Depuis son siège social situé au Caire, le bureau exécutif de la Confédération africaine de football (CAF) est visiblement satisfait d’avoir trouvé un point de chute pour la CAN 2019. Lors des récents CAF Awards à Dakar, son président, Ahmad Ahmad, a rappelé le soutien sans faille des autorités égyptiennes dont la grande « volonté politique » aura été un facteur déterminant lors du choix final face à l’Afrique du Sud, il n’en demeure pas moins vrai que ce n’est pas par pure philanthropie que Le Caire s’apprête à accueillir la plus grande fête du football africain.
On peut néanmoins lui reconnaitre par ailleurs le mérite d’avoir permis à la CAF de se retirer une épine du pied après le désistement du Maroc que beaucoup soupçonnaient d’être en embuscade.
Nul ne peut nier le fait que l’accueil d’une compétition de cette envergure (24 équipes) dans un délai relativement court (6 mois) soumet le pays hôte à de multiples contraintes (économique, sécuritaire, climatique…) pas toujours faciles à gérer par les novices. Ceci dit, l’Egypte peut s’estimer heureuse d’obtenir sur un plateau d’argent une compétition aussi convoitée en s’impliquant si peu dans la phase préparatoire. En raison des infrastructures déjà existantes (autoroutes, chemins de fer, stades aux normes, hôtels…) on n’aura plus besoin, comme ailleurs, de dépenser des centaines de milliards de francs en projets hypothétiques. En revanche, l’économie locale aura beaucoup à gagner en termes de rentrées de devises, avec l’arrivée des dizaines de milliers d’étrangers qui feront la bonne affaire des transporteurs, hôteliers, restaurateurs. Le football est devenu un business international et ce n’est pas la CAN devenue la troisième compétition footballistique la plus suivie au monde, qui nous démentira.
Mais aux yeux du pouvoir égyptien et compte tenu du contexte actuel, l’argument économique peut sembler secondaire par rapport à deux enjeux essentiels qui sont de l’ordre de la diplomatie et du sport. Dans un pays à vocation touristique souvent exposé aux vagues d’attentats visant parfois des communautés religieuses (coptes) et les touristes, une compétions de cette nature peut permettre de donner plus de visibilité à une image quelque peu ternie, en démontrant que l’Egypte reste un pays ouvert, accueillant et hospitalier. Du pain béni pour le pouvoir en place qui peut pour un temps, fédérer la ferveur populaire autour d’un événement purement festif.
Mais le rêve le plus secret que semble nourrir Le Caire à travers l’accueil de cette compétition n’est ni économique, ni diplomatique, mais sportif. Dans un pays où le football attire des foules et déchaine des passions, il peut être aussi un facteur de cohésion sociale, surtout s’agissant de l’équipe nationale. Pour comprendre l’importance de l’enjeu, il n’y a qu’à rappeler que l’Egypte figure en tête du palmarès des pays vainqueurs de la Coupe d’Afrique des nations avec sept trophées déjà remportés, à deux longueurs du Cameroun (cinq trophées). Si la CAN 2019 s’était tenue au Cameroun, le pays des Lions indomptables aurait eu l’opportunité de se rapprocher davantage du sommet de la pyramide. Comme par hasard, c’est celui qui occupe la plus haute marche du podium qui a récupéré… le bébé. Comprenne qui pourra.
Rappelons que l’Egypte n’a pas encore digéré sa défaite en finale de la CAN 2017 face au Cameroun. Au cas où ce dernier pays se qualifie (ce qui n’est pas encore acquis) la CAN 2019 semble offrir à son plus sérieux rival en Afrique l’occasion rêvée non seulement de prendre sa revanche mais de creuser l’écart en remportant son huitième trophée. Ce qui n’est pas impossible. Rappelons que l’Egypte a accueilli à ce jour la CAN à trois reprises. En dehors de celle de 1974 remportée par le Zaïre, le pays hôte s’est toujours imposé en finale comme en 1986 face au Cameroun et en 2006 face à la Côte d’Ivoire. Et à chaque fois aux tirs au but dans une ambiance survoltée. Les futurs adversaires des Pharaons amenés par Mohamed Salah qui vient d’être désigné meilleur joueur africain de l’année, sont avertis. Ils devront avoir des nerfs solides pour résister à la fois à la pression atmosphérique et à celle d’un public archi chaud.
Jean Marie NZEKOUE, éditorialiste, auteur de « L’Aventure mondiale du football africain » (2010)