Pour une fois, la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) a déroulé son futur plan d’action des dépenses des retombées de la Coupe du monde de 2010. Dès le retour du Mondial Sud africain, Iya Mohamed, le président de la Fécafoot, avait mis sur pied une commission ad-hoc, chargée de proposer un programme d’utilisation des retombées financières de la Coupe du monde. Au mois de mai dernier, l’Assemblée générale de la Fécafoot, en accord avec le ministère en charge des Sports, a adopté un plan d’utilisation de ces fonds
Il ressort maintenant de ses projets que 2 milliards F cfa sur 3,2 seront affectés à la construction d’un immeuble siège de quatre niveaux au quartier Warda, à Yaoundé. A cet effet, la Fécafoot a déjà acquis un terrain à hauteur de 200 millions de F cfa, auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé. Lors des cinq premières participations du Cameroun à la Coupe du monde, 1982, 1990, 1994, 1998 et 2002, on n’a jamais su où passait l’argent engrangé. Cette fois, l’on est édifié. Sauf que l’on veut mettre la charrue avant les boeufs!
Au vu des flux financiers, des emplois créés, des stratégies qui y sont développés, le sport en général et le football en particulier est devenu un secteur économique à part entière. Les décisions d’investissement ne doivent pas être prises au hasard. L’on devrait notamment, quand on veut réaliser un investissement, se poser la question de savoir quel peut être leur impact sur le développement de l’activité ou du secteur? Pour la Fécafoot, en quoi cet investissement de construction d’un immeuble siège à hauteur de deux milliards va-t-il permettre d’améliorer les performances sportives (donc économiques) ou permettre au secteur d’activité dont elle a la charge de l’organisation, d’améliorer ses performances?
Sur ce point, le football est de nos jours rentré dans le domaine de l’industrie du spectacle. C’est le spectacle qui génère les revenus (droits télévisés, billetterie, sponsoring, produits dérivés, cotisations des supporters et dons divers). Il est clair que tout investissement fait par un club ou une Fédération doit avoir pour objectif final l’amélioration de la qualité du jeu. Comment peut-on au pays de Samuel Eto’o, à l’heure de la modernisation du football, penser d’abord au confort des administrateurs du football, avant celui des joueurs?
Dans un pays comme le Cameroun, où l’on pense passer au professionnalisme dès la prochaine saison (dans quelques semaines), le footballeur, principal acteur du spectacle, doit être placé au c?ur de toute stratégie de développement du football. A quoi servirait un immeuble de 2 milliards à la Fédération, si le championnat local continue à se dérouler sur des terrains poussiéreux en saison sèche ou boueux en temps de pluie et qui par conséquent ne peut attirer les spectateurs et les annonceurs ; si ceux-là même qui font le spectacle n’ont pas d’argent pour emprunter un taxi après un match ?
Un sondage d’opinion rapide auprès des acteurs du football peut édifier les autorités en charge du sport camerounais sur les urgences en matière d’investissement pour améliorer la qualité du jeu dans un avenir très proche. De ce point de vue, construire un siège pour l’organisation qui gère l’activité football n’a aucun impact sur la qualité du jeu et donc sur les performances du secteur.
L’on a applaudi le partenariat Fecafoot-Mtn, qui a notamment permis à l’opérateur de téléphonie mobile, en dépensant 300 millions de F cfa, de doter la localité de Mbouda d’un stade de 5.000 places avec pelouse aux normes de la Caf. Et bientôt le stade de Guider sera opérationnel dans les mêmes conditions. Pourquoi ne pas continuer à investir dans le même sens? Notamment dans les villes de Limbé, Ngaoundéré, Bafang, Maroua, Bangangté, Tiko, Bafoussam, Ebolowa, Bamenda, Bertoua, Buea ?
Par Emile Zola Nde Tchoussi