste de la Coupe d’Afrique des clubs vainqueurs de coupes.
Le Diamant de Yaoundé n’ira hélas pas plus loin. Etracam devenue vache à lait ferme ses portes. Avec elle, disparaît le principal financier du club. Un temps, on retrouvera Claude Zoundja la bible en main, prêchant la bonne nouvelle et pensant à ses folies financières dans le football.
Son nouveau défi? Refaire surface dans les affaires. Le football? Il n’y pense vraiment plus. Dommage.
Sandeau NLOMTITI