Journaliste et chercheur au centre d’Etudes et de recherche en droit, économie et politique du sport de l’Université de Yaoundé II-Soa, il réagit par rapport à la décision du TAS déboutant la Féacfoot et donne son avis sur les pistes du futur. Entretien …
Quel commentaire vous suggère la décision du Tribunal arbitral du sport (Tas) sur le rejet de l’appel de la Fécafoot contre la décision de la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique et sportif du Cameroun ?
J’ai accueilli cette nouvelle avec une extrême placidité. J’étais dans l’assurance de ce que le Tas dirait le droit ; une double assurance d’ailleurs. La première sur l’indépendance du tas dont le passif en matière de contentieux sportif a toujours renseigné du sérieux de cette juridiction et du sérieux des arbitres qui y prestent. La deuxième assurance est d’ordre juridique. Dans le fond du dossier, les arguments qui étaient mobilisés par Abdouraman Hamadou contre la Fécafoot étaient d’une justesse et d’une pertinence telle qu’on n’avait même pas besoin d’être un grand juriste pour que le droit prospère. Mais, comme en matière de contentieux, lorsqu’une des parties n’est pas satisfaite, elle a le droit de saisir une juridiction supérieure, c’est pour cela que nous nous sommes retrouvés au tas. Evidemment, la Fécafoot aurait pu gagner en temps, aurait pu s’épargner l’humiliation que nous connaissons aujourd’hui en se soumettant simplement à la sentence de la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Cnosc. Cette sentence vient confirmer par ailleurs et renforcer la crédibilité qu’on est en droit de reconnaître à la Cca du Cnosc. Ce sérieux était fortement mis en doute ces derniers temps par les communiquants de la Fécafoot.
Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? La suite, c’est quoi ?
Si nous sommes dans un Etat de droit, c’est-à-dire un Etat régit par le droit et la justice, la règle de droit vient d’être respectée, la justice vient d’être donnée. Les parties au litige doivent se soumettre à la décision qui a été rendue par le Tas. En d’autres termes, les textes de la Fécafoot sont donc aujourd’hui officiellement annulés ; les élections dans les ligues décentralisées sont donc aujourd’hui définitivement annulées ; le processus électoral doit donc simplement être recommencé à zéro. Mais, il se pose le problème de la date butoir qui a été fixée par la Fifa au 28 février 2015. Au point où on en est aujourd’hui, s’il faut tout recommencer, on ne pourra pas respecter les délais fixés par la Fifa. Et comme les Statuts de la Fifa contiennent eux-mêmes une clause compromissoire qui attribut au Tas qui est à Lausanne, compétence pour connaître en dernier ressort des litiges sportifs survenus au sein des Fédérations membres entre elles ou alors entre ces fédérations et la Fifa, cette Fifa ne peut pas se dédire, comme ça été souvent le cas pour d’autres affaires dont le dénouement a été donné par le Tas. La Fifa, si elle reste cohérente et sérieuse – elle a tout intérêt parce que pour la Fifa, la Cameroun n’est pas la seule fédération – donc, elle ne va pas laisser flétrir sa réputation d’une association, surtout connaissant les problèmes qu’elle a aujourd’hui surtout au niveau de la Suisse, avec les lois que le Parlement suisse a adoptées il y a peu de temps. A cela, vous ajoutez les scandales qu’il y a eu avec le Qatar Gate et autres. La Fifa est une Fédération internationale qui est en quête aujourd’hui de respectabilité. Sa réputation a été sérieusement entamée à cause de ces scandales que je viens d’évoquer. Je ne suis pas sûr qu’elle se permettrait encore aujourd’hui de bafouer la sentence du Tas à cause du Cameroun, simplement pour sauver quelques personnes au Cameroun et auquel cas, donnerait donc di sens au scandale du Qatar Gate. Comme quoi, la Fifa, pour protéger des personnes qui ont participé à ce Qatar Gate est prête aujourd’hui à mettre sa réputation en péril, à handicaper le fonctionnement d’une juridiction qu’elle s’est elle-même attribuée, simplement pour protéger quelques acteurs du Qatar Gate que l’on n’aurait plus de la peine à identifier au niveau du Cameroun. Je ne crois pas que la Fifa irait jusque-là. Elle est obligée aujourd’hui de proroger une fois de plus la période transitoire que nous connaissons au Cameroun depuis quelques temps.
Ce sera avec le même Comité de normalisation ou alors un autre organe ?
Il y a déjà une chose que la Fifa est obligée de faire : proroger le période transitoire que nous connaissons au Cameroun. Dieu merci, la Can est derrière nous, l’autre est un peu plus loin devant nous. Donc, nous avons là suffisamment de temps pour réaménager notre football. N’oubliez pas que tout ce qui se passe au Cameroun en toile de fond depuis un certain temps ne vise qu’une chose : la reconstruction du football camerounais en commençant par la fédération elle-même. Maintenant il faut trouver la formule. Si nous restons dans la formule d’un Comité de normalisation, est-ce avec les mêmes acteurs ? Si on me pose la question, je dirais : non ! Je pense qu’on peut préserver la formule d’un Comité de normalisation qui a d’ailleurs connu de bons résultats dans d’autres pays. Peut-être que ce n’est pas la formule qui dérange au Cameroun, mais c’est davantage des personnes qui ont été choisies pour incarner cette formule qui posent problème. Notamment des actuels membres ou quelques-uns des membres du Comité de normalisation dont le déchirement interne est une évidence pour tout le monde. Ne serait-ce que pour cette raison-là, avec un membre qui a déjà démissionné (Prince Ngassa Happi), un autre (Pr Mouangue Kobila) qui est en guéguerre permanente et les autres membres qui ont complètement déserté. Le désagrégement de ce Comité de normalisation aujourd’hui, l’incurie qui y règne et finalement son incompétence ; je pense que dans le prolongement de sa notoriété, la Fifa devrait désigner d’autres personnes dans ce comité de normalisation. Maintenant, est-ce que la Fifa dans cette hypothèse, désignerait encore des personnes de concert avec l’Etat du Cameroun, parce que nous savons que les précédents membres désignés l’ont été de concert avec l’Etat du Cameroun, même si par la suite ils n’ont pas jugé nécessaire de veiller aux intérêts de leur Etat ; puisque l’Etat du Cameroun a été obligé d’envoyer une délégation ministérielle à Zurich, parce qu’il ne se faisait plus écouter par des personnes qu’il avait lui-même proposés. Est-ce que la Fifa ne va pas choisir par lui-même des personnes indépendantes, qui elles pourraient bien faire le travail. Dans la configuration actuelle, il faut que les membres actuels du Comité de normalisation soient remplacés par d’autres membres peut-être plus disponibles, peut-être moins orgueilleux, peut-être plus compréhensifs et finalement plus compétents. A défaut de la formule d’un Comité de normalisation, peut-être que la Fifa et l’Etat du Cameroun pourraient s’entendre sur une autre formule ; peut-être pour une formule du CPG Comité provisoire de gestion) d’une durée de deux ans dont j’entends parler.
Entretien mené par Antoine Tella à Yaoundé