En laissant les coudées franches à Denis Lavagne pour la désignation de son capitaine comme il le souhaitait au sein des lions indomptables, Iya Mohamed le président de la fédération camerounaise de football, conforte le soupçon de bannissement que lui et ses affidés ont à l’égard de Samuel Eto’o Fils et qu’une bonne partie de l’opinion subodorait déjà fortement. Ou comment le précédent inauguré par Paul Le Guen, fera désormais des ravages en sélection nationale.
Cette histoire de capitanat au fond est une fumisterie. Jusqu’à son exercice par le talentueux mais non moins intrigant Song Bahanag, personne n’y prêtait du sérieux. Tout au plus savait-on s’agissant du football, que la fonction prédisposait son bénéficiaire au rôle banal de la représentativité courante qu’imposent les formalités d’une rencontre ou le protocole d’une finale perdue ou gagnée. C’était et le reste encore nous le croyons, le simple privilège d’avoir à choisir son camp de jeu au tirage au sort, serrer la poigne des officiels de la rencontre et celle de son adversaire du moment avec lequel on va échanger les fanions, passer les consignes de l’entraîneur à ses coéquipiers sur l’aire de jeu et sublime consécration, recevoir puis brandir le trophée en cas de victoire d’une coupe ou d’un sacre quelconque et re-serrer des mains d’importance comme celles des chefs d’État et autres dignitaires des instances mondiales de la gestion du football.
Théophile Abéga, Emmanuel Kundé, Stephan Tataw, Mbouh Emile, pour ne pas rentrer dans l’histoire et rester dans la modernité qui a vu rayonner notre football, étaient des capitaines dont la nomination n’a soulevé aucune vague ni occasionné d’inutiles polémiques. L’équipe nationale qui avait déjà de fortes têtes et des professionnels de renom à même de revendiquer compte tenu de leur statut, le fameux brassard, ne nous a pas présenté en ces temps là, des disputes liées à cette fonction. En dehors des sempiternels problèmes financiers et ceux liés au désordre organisationnel habituel, l’on se fichait éperdument de savoir qui est le capitaine du groupe et quelle est sa tronche. Sincèrement, les seules frayeurs qu’on pouvait se faire à leur sujet, restait la honte qu’on redoutait sur la qualité de leur expression vu la mise en exergue à laquelle exposaient les succès et leur confort intellectuel bien pauvre. Hormis cela, le capitanat n’avait aucun enjeu ni visible, ni invisible.
Les affres de la récupération
Depuis que par une mauvaise habitude on a sombré dans la récupération politique et fait des lions indomptables on ne sait trop quel vecteur des succès de la gouvernance en place, le capitanat a pris du volume pour devenir une officine non déclarée d’une sale collaboration qui ne veut pas dire son nom. Collaboration en termes d’intrigues, de médisances et plus grave, de délation. Cela semble irréaliste mais c’est pourtant vrai.
Tous les journalistes sportifs qui suivent la sélection nationale de la cuvée Bidoung Kwaptt (l’amplificateur de la dérive) jusqu’à aujourd’hui, l’attesteront en off. Avec 137 sélections en équipe nationale et près de 10 ans de capitanat, c’est bien sous Rigobert Song Bahanag que cette mutation s’est opérée. Capitaine courage et campant le mieux la détermination camerounaise, on ne peut pas dire au sortir de la coupe du monde 1994 qu’il ne méritait pas d’arborer le fameux brassard. Seulement, pris dans l’exubérance de la fonction et de son exercice, il a fini, les trophées aidant, par se rapprocher d’un peu trop près de la tutelle. Cette connivence qu’on ne peut qu’imaginer grisante produira les effets de la vassalité. Finie la qualité ordinaire de capitaine et bienvenue au roitelet de service, épouvantail de ses coéquipiers et indic quand les circonstances l’exigent. Womè Nlend paiera un prix cher de cette dérive.
Puisque jouer et faire montre de son talent ne suffisent plus, il importe dorénavant d’être en pole position auprès des autorités. Cela peut servir pour la reconversion future. Vu ainsi, c’est sans surprise que les vocations naissent et avec elles, les batailles de chiffonniers qu’une mode inaugurée par Paul Le Guen amplifie. Song Bahanag veillissant et nullement prêt à rendre le brassard, focalisera sur le sujet, l’intérêt qui s’est emparé de l’opinion. Le capitanat qui se décidait dans le silence est devenu chose publique. Reste pour faire plus grave encore que le président de la République finisse par le consacrer par décret.
En attendant, Denis Lavagne s’est piqué d’un gros caprice: avoir lui aussi son capitaine. Pour quelle raison d’urgence? Mystère et boule de neige. Sauf à ne vouloir pas admettre la vérité, les sanctions infligées par la fédération au capitaine Samuel Eto’o visaient son bannissement pure et simple de la sélection. Sinon comment comprendre qu’au-delà du caracrère passager de celles-ci, l’on en vienne à poser le problème du capitanat alors même qu’il existe des adjoints et qu’au bout de la peine, rien ne l’empêche de reprendre sa fonction. En ouvrant la brèche de cette possibilité de choix, il y a comme une volonté de pousser dans ses derniers retranchements Samuel Eto’o. Une blessure d’orgueil qu’on veut lui infliger au regard de son caractère impétueux. Passera-t-il outre, acceptera-t-il de rentrer dans les rangs? Surtout qu’au sein du staff, trône en bonne place un ex capitaine déchu à son profit et qui sans doute rumine une belle revanche par l’autorité en tant que manager général des lions indomptables. Le voilà au défi de nous démontrer qu’il reste le leader naturel de cette équipe. Pas en frasques bien sûr, mais en talent et en éclat. Pour lui montrer la voie, rappelons que les Milla, Nkono, Bell, Mboma, Njitap, Etame, les plus illustres des footballeurs camerounais, n’étaient pas des capitaines de l’équipe nationale.Reste à déplorer, l’ambiance délétère que cette initiative risque de créer.