Le meilleur joueur de la Coupe d’Afrique des Nations 2017 a accordé une interview au média américain Goal. Il explique avoir très mal vécu le fait que l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations ait été retirée au Cameroun. Il revient aussi sur sa difficile saison et donne un avis sur la présence de Clarence Seedorf et Patrick Kluivert à la tête des lions Indomptables du Cameroun. Entretien…
Goal : Quel bilan tirez-vous de votre année en Chine avec votre formation du Henan Jianye ?
Christian Bassogog : Pour moi c’était une année assez difficile avec des blessures. Elles ont un peu rabaissé mon niveau. En fin de saison, on a pu se maintenir et je tire un gros coup de chapeau au coach qui est venu pour les cinq dernières journées, avec du travail qui a payé. Le rythme est simple là-bas : entraînement, maison, entraînement, maison. En dehors du football, je reste chez moi. Là-bas, je ne pense qu’au foot.
Comment évaluez-vous le niveau de la Chinese Super League ?
Le niveau local m’a impressionné. Les gens de l’extérieur jugent un peu trop facilement ce championnat. Avec les joueurs qui viennent, il y a de vraies qualités et ça pousse les joueurs chinois à travailler plus dur. Ça prend une ampleur intéressante et d’ici cinq ans, ce sera vraiment costaud.
Quel joueur est sorti du lot à vos yeux cette saison en Chine ?
Oscar. Ce joueur évolue avec son cerveau et pas seulement avec ses pieds. L’avoir dans son équipe, c’est quelque chose de grand, son club a été champion et il a été un acteur majeur avec beaucoup de passes décisives.
De quelle manière aimeriez-vous améliorer votre jeu ? Être plus décisif ?
On m’a toujours reproché de manquer de justesse dans la dernière passe, c’est vrai que j’ai un gros souci avec. Mon jeu, ce n’est pas marquer, c’est faire marquer. Pour être grand cependant, le but est aussi essentiel.
Avant de rejoindre Jianye, vous étiez au Danemark, du côté d’Aalborg…
À Aalborg c’était particulier… Je dis merci à la famille d’accueil qui m’a hébergé et m’a appris à être professionnel. Là-bas, je ne pouvais pas rester seul. La langue je ne connaissais pas. Même en anglais, je n’arrivais pas à communiquer avec les autres au début.
Il y a eu également cette expérience aux États-Unis à Wilmington… Comment avez-vous vécu ce premier passage loin de chez vous ?
C’était vraiment compliqué pour moi car je n’avais jamais évolué dans un championnat hors d’Afrique. La vie extérieure n’était pas simple mais au fil des mois j’ai essayé d’apprendre la langue et la culture, afin de m’adapter au mode de vie américain.
Vous n’avez que 23 ans. Aimeriez-vous revenir bientôt jouer sur le Vieux Continent ?
Oui, c’est toujours pour moi un rêve de revenir en Europe. J’aimerai jouer dans le plus grand championnat du monde, en Premier League. Mon club depuis tout petit, c’est Arsenal. J’aime jouer avec le ballon et ce club me correspond. Quand j’étais enfant, Thierry Henry était un modèle pour moi. C’est quelqu’un qui m’a beaucoup marqué.
L’actualité récente au Cameroun a été marquée par le retrait de l’organisation de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations. Trouvez-vous cette décision de la CAF injuste ?
Je l’ai très mal vécu car c’était vraiment une joie et une fierté de vivre la CAN dans mon pays. Je ne veux pas aller contre l’avis des dirigeants car ils connaissent mieux le foot que nous. S’ils ont pris cette décision, c’est parce qu’ils veulent le bien du Cameroun et du football africain. Ils ont beaucoup réfléchi. Je me sens mal comme les 24 millions de Camerounais qui auraient voulu que cette compétition se joue à la maison. On ne va pas s’arrêter de jouer à cause de ce retrait. On veut vraiment prouver aux yeux du monde entier que nous sommes une grande nation, en se qualifiant pour la prochaine Coupe d’Afrique des Nations. Je pense que ça serait une très bonne chose pour nous.
Depuis maintenant deux mois, Clarence Seedorf et Patrick Kluivert dirigent les Lions Indomptables. Comment s’est déroulé le premier contact avec ce duo inédit mais d’expérience ?
