La Fédération camerounaise de football et le ministère des Sports et de l’Education physique se regardent en chiens de faïence, en raison d’une lettre récente du ministre invitant le président du Comité de normalisation de la fédération à lui transmettre le projet de statuts de la fédé avant adoption.
La crise entre le ministère des Sports et de l’Education physique (Minsep) et la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) a resurgi depuis quelques temps, au lendemain de l’adoption par le parlement camerounais de la loi n° 2018/014 du 11 juillet 2018, portant organisation et promotion des activités physiques et sportives au Cameroun.
Après avoir favorablement répondu à l’exigence formulée par la Fifa, le gouvernement camerounais, à travers son ministre des sports, a en retour, adressé une correspondance au président du Comité de normalisation de la Fecafoot le 18 juillet dernier, dans laquelle il demande à Me Dieudonné Happi, de «[lui] faire tenir, dans les meilleurs délais, les projets de statuts de la fédération assortis du chronogramme du processus électoral aménagés à la lumière des dispositions de la nouvelle loi», écrit Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt.
Fecafoot rebelle ?
La Fédération n’a pas jugé utile de s’exécuter suite à cette requête ministérielle, arguant qu’il s’agit d’une «ingérence du Minsep dans le processus de retour à la normale au sein de l’instance faîtière. Quel peut être l’intérêt pour le Minsep de disposer de ces projets de textes quand on sait qu’il n’a aucun rôle à jouer jusqu’à l’élection du prochain bureau exécutif?», a réagi mardi Parfait Siki le Directeur de la Communication à la Fecafoot.
A la Fecafoot, l’on indique que le circuit formel recommande que le projet de statuts, sujet à caution, soit préalablement acheminé à la Fifa pour validation avant adoption par une assemblée générale qui sera convoquée ultérieurement. «Par politesse institutionnelle, quand le texte aura suivi le circuit normal, c’est-à-dire qu’après la promulgation du texte le 11 juillet, après que le texte soit allé à la Fifa et qu’il ait été validé, à son retour, la fédération PEUT envoyer une copie au ministère des Sports. Le principe, c’est qu’il ne doit pas avoir ingérence du gouvernement dans les affaires de la fédération», renchérit Parfait Siki. Le principe d’ingérence est sous-tendu par les statuts de la Fifa en son article 19 alinéa premier, qui dispose que «chaque association membre doit diriger ses affaires en toute indépendance sans l’influence indue d’aucun tiers».
Loi embarrassante
Les sons dissonants qui résonnent encore entre le ministère et la Fecafoot au lendemain de la promulgation de la loi du 11 juillet dernier par le président de la République dénotent-ils de simples incompréhensions ou alors des écueils qui subsistent dans ladite loi ? Au ministère des sports, il n’est nullement question d’une résurgence de la guéguerre Minsep-Fecafoot, en ceci que «la Fecafoot a une délégation de mission du service public. Le ministère assure ses prérogatives conformément à la loi. N’est-ce pas le ministère des sports qui gère le sport dans un pays ? Pourquoi considère-t-on comme une ingérence ce qui parait normal et logique», réplique Samuel Zo’ona l’un des responsables du département de la Communication au ministère des sports.
En effet, ce dernier croit savoir que le patron en charge du maroquin des sports agit selon l’une des dispositions de la nouvelle loi sur les activités physiques et sportives, en l’occurrence l’article 47, qui rapporte que «les fédérations sportives sont placées sous la tutelle ministère en charge des sports». Cette disposition n’est cependant pas en conformité avec l’article 19 des statuts de la Fifa susmentionné, et pourrait nourrir davantage d’incompréhensions entre les dirigeants des deux institutions. «Il ne faudrait pas que les gens voient derrière cette requête du ministre la guerre Minsep-Fecafoot. En demandant à avoir le chronogramme du processus électoral de la Fecafoot, le ministère a pour seul souci d’en finir avec la crise au sein du football, et que les élections soient organisées pour que définitivement on en sorte», argumente Samuel Zo’ona.
Pour mémoire, depuis 2013, aucun exécutif légal n’a été désigné à la Fédération camerounaise de football, et l’expectative demeure cinq ans après. Ce malgré la désignation par la Fifa de deux comités de normalisation (2013 et 2017), pour sortir le football camerounais de cette impasse.
YANNICK KENNÉ