Élargissement à 24 équipes, tenue de la compétition en milieu d’année, VAR… la Coupe d’Afrique des nations fait peau neuve en Égypte. Ces nouveautés sont-elles dommageables pour le spectacle ? Premier bilan avant les huitièmes de finale, au vu de la réalité du terrain.
Avant même que le Cameroun laisse la place à l’Égypte comme pays hôte de la Coupe d’Afrique des nations 2019, il était prévu que la compétition se dispute en milieu d’année pour la première fois de son histoire. Une nouveauté voulue par les dirigeants du football africain pour permettre aux meilleurs joueurs du continent, nombreux à évoluer dans des clubs européens, d’avoir l’esprit plus tranquille.
Auparavant, certains internationaux déclaraient forfait pour ne pas manquer des matchs de leur club en plein milieu de la saison en Europe. « Jouer la CAN en été, c’est une bonne chose pour tous les joueurs africains. Lorsque le tournoi se disputait en hiver [pour l’Europe, NDLR], certains clubs hésitaient à recruter des talents du continent, car ils savaient que le joueur serait absent trois semaines ou un mois », juge Robert Malm, ancien international togolais et consultant pour la chaîne BeIn Sports, diffuseur de la CAN 2019.
La contrepartie de ce changement est la météo. Il fait très chaud en Égypte entre le 21 juin et le 19 juillet, dates de la compétition, avec des pics de température entre 35 et 40 degrés à cette période dans la région du Caire. Une canicule dont a déjà pu mesurer les effets. Lors des rencontres disputées en plein après-midi lors de la phase de poule, les joueurs ont eu beaucoup de mal à donner du rythme. Ce qui a abouti à plusieurs matchs franchement soporifiques, comme le Maroc-Namibie ou le duel Tunisie-Mali.
Le pire a même été évité de peu. Un joueur nigérian, Samuel Kalu, a fait un malaise suite à une déshydratation lors d’un entraînement avec sa sélection le 21 juin. Très vite pris en charge par une équipe médicale, le Super Eagle s’en est heureusement tiré sans dommages.
« C’est vrai que la chaleur peut avoir une forte incidence sur le jeu développé par les équipes. En amont, les préparateurs physiques ont tout fait pour mettre les joueurs dans les bonnes conditions en insistant sur l’hydratation et l’adaptation à la chaleur. Certaines sélections ont préparé la CAN au Qatar où les conditions climatiques sont similaires pour s’acclimater au mieux », souligne Robert Malm.
Une adaptation à la chaleur plus facile qu’en cours de saison
L’ancien sélectionneur de l’Algérie, Christian Gourcuff, connaît la difficulté de jouer sous un soleil de plomb. Il vient de terminer un bail d’un an sur le banc du club qatari d’Al-Gharafa, un club de Doha. Pendant une large partie de la saison, ces joueurs se sont entraînés et ont joué dans la chaleur de l’émirat. Il relativise sur le climat égyptien.
« Il y a eu récemment des CAN qui se sont jouées dans des conditions encore plus difficiles. Avec l’Algérie, j’ai disputé la CAN 2015 en Guinée équatoriale. Le taux d’humidité était vraiment terrible sur le plan physique pour les joueurs. En Égypte, les joueurs qui évoluent en Afrique sont sans doute avantagés, car ils sont plus habitués à évoluer dans la chaleur que les exilés en Europe. Mais les staffs des sélections ont aussi eu plus de temps pour préparer leurs joueurs que lors des matchs de qualification où les joueurs arrivent en avion d’Europe deux jours avant une rencontre. Avant cette CAN en été, ils ont eu deux ou trois semaines pour préparer les joueurs », analyse Christian Gourcuff.
Et que la CAN se tienne en hiver ou en été, il y aura toujours un hémisphère du continent moins favorable à l’accueil de la compétition. « Cela aurait été parfait en Afrique du Sud au mois de juillet, mais quand la CAN avait lieu l’hiver c’était l’inverse », ajoute Christian Gourcuff. Au final, à part en Afrique du Nord, les mois de juillet et août ne sont en général ni les plus chauds, ni les plus étouffants sur le continent.
Quel sort pour les « petites » équipes ?
L’autre nouveauté de cette édition 2019 est l’élargissement du tournoi de 16 à 24 équipes. Un nouveau format qui a permis à de « petites » nations footballistiques, le Burundi, Madagascar et la Mauritanie, de se qualifier pour la première fois pour la CAN. Mais ce changement de format, analogue à celui de l’Euro 2016, a t-il tiré vers le bas le niveau de jeu des rencontres en phase de poules où il y a eu moins de chocs entre grosses nations ?
« Les équipes qui sont présentes ont mérité leur qualification sur le terrain. Elles peuvent tout à fait créer la surprise, comme la Zambie qui avait remporté la CAN à la surprise générale en 2012 avec cependant une plus longue histoire footballistique. Quand nous nous sommes qualifiés avec le Togo pour la Coupe du monde 2006, beaucoup de personnes annonçaient que nous allions perdre tous nos matchs très largement. Pourtant, on avait longtemps tenu tête à la France ou à la Suisse », énonce Robert Malm. Le cas de Madagascar, qui s’est brillamment qualifié pour les huitièmes de finale en terminant en tête du D devant le Nigeria, un grand d’Afrique, lui donne raison.
L’arrivée de la VAR pour les quarts de finale
« Je pense qu’un tournoi à 24 est un bon format pour permettre à de nouvelles nations de participer à la CAN et de progresser, tout en pimentant la compétition. Au-delà par contre, il y aurait un risque de voir le niveau se diluer », conclut Robert Malm. À la lecture des résultats du premier tour, on observe également qu’il y a eu peu de matchs déséquilibrés : seules 5 rencontres sur 36 se font terminées avec un score de trois buts d’écart ou plus. Preuve que le niveau reste assez homogène.
On a maintenant hâte de voir la suite et surtout la prochaine grande nouveauté qui s’annonce pour cette CAN 2019 à partir des quarts de finale : l’arrivée de la VAR, l’arbitrage vidéo. Une innovation qui va très sûrement soulever de vifs débats sur les terrains, alors qu’on se souvient des erreurs de la VAR en défaveur des équipes africaines lors de la dernière Coupe du monde…
Par Camille Belsoeur