Veron Mosengo Omba, le directeur Fifa du développement-régions Afrique et Caraïbes, a fait l’annonce officielle de la prorogation du mandat du Comité de normalisation installé à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) depuis le 8 septembre 2017, mardi dernier. Ce mandat expirait le lendemain, c’est-à-dire hier, 28 février 2018.
« Le mandat du Comité de normalisation a été prolongé jusqu’au 31 août 2018 », a t-il déclaré. Veron Mosengo Omba a tenu à donner les raisons de cette prorogation dès lors qu’il a indiqué que les textes transmis à la Fifa par le Comité de normalisation le 14 décembre 2017 sont prêts depuis un mois. « Nous savons tous que la finalité ou l’épilogue du Comité de normalisation est de revoir les statuts et d’organiser des élections libres et transparentes, dans le respect des Statuts de la Fifa et ceux de la Caf. Mais, pour cela, certains préalables doivent être exécutés, notamment l’audit judiciaire et surtout attendre la modification de la loi nationale sur le sport de 2011. Il importe à ce sujet de souligner l’engagement du ministre des Sports à qui nous avons rendu une visite de courtoisie, de soumettre l’adoption de la nouvelle loi à la prochaine session parlementaire de mars-avril. Je voudrais aussi souligner que ce préalable, comme vous pouvez bien vous en douter échappe au contrôle de la Fifa », a déclaré le représentant de la Fifa.
La première raison est compréhensible, puisqu’il s’agit de faire l’état des lieux de la maison Fécafoot depuis le départ d’Iya Mohammed, l’ancien président, en 2013. « Ce n’est pas seulement un audit pour les dirigeants précédents. Le Comité de normalisation va être audité aussi », a précisé Veron Mosengo Omba.
Quant à la seconde raison liée à l’engagement de Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt, le ministre des Sports, de faire modifier par l’Assemblée nationale, la loi n°2011/018 du 15 juillet 2011 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, des voix se sont élevées pour critiquer cette démarche.
Qu’est-ce qui fait problème (selon le ministre des Sports) dans cette loi ?
Remplacer la CCA par une Commission de conciliation et d’arbitrage
Selon nos sources, il s’agit de deux dispositions dont celle devant démanteler la CCA (Chambre de conciliation et d’arbitrage) du Comité national olympique et sportif du Cameroun (CNOSC). En l’occurrence l’article 44 qui dispose : Alinéa 1er « Les litiges d’ordre sportifs opposant les associations sportives, les sociétés sportives, les licenciés et les fédérations sportives sont résolus suivant les règles propres à chaque fédération » ; alinéa 2 « En cas d’épuisement des voies de recours internes à la fédération, l’une des parties peut, en dernier ressort au plan national, saisir la Chambre de conciliation et d’arbitrage instituée auprès du Comité national olympique et sportif du Cameroun ». C’est la pratique qui a cours jusqu’à présent.
Dans le projet de loi que le ministre des Sports compte faire adopter à l’Assemblée nationale, il est question de mettre dans cette loi une disposition qui crée une Commission de conciliation et d’arbitrage logée au sein du ministère des sports, devant connaître de tous les litiges en dernier ressort au sein des fédérations sportives.
En réalité, un contentieux électoral ne sera plus un litige sportif. D’où le sens du communiqué signé de Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt du 18 novembre 2015 à travers lequel il indiquait que la CCA en annulant l’ensemble du processus électoral de la Fécafoot dont l’élection de Tombi A Roko Sidiki comme président, avait « outrepassé ses compétences ». De même, selon notre informateur, la CCA ne devra désormais connaître que des litiges économico-sportifs.
« Cette commission ne sera là que pour servir le politique et les intérêts individuels, alors que la loi est impersonnelle. Un membre d’une fédération, non satisfait des décisions de cette Commission n’aura plus de facilité pour saisir le Tas (Tribunal arbitral du sport, puisque les frais d’une procédure sont dans l’ordre d’une vingtaine de millions, pas à la portée de tout le monde. Alors que la saisine de la CCA n’est pas aussi lourde sur le plan national. On pourra ainsi avoir raison et perdre des procédures sans avoir la moindre possibilité de recours », s’est indigné un acteur du football.
Les corps de métiers dans le processus électoral dès la base
Il y a aussi l’article 32 de cette loi de 2011 qui parle des membres d’une fédération. L’alinéa 3 dispose : « La ligue sportive regroupe en son sein les clubs sportifs et, le cas échéant, les ligues régulièrement constituées et qui lui sont affiliées, conformément à ses Statuts » ; alinéa 4 : « la ligue sportive assure la coordination des clubs et ligues qui lui sont affiliés » ; alinéa 5 : « la ligue sportive exerce ses missions sous l’autorité et le contrôle de la fédération sportive nationale à laquelle elle est affiliée conformément aux dispositions prévues par les statuts ». Ce qui cadre d’ailleurs avec les résolutions de la tripartite de Zurich en novembre 2004, selon lesquelles il était désormais proscrit aux personnes physiques de de prendre part au vote au sein de la Fécafoot. Seules les personnes morales que sont les clubs, devaient désormais le faire.
Les corps de métiers ne votent pas à la Fifa
D’après la modification qui devrait être soumise à l’Assemblée nationale, il est question d’introduire le vote des corps de métiers dans les ligues décentralisées que sont les départements et les régions. En conséquence, le jeu électoral serait faussé dès la base. Il s’agirait d’introduire les représentants du Syndicat des footballeurs dans les 58 départements et dans les 10 régions du Cameroun. De même qu’il s’agira d’introduire les autres corps de métiers tels que celui des entraîneurs, des médecins et des arbitres dans le processus dès la base. Ce qui fausserait davantage le jeu démocratique. A la Fifa d’ailleurs, ces corps de métiers ne prennent pas part au vote. Or, les clubs qui sont habilités à voter au sein de la Fécafoot ont déjà en leur sein, les entraîneurs, les joueurs et les médecins. Les arbitres sont réputés jouer la neutralité d’où la nécessité pour eux de ne pas prendre part aux processus électoral à la Fécafoot.
Si la Fifa pose cette modification de la loi comme préalable à la poursuite de la normalisation de la Fécafoot, les 48 autres fédérations pourront-elles s’accommoder à cette loi ? « Seuls les acteurs du mouvement sportif dans son ensemble, de toutes les 49 fédérations, devraient juger de l’opportunité de modifier cette loi de 2011 à l’issue d’une concertation pour soumettre cela à l’adoption de l’Assemblée nationale et non de façon unilatérale comme veut le faire le ministre des Sports. La Fifa ne doit pas dicter de changer une loi dans notre pays », s’est indigné un président de club de football de D2 dans la région du Centre.
On se souvient qu’à la session de novembre 2017, cette proposition n’a pas pu être faite. On attend de voir la réaction des députés à ce sujet dès le 6 mars prochain.
Achille Chountsa