Depuis le tirage au sort des différents groupes dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du monde Russie 2018, tous les observateurs avertis s’accordent sur un fait : le Cameroun a hérité cette fois-ci du « groupe de la mort ». C’est en effet l’une des rares poules où se retrouvent autant d’équipes qui auraient pu, entre d’autres temps, auraient pu prétendre faire partie des têtes de série, compte tenu de leur stature dans l’histoire du football africain.
Tenez : l’Algérie, le Cameroun, le Nigeria et la Zambie ont chacun remporté au moins une fois la Coupe d’Afrique des Nations qui le trophée le plus prestigieux et le plus convoité du continent. Seulement voilà : les trois dernières équipes de ce quatuor sont en perte de vitesse depuis un bon bout et n’engrangent plus assez de points pour figurer au sommet de la hiérarchie africaine du ballon rond établie régulièrement par la FIFA. Depuis le tirage, les spéculations vont bon train sur les chances du Cameroun de s’extirper d’un groupe corsé et ce d’autant plus que seul le premier au classement final s’envolera pour la Russie. Alors comment faire pour résoudre la triple équation algérienne, nigériane et zambienne ? La sélection nationale du Cameroun dans sa configuration actuelle dispose-t-elle des armes suffisantes pour mener des batailles qui s’annoncent d’ores et déjà épiques ? Voilà des questionnements qui doivent interpeller tous ceux en charge de la gestion et de la mobilisation de la « Cameroon Team », à savoir : les joueurs, le staff technique et surtout les encadreurs sur de double plan administratif et psychologique. D’ici le mois de décembre qui marque le début effectif des premiers matchs, il faudra huiler davantage la machine pour éviter couacs et désillusions.
Pour certains commentateurs, les prochains matchs à disputer auront pour les Lions un parfum de revanche sur eux-mêmes et sur le sort. Tout en gardant un œil vigilant sur une Zambie jamais facile à manœuvrer, deux des futurs adversaires des Lions sont particulièrement attendus : le Nigeria et l’Algérie. L’équipe du Nigeria qui a longtemps souffert d’une suprématie camerounaise installée dans la durée (victoires lors des CAN 1984, 1988, 2000 face au même adversaire) s’est réveillée progressivement pour renverser la vapeur dès la CAN 2004. Depuis lors, c’est un adversaire redouté tant chez les hommes que chez les dames. Même s’il ne s’agissait que d’un match amical, beaucoup ont encore en travers de la gorge la cinglante défaite (3-0) infligée aux Lions indomptables par les Super Eagles le 11 octobre 2015 à Bruxelles. Vues sous cet angle, les deux prochaines confrontations ne manqueront pas du piment. Pour remettre les pendules à l’heure, « l’explication » s’annonce houleuse. Le fair-play sera-t-il au rendez-vous ? Wait and see.
Attaque-mitraillette
L’autre « explication » très attendue c’est avec l’équipe d’Algérie. La dernière rencontre officielle entre les deux sélections remonte à une quinzaine d’années. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Une analyse approfondie des 20 derniers matchs disputés par les sélections nationales d’Algérie et du Cameroun, toutes catégories confondues, donne une idée de la performance et de la régularité de chaque équipe. A la lueur des statistiques, on constatera que l’Algérie a enregistré 12 victoires, 3 nuls et 5 défaites contre 10 victoires, 7 nuls et 3 défaites pour le Cameroun. Premiers enseignements : les Fennecs ont une attaque plus prolifique que les Lions, avec une moyenne de 3 buts par rencontre, devenant même impitoyables lors des éliminatoires de la CAN 2017 face à des adversaires plus modestes comme l’Ethiopie (7-1), la Tanzanie (7-9) ou les Seychelles (4-0). Pour gagner un match, il faut tirer au but et marquer et sur ce plan, l’Algérie ne fait pas dans la dentelle. Certes, l’équipe du Cameroun marque peu de buts (un en moyenne par rencontre) mais contrairement aux idées reçues, elle en encaisse aussi peu et son record de match nul vierge est au-dessus de la moyenne africaine (55%).
Il va de soi que l’Algérie mérite amplement son statut de favori du groupe grâce à sa forme époustouflante du moment. Depuis sa bonne prestation à la Coupe du monde 2014, l’équipe s’est maintenue au sommet de la hiérarchie africaine et l’écart qui la sépare du Cameroun (1ère place contre10ème plaide en sa faveur. Mais le Cameroun ne saurait se constituer en victime résignée. Malgré les nombreux atouts dont disposent les Fennecs, les lions conservent toujours un ascendant psychologique pour s’être toujours imposé lors des matchs décisifs, que ce soit lors des CAN 1984 (5-4), 1986 (3-2), 1998 (2-1), 2000 (2-1). En général, les confrontations entre les deux sélections nationales ont toujours débouché sur des résultats très serrés et on risque revivre ce scénario si le Cameroun aligne la meilleure sélection possible avec un gardien expérimenté. Mais n’allons pas vite en besogne. Reconnaissons toutefois que l’Algérie est un sérieux client qu’on doit respecter sans paniquer outre mesure. Conscient de ses atouts et surtout de ses faiblesses, le Cameroun se doit de mettre à profit le laps de temps qui nous sépare du premier match pour effectuer de véritables stages de perfectionnement sur la base d’un chronogramme rigoureux ne laissant rien au hasard. Sur un seul match une équipe bien préparée peut renverser la montagne mais cela demande tact et méthode. L’expérience a d’ailleurs prouvé qu’un Cameroun mieux préparé peut accomplir des miracles même devant des adversaires supérieurs sur le papier. Il faut travailler dur !
Tristes souvenirs
L’autre côté « intéressant » des duels Cameroun-Algérie à venir tient à leur portée hautement symbolique. A travers certains acteurs-clés, les prochains matchs ne manqueront pas de faire remonter à la surface certains souvenirs plus ou moins tristes. On se rappelle en effet que c’est à JS Kabylie, une équipe du championnat d’élite algérien qu’officiait l’attaquant camerounais Albert Ebossé disparu en août 2014 après un match houleux dans des circonstances controversées. L’entraineur de l’époque du club algérien n’était autre qu’un certain… Hugo Broos qui démissionnera par la suite avant d’être recruté plus tard comme sélectionneur de l’équipe nationale du Cameroun. Des souvenirs douloureux et des chaudes retrouvailles en perspective !
Jean Marie NZEKOUE, Editorialiste