D’un point de vue personnel, je trouve que c’est une très bonne chose. Ce sont deux grandes légendes. Ils veulent transmettre à cette équipe ce qu’ils ont pu vivre quand ils étaient joueurs. Cela va motiver les jeunes à se dépasser. Leur travail va payer avec le temps, il ne faut pas juger maintenant. Nous les Camerounais, on veut des résultats à l’instant mais ça prend du temps. Ce que ce duo doit nous transmettre, c’est une nouvelle rigueur car aujourd’hui, les observateurs disent que nous avons perdu cette concentration. De l’intérieur, je vous assure que ce qu’ils mettent en place, permettra à l’équipe d’avancer sur la bonne voie.
Avec Vincent Aboubakar, Toko Ekambi ou encore Choupo-Moting, le Cameroun possède de nombreux joueurs de poids en attaque. L’émulation est-elle saine entre vous ?
Franchement, pour nous, il n’y a pas de concurrence en tant que telle. Être footballeur, c’est l’accepter. Il ne faut pas être jaloux car le joueur à ta place est un ami. C’est une source de motivation au contraire. Par exemple, je considère Vincent (Aboubakar) comme un grand frère en sélection, c’est quelqu’un qui peut être au sommet de l’Afrique. Avec cette génération, nous avons beaucoup de qualités et elle veut rendre fière son peuple. Le Cameroun a toujours été prêt pour ce type de compétition. Garder notre titre nous donne encore plus envie d’aller loin.
Vous avez été élu meilleur joueur de la dernière CAN après la victoire des Lions en finale contre l’Égypte… On image que ce double succès reste le plus gros accomplissement de votre carrière ?
C’est la plus belle année que j’ai vécu car personnellement je ne m’attendais pas à être appelé par cette sélection, j’ai eu la chance d’être convoqué avec les U23. Ça m’a permis de me faire repérer aux yeux du sélectionneur Hugo Broos. Je lui dis un grand merci d’ailleurs. Il m’a donné la force et la détermination de prouver ma valeur. C’était beaucoup de bonheur car aucun Camerounais ne nous attendait. D’habitude, quand on va à une CAN, tout le peuple est derrière notre bus vers l’aéroport mais ce jour-là, pour le départ, on ne nous lançait que des pierres (rires). Nous avons pu montrer qu’une grande nation du football, reste une grande nation. J’espère qu’on va se qualifier et que je vais garder mon titre (de meilleur joueur de la Coupe d’Afrique des Nations 2017, ndlr).
Quel match a été le plus décisif ? Le Gabon en poule ? Le Sénégal en quart ? L’Égypte en finale ?
Le match le plus important reste celui en phase de groupes contre le Gabon, le pays hôte. Avoir de son côté juste 100 supporters contre tout un peuple, c’était vraiment quelque chose de très difficile. Même sur la route vers le stade… C’était incroyable mais on a eu ce jour-là un gardien fantastique (Fabrice Ondoa) qui a préservé le 0-0.
On imagine que les célébrations ont été massives à votre retour…
Comme une fête nationale ! C’est simple, nous avons atterri à l’aéroport à 17 heures et nous sommes arrivés à notre hôtel à 23 heures. Les routes étaient bloquées de partout. C’était juste de la joie. J’ai éteint mon téléphone pour garder en tête ces images. J’espère pouvoir revivre ça en 2019.
Quels sont vos liens avec Samuel Eto’o, qui reste un monument et une personnalité à part au Cameroun ?
Peu de gens le savent, c’est quelqu’un qui m’a inspiré car nous sortons du même quartier, à Douala qui vit et respire juste pour ce sport. Il a donné beaucoup de bonheur au Cameroun. C’est un exemple pour moi et la nation. Je n’ai pas de mots pour qualifier cet homme. En dehors de lui, j’ai beaucoup aimé aussi Patrick Mboma, un gaucher comme moi. Il est dans mon top 3 des plus grands joueurs du football africain avec Samuel (Eto’o) et Didier Drogba. Actuellement, j’aime beaucoup Sadio Mané, Mohamed Salah et Riyad Mahrez.
Que pouvons-nous vous souhaiter pour la suite de votre carrière ?
Je veux jouer dans un grand championnat européen et apporter encore un titre majeur au Cameroun. Tout simplement.
Propos recueillis par Adrien Mathieu