Le football africain, et plus spécifiquement camerounais, s’accommode de réalités impropres. Par rapport à la philosophie du sport. Aussi, les noms des clubs ici traduisent-ils, dans une très large majorité, la nature de ce qu’ils prétendent être, s’ils n’évoquent, en un mot comme en mille, la mystique même de leur existence.
Au commencement, un bouillon de formations aux appellations aussi diverses qu’évocatrices… d’animaux, d’astres, voire de choses. Pour l’histoire, les toutes premières équipes verront le jour à Douala, où George Goethe, le Sierra Léonais, débarque en 1923, avec un ballon dans ses bagages : Diable noir, Lumière, Zèbre, Eclair, Lion, Caïman, Oryx, Léopard, Aigle, Canon, Tonnerre, Lion, Dragon, Colombe, Epervier, Foudre, Guépard, Tortue, Panthère etc., la légende voulant que chaque équipe s’identifie à la force… occulte de son canton, de son village.
Cette perception de la chose donnera à la compétition nationale un intérêt on ne peut plus grand. Dès lors, les rencontres entre les équipes sont perçues véritablement comme une démonstration de forces… occultes, comme un indicible défi. La présence au stade, chaque dimanche, d’une foule compacte peut traduire la volonté de gens avides de sensations fortes certes, mais aussi, convaincus de ce que chaque match entre Oryx et Caïman, Canon et Tonnerre, Epervier et Colombe par exemple, recèle quelque chose en plus du simple jeu du ballon.
La conviction du public par ce fait découle des faits et gestes des acteurs principaux que sont les joueurs. La veille du match par exemple, le joueur est astreint à la veillée à un lieu secret, aux côtés du « magicien » qui le prépare. Dans les états-majors des équipes, des lignes budgétaires entières seraient souvent dégagées pour la préparation, au plan mystique, de l’équipe. » Pour gagner le match de dimanche contre x, le marabout a demandé un million de francs », entend-t-on souvent dire, ou encore : » le match, nous l’avons déjà gagné, celui du stade ne va être qu’une formalité ».
Au delà de simples paroles dont il est difficile de vérifier la véracité, il y a des faits plus concrets, qui peuvent conforter dans l’esprit… L’on a souvent vu une équipe débarquer au stade et refuser d’entrer au vestiaire, les joueurs préférant mille fois prendre le risque insoupçonné en enjambant la grille. L’on a aussi souvent vu le joueur tourner le dos au stade pour y accéder ou encore aller embrasser, au bout d’une course folle, les filets des buts adverses, question dit-on, de les démystifier. Dans un passé pas lointain, il était souvent donné au public de voir une équipe refuser la photographie parce que le marabout le leur aurait demandé.
Nombre d’équipes ont d’ailleurs acquis davantage de répartition du fait qu’on prêtait, en plus de la technique du ballon, une force mystique. Ainsi la victoire en 1965 au Ghana (Coupe d’Afrique des clubs) de l’Oryx serait le fait d’un très grand pouvoir magique d’un de ses dirigeants, Canon lui tiendrait ses victoires successives aux plans national et international du pouvoir ecclésial d’un prélat, sans compter que le public avait fini par soupçonner l’équipe de Nkolndongo de l’orage qui, à chaque veille de grand match qu’elle devait livrer, s’abattait sur la capitale, et qui était généralement suivi d’une victoire.
Le phénomène s’observerait même à une échelle supérieure avec les Lions Indomptables dont les encadreurs auraient depuis souscrit, pratiquement pas de randonnée internationale des Lions sans un préparateur psychique dans la délégation officielle, aux côtés de l’entraîneur sélectionneur. Croyez-en quelques mots S.V.P.
Germain Ekwe Fils, Globalfootball