Le Cameroun organisera la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football féminin en 2016 ! Ainsi en a décidé le Comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF) réuni samedi dernier au Caire en Egypte. Les enjeux économiques de cette compétition sont, en effet, très importants, pas uniquement pour les footballeuses, mais aussi pour le Cameroun qui compte renvoyer une image différente de celle véhiculée par l’Occident: corruption, pauvreté, insécurité…
Au Cameroun, on est certain que les retombées de ce rendez-vous footballistique seront positives, que ce soit en termes d’emplois ou en dépenses des visiteurs étrangers. Le secteur touristique sortira donc gagnant avec des rentrées financières issues de la vente des objets d’art, des pins, des maillots ou autres gadgets. Les observateurs sont d’ailleurs unanimes à ce sujet: «L’impact marketing et touristique pour le pays sera très fort».
En clair, organiser une CAN, ce n’est pas uniquement pour jouer à la balle pendant 3 semaines. Entre emplois, sécurité et investissement social, une CAN c’est avant tout un formidable tremplin pour entamer des réformes de fond et parmi celles-ci, figurent le développement des infrastructures sportives.
Seulement, à ce niveau, le Cameroun reste le parent pauvre de l’Afrique, malgré la notoriété dont jouit son équipe nationale de football fanion (quatre CAN en 1984, 1988, 2000 et 2002), une médaille d’or olympique en 2000 et six participations en phase finales de Coupe du monde (1982, 1990, 1994, 1998, 2002 et 2010).
Tous les stades de football du pays de Roger Milla, meilleur joueur africain du siècle selon le quotidien sportif français L’Equipe en 2001, sont dans un état de délabrement avancé. Les nombreux lauriers glanés au plan africain et mondial par les footballeurs, athlètes, boxeurs, haltérophiles, cyclistes et volleyeurs… contrastent avec l’état de décrépitude totale de quelques rares infrastructures existantes.
Le stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé, par exemple, qui reste à ce jour la plus grande arène, a été construit à la veille de la huitième Coupe d’Afrique des nations organisée au Cameroun en 1972. Depuis des lustres, il n’a accueilli aucun autre événement majeur. Entre temps, des pays de moindre calibre comme la Guinée équatoriale, le Gabon, le Mali, pour ne citer que ceux-là, ont organisé les compétitions continentales.
Au Cameroun de Roger Milla et de Samuel Eto’o, la dernière compétition internationale a été organisée il y a 41 ans. La raison ? L’état des infrastructures d’une autre époque. A titre illustratif, la cuvette de Mfandena ne cadre plus avec les exigences de modernité. Le constat est amer après un rapide tour d’inspection :
– Affaissement des gradins
– Absence de toilettes, de tribune de presse, de salle de conférence, de connexion internet, téléphone…
– Conduits d’eau bouchés
– Réseau électrique caduque
– Tableau électronique en panne
– Pelouse bosselée et dégarnie
– Absence de parking de stationnement
– Vestiaires étroits et sales
Malgré l’engazonnement synthétique par la Fecafoot, le stade de la Réunification de Douala et celui de Garoua ne présentent guerre meilleur visage, alors que les travaux de construction du stade Omnisports de Bafoussam entamés en 1979 n’ont jamais été achevés.
Face au déficit et la décrépitude totale de l’ensemble des infrastructures, le gouvernement camerounais a élaboré le Programme national de développement des infrastructures sportives (Pndis). Un projet accueilli avec beaucoup d’espoir et qui devait être financé grâce aux prêts accordés par des banques chinoises, à hauteur de deux cent soixante douze milliards deux cent douze millions quatre vingt quinze mille (272.212.095.000) Fcfa.
Le projet en question prévoyait la construction à Olembe, dans la banlieue Nord de Yaoundé, d’un complexe sportif ayant un stade omnisports couvert de 60.000 places assises. Le même programme, qui était censé démarrer en 2008, prévoyait par ailleurs la construction d’un hôtel de trois étoiles, la délocalisation et la construction du complexe de l’Institut national de la Jeunesse et des Sports (Injs) de 12.000 m2 plancher avec une piscine olympique, un ensemble didactique et des stades multisports. En outre, chaque chef-lieu de province était censé avoir un stade omnisports de 15 à 20.000 places assises, un stade d’entraînement annexe et un palais des sports d’au moins 2.000 places…
Mais, là encore, c’est la désillusion totale ! Une fois de plus, les pouvoirs publics ont bluffé le peuple camerounais. Le Pndis dont les premiers stades devaient être inaugurés en 2012, est devenu un serpent de mer. Sur l’ensemble du territoire national, les chantiers sont à l’arrêt ou, au mieux, fonctionnent au ralenti. Le ministère des Sports et de l’Education physique, embarrassé, refuse de communiquer sur la question.
En conclusion, même si le Cameroun dispose encore de trois ans pour se doter de stades de football modernes, de terrains d’entraînement adéquats, d’hôtels de classe internationale, des voies de communication à la pointe de la technologie, la réalité pour le moment est cruelle, implacable: l’organisation de la CAN féminine en 2016 dans des conditions acceptables reste techniquement très difficile. Elle relèverait même d’un miracle. Mais, ne dit-on pas souvent qu’impossible n’est pas Camerounais ? On ne perd rien à attendre.
Par Jean Robert Fouda, à Yaoundé