Le patron de l’entreprise, Prime Protomac Global, chargée de construire des stades à gazon synthétique dans des Communes au Cameroun revient en détails sur les accords signés avec la Fécafoot, présente la situation sur les chantiers et réagit à la lettre du Directeur général du Feicom adressée au ministre de l’eau et de l’énergie au sujet de ces projets. Sans tabou. Entretien
Comment se portent les chantiers de construction des stades à gazon synthétique dont vous avez signé les accords avec la Fécafoot ?
Beaucoup de choses se disent en effet. La réalité est que nous sommes retournés sur les sites. A un certain moment, nous avons dû arrêter à cause de problèmes techniques. Nous avons commencé les travaux au courant du mois d’avril, je crois le 20. Quelques temps après, nous avons reçu une visite d’une mission de contrôle et cette mission a exigé un certain nombre de choses de nous. Nous avons eu besoin de quelques temps pour les fournir. Maintenant c’est chose réglée. Nos équipes sont retournées sur les différents sites. Nous avons repris à Bamenda, Bafia et Sangmélima. Au courant de cette semaine, nous allons relancer à Bangangté.
Vous aviez donc sauté des étapes ?
Non, nous n’avons pas sauté d’étapes. Nous sommes une entreprise de développement. Dans un système normal, ce qui se passe c’est que nous arrivons sur un site, nous faisons des études de faisabilité, puis nous faisons nos designs. Ces designs vont produire des maquettes, des plans architecturaux, différents dimensionnements des éléments et des plans détaillés, avant d’engager les travaux. Donc nous avons suivi cette procédure-là ; la différence c’est que nous avons eu une exigence ponctuelle. Nous avons envoyé nos notes de calculs et tous nos plans en anglais, et le Cameroun étant un pays bilingue, ceux qui ont commencé à étudier ces plans voulaient plus de détails. Et lorsqu’on veut plus de détails, parfois vous ne tombez pas d’accord sur certains éléments, alors vous décidez d’arrêter pour tomber d’accord. Nous sommes tombés d’accord avec la mission de contrôle.
On a pourtant parlé d’un défaut de moyens financiers à un moment donné…
Non ! Du moins en ce qui concerne la Fécafoot. Ce que je veux noter c’est que l’argent en ce qui concerne les termes de nos contrats, n’est pas un problème. Nous avons demandé à la Fécafoot certaines choses, nous lui avons donné une liste de conditions, et après négociations, nous sommes tombés d’accord sur une liste finale. Et ce que la Fécafoot devait faire, la Fécafoot l’a fait. Donc nous sommes un peu surpris du débat autour de ce financement. On parle du Feicom par-ci, on parle d’autres institutions par-là. Tout ce que nous pouvons vous dire c’est que notre convention, celle que nous avons signée, ne concerne ni de près ni de loin un financement du Feicom. Le projet est entièrement supporté par la Fécafoot.
Vous avez quand même douté après la sortie du directeur général du Feicom ?
Non, jamais. Parce que nous savons exactement de quoi nous sommes capables. En ce qui nous concerne, si tout notre projet avait été accepté, on ne parlerait même pas du Feicom dans cette histoire. Il y a eu négociation. Certains à la Fécafoot ont estimé que nous avons trop demandé. Parce qu’en réalité, nous voulions faire quarante stades pour une concession de trente ans par stade. Nous ne demandons pas d’argent ; et nous étions partis pour trouver nous-mêmes nos partenaires qui allaient venir investir ; tout ce qui est droit de télévision dans ces stades nous reviendrait ; et nous gérerions ces stades sans interférence. Ce sont les conditions que nous avons proposées au départ. Si ça ne dépendait que de nous, on serait en train de discuter de ces stades dans une autre dimension. On n’est pas concerné par ce qui se passe avec le Feicom.
Nous voulons vraiment aller plus loin, créer un business autour du football camerounais, afin qu’il puisse payer ses acteurs. La convention que nous avons signée avec la Fécafoot nous oblige à employer 58 personnes par ville où nous construisons les stades. Il faut que nous trouvions de l’expertise sur place. Et si ne nous trouvons pas cette expertise sur place, nous sommes obligés de recruter des gens et les former. C’est une exigence de la Fécafoot.
Que répondez-vous à ceux qui disent que vous n’avez pas la compétence requise dans le domaine de la construction d’infrastructures sportives ?
