Trop réservées, voire craintives en début de rencontre, les Lionnes ont repris confiance par la suite avant de bousculer dans ses retranchements le champion du monde sortant. Un réveil trop tardif car la défaite était déjà consommée. Le troisième match contre la Suisse s’annonce comme celui de la dernière chance.
Par Jean Marie NZEKOUE, Editorialiste
Et si les Lionnes indomptables du Cameroun avaient trop respecté les « Nadeshiko » du Japon ? La question mérite d’être posée au regard de la physionomie globale de la rencontre du 12 juin comptant pour la deuxième journée du groupe C de la Coupe du monde féminine Canada 2015. A s’en tenir uniquement au résultat final (2-1), on pourrait croire à une quelconque domination japonaise. En réalité, ce score ne reflète en rien le déroulement de la partie. Un analyse attentive de l’ensemble de la rencontre donne comme l’impression que l’équipe camerounaise a dans un premier temps, refusé l’affrontement direct, se contentant de contenir les assauts de l’adversaire. Sans doute en application des consignes du coach, mais aussi par peur de mal faire, de commettre des erreurs fatales. C’est lorsqu’elles ont pris véritablement la mesure de l’adversaire qu’elles ont compris que la meilleure défense c’est l’attaque.
Elles se sont alors relâchées, assiégeant littéralement le camp japonais mais le mal était déjà fait.
Le match pris dans sa globalité ressemble à une rencontre à deux visages. Pendant une vingtaine de minutes en première mi-temps, on a assisté à une domination outrancière de l’équipe du Japon qui s’est ruée à l’attaque dès le coup d’envoi, assiégeant littéralement le camp camerounais qui avait du mal à repousser des assauts successifs. Sans doute mues par la volonté de cueillir à froid l’adversaire, les Japonaises ont d’emblée développé un jeu plaisant combinant vivacité, aisance technique et hyper-réalisme. Un jeu sorti tout droit d’une PlayStation, fait de passes millimétrées, d’anticipations, de marquage strict sur le porteur du ballon sans oublier cette gestion efficace des espaces, ce positionnement judicieux à l’abord de la surface adverse qui a donné des sueurs froides à une défense camerounaise trop attentiste, voire déconcentrée à l’instar de la gardienne qui s’est trouée sur le deuxième but.
Si on ajoute à ce pressing très haut du Japon une efficacité diabolique devant les buts, on obtient les ingrédients d’un succès somme toute mérité.
Camp retranché
On savait déjà les « Nadeshiko » dotées de ces qualités intrinsèques, mais leur tache a été en partie facilitée par des « largesses » offertes en début de rencontre par des Lionnes entrées trop timidement dans la partie. En lieu et place de l’engagement physique et de la hargne de vaincre qui avaient fait merveille face à l’Equateur lors du premier match, on a plutôt vu des joueuses timorées, retranchées dans leur camp comme si elles redoutaient de passer à la correctionnelle. Et pour ne rien arranger, l’équipe a semblé un moment découpé en saucisses, avec une défense à la fois laxiste et fébrile au marquage , un milieu de terrain manquant de liant et une ligne d’attaque par trop individualiste, brouillonne, confondant allégrement vitesse et précipitation. En dehors de la frappe manquée d’Enganamouit à la 22ème mn, du corner gâché d’Aboudi Onguene à la 33ème mn et du tir hors cadre de Ngono Mani à la 45ème mn, il n’y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent en première mi-temps. Par ailleurs le jeu camerounais trop stéréotypé fait d’attentisme, de pertes de balles inexpliquées, de relâchement dans le marquage individuel, de dégagements en catastrophe, de longues transversales invariablement renvoyées par le mur adverse, n’était pas pour déplaire aux très expérimentées Japonaises. Visiblement, la tactique trop prudente adoptée par Enow Ngachu, le coach camerounais, ne s’est pas révélée payante comme l’attestent les deux buts encaissés respectivement à la 6ème et à la 17ème min.
Il aura fallu attendre la deuxième manche pour découvrir un autre visage des Lionnes indomptables. Ayant pris progressivement conscience de leur potentiel, les fauves ont remonté d’un cran leur rideau défensif pour se ruer à l’attaque, bousculant dans ses derniers retranchements le champion du monde sortant. Les Japonaises ont sans doute été décontenancées par ce regain de forme puisque les espaces se sont faits plus rares pour déployer leur jeu tout en mouvement. Moins présentes désormais sur le ballon, elles ont usé parfois de malice et de ruse pour freiner la fougue des Lionnes déchaînées. Au cours des 20 dernières minutes, les fauves ont tiré 13 fois vers les buts adverses. Mais cette montée en puissance a été longtemps stérile, les tirs étant soit hors cadres, soit bloqués par l’excellente gardienne nipponne. Il aura fallu attendre l’ultime minute de la partie pour voir leurs efforts récompensés par la réduction du score, mais les carottes étaient déjà cuites.
Au final, le Japon a gagné le match décisif ouvrant les portes des 8èmes de finale. Une analyse de la prestation des Camerounaises dans les 30 premières minutes peut laisser supposer qu’elles n’ont pas abordé la partie dans les bonnes dispositions mentales. La tactique consistant à défendre trop bas pour contenir la fougue d’un adversaire supposé supérieur avant de procéder par contre-attaque ne pouvait pas prospérer dès lors qu’on ne pouvait pas rivaliser en vitesse avec un adversaire plus technique et plus leste.
Le match de la dernière chance
Certes sur l’ensemble du match, le Japon, champion du monde sortant (ne l’oublions pas), a marqué une nette supériorité dans la possession du ballon (57%). Mais le Cameroun a été très loin du ridicule avec une animation offensive plus percutante comme l’attestent les 6 corners contre 2 pour l’adversaire. Même supériorité au niveau des tirs au buts : 20 dont trois cadrés alors que le Japon a eu besoin seulement de 4 tirs pour marquer 2 buts. Une leçon d’efficacité à méditer, car à quoi cela sert-il d’avoir autant d’occasions de but comme le Cameroun si on n’arrive pas à concrétiser ? En dépit des apparences, le « match des extrêmes » aura été plus équilibré que prévu. Toujours est-il que les Africaines n’ont pas donné l’impression de croire en leurs chances dès le départ.
La victoire japonaise est incontestable mais elle ne traduit pas forcément une domination outrancière, mais plutôt le sens de l’opportunisme et de l’efficacité devant les buts.
Comme dans d’autres compétitions mondiales, on a eu à déplorer une fois de plus, le manque de confiance en soi, le défaut de réalisme, le laxisme dans le marquage, la fébrilité défensive, des pertes de balles et autres fautes de placement ; toutes choses qui mettent en exergue un manque de concentration que l’on retrouve dans beaucoup d’équipes africaines engagées dans les compétition internationales.
Face au Japon, le miracle n’a donc pas eu lieu. Les Lionnes n’ont pourtant manqué ni crocs ni griffes pour arracher un match nul. Elles peuvent logiquement nourrir des regrets car elles avaient des armes pour contrer, voire dominer un adversaire largement à leur portée. Malheureusement, elles ont beaucoup péché par naïveté et maladresses. Le vent de la révolte a soufflé trop tard. Mais tout n’est pas perdu. Il reste encore à disputer le match de la dernière chance, le 17 juin contre la Suisse. Les Lionnes seront bien avisées de ne pas répéter les mêmes erreurs commises lors du précédent match si elles veulent poursuivre l’aventure.
Jean Marie NZEKOUE est éditorialiste, chroniqueur sportif, auteur entre autres de : « Afrique, faux débats et vrais défis » (2008), « L’aventure mondiale du football africain » (2010)