Nous avons fait une proposition simple. Nous avions montré ce que nous pouvions faire. Nous avons montré quelles étaient nos lacunes et nos forces. Commençons par nos forces. En venant, nous savions que nous avions quelque chose que les autres n’ont pas : étant un développeur de projets d’infrastructures immobilières, nous avions l’expérience unique d’un meneur de jeu dans une équipe de construction. La construction d’infrastructures aujourd’hui dans le monde, pour qu’elle soit efficiente, doit se faire avec des développeurs. Des gens qui prennent sur eux le risque et organisent tout. L’avantage pour le client, c’est qu’il paie un montant fixe. Et il sait qu’il attend tel résultat. Dans ce contexte, l’avantage pour le client, en l’occurrence la Fécafoot, va avoir ces stades dans six mois, chacun de ces stades va être doté de deux studios de télévision, des tribunes couvertes.
Deux de ces stades devaient avoir la possibilité d’abriter plus de sept disciplines différentes, chaque stade devait avoir un restaurant, des bureaux, et la capacité de jouer en nocturne. Au lieu d’aller chercher une compagnie d’électricité, une compagnie qui va installer les studios de télévision, aller chercher de l’autre côté un expert pour la restauration, un expert en construction des pelouses ou des gradins, etc. La Fécafoot fait des économies en travaillant avec un développeur qui assume tout ce risque. Maintenant, une fois que nous avons assumé ce contrat avec la Fécafoot, nous organisons le jeu. Nous avons pris des gens qui sont experts dans leurs domaines. La différence c’est que ces gens discutent avec des techniciens et pas avec des profanes. Lorsque nous parlons d’un mètre carré de pelouse synthétique, ils savent que nous savons de quoi nous parlons, et les prix sont différents. C’est pour cela que nous avons pris pour le gazon synthétique, Act global qui est le leader dans le monde en la matière, tant en production qu’en installation. Les contrats qui ont été négociés avec ces compagnies-là, c’est pour permettre à la Fécafoot de payer des coûts plus bas. Nous avons négocié les contrats à une plus grande échelle, en les assurant de leur donner dix stades dans une période de deux ans, mais nous voulons que vous nous donniez les prix qui reflètent un certain discount. S’ils font la pelouse à 400 millions, nous achetions en gros dix, on nous fait le prix sur les dix, on divise ce prix par le nombre de stades. Mais nous ne payons que progressivement ; d’abord pour les quatre premiers stades, et les autres stades après.
Vous faites donc de la sous-traitance ?
Nous ne faisons pas de la sous-traitance en tant que tel. On parle de sous-traitance lorsque vous gagnez un marché et que vous allez prendre quelqu’un qui va le réaliser pour vous. Ici, nous avons construit un consortium, un partenariat sur la durée. Je vous prends un autre exemple. La société qui vient installer le gazon synthétique. Nous signons un accord pour installer à nos frais une usine de production du synthétique au Cameroun, en 2017. L’expertise technologique vient de cette compagnie qui va l’installer. L’avantage pour cette compagnie, c’est qu’elle aura une partie des bénéfices de ce que nous allons produire au Cameroun, pendant 30 ans. Les sous-traitants ne font pas ça. Lorsque nous donnons une partie de nos profits à un partenaire pendant 30 ans, vous comprenez que nous nous inscrivons sur la durée. Nous sommes dans une logique de développement. C’est pour ça que nous sommes une entreprise de développement en infrastructures. L’avantage c’est qu’il y a des milliers d’écoles au Cameroun, au Congo, au Gabon,… qui pourront en avoir besoin. Vous avez un marché potentiel de cent mille clients. C’est un risque que nous prenons, mais si ça foire, c’est nous qui perdrons notre argent, pas le pays avec qui nous nous sommes engagés. C’est nous qui allons payer !
Au moment où je vous parle, la Fécafoot n’a pas payé un franc. Pourtant les travaux avancent. On ne peut pas tirer sur nous, comme si nous étions en train de faire quelque chose de mauvais. Nous sommes une compagnie de développement qui comprend ses forces et ses faiblesses. Là où nous sommes forts, nous allons exceller dans cela ; là où nous avons des faiblesses, nous nous sommes équipés en conséquence, en nous mettant en partenariat avec des gens plus forts que nous dans ces domaines.
Propos recueillis par Arthur Wandji