« Mais, je voudrais dire que les choses les plus difficiles sont à venir. C’est maintenant que la qualification est acquise que nous devons préparer la phase finale de la CAN. Davantage, je crois que nous devons nous projeter plus loin puisque, les Camerounais n’ont plus rien à prouver à l’échelle continentale. Il faut s’attaquer au chantier de la coupe du monde 2010. »
Les Lions Indomptables se sont qualifiés dimanche dernier pour la prochaine coupe d’Afrique des nations Ghana 2008. Comment le ministre des Sports et de l’Education physique apprécie cet aboutissement ?
Comme tous les Camerounais je suis heureux de la qualification. Elle fait beaucoup de bien, tant aux pouvoirs publics qu’à toute la nation camerounaise. Mais je crois aussi que cette qualification fait beaucoup de bien à tous ceux qui aiment les Lions Indomptables, qu’ils soient Camerounais ou non.
Comment analysez-vous le parcours des Lions Indomptables dans ces éliminatoires avec les péripéties qui l’ont émaillé ?
La qualification a été à la fois facile et difficile. Elle a été facile pour ceux qui peuvent naïvement croire qu’il suffit que les Lions Indomptables descendent sur un terrain pour que la victoire soit acquise. Ceux là oublient souvent qu’en football, il y a généralement un vainqueur et un vaincu sauf quand il y a un match nul. Et à ce propos, je n’aime pas cette expression de match nul. Elle est très réductrice, puisque les équipes en présence se livrent parfois une bataille acharnée. Toujours est-il qu’au vu d’un passé récent des Lions où ils ont pratiquement tout gagné, la qualification du Cameroun ne devrait pas surprendre. Pour être honnête sans manquer de respect à quiconque, on a eu affaire à des équipes d’un niveau modeste. Ce n’était pas le Nigeria, l’Egypte, le Ghana, le Sénégal, encore moins la Côte d’Ivoire. Pour être franc, nos adversaires dans notre poule n’étaient pas des gros calibres. La qualification du Cameroun est donc logique.
Toutefois, les choses n’ont pas été simples, parce qu’être ministre des Sports ou entraîneur au Cameroun est très délicat. Nous sommes environ 15 millions de citoyens et nous sommes 15 millions d’entraîneurs. Tout le monde se croit investi du pouvoir de dire la vérité, mieux, sa vérité sur les Lions. Dès lors ça devient difficile pour le ministre que je suis ou pour les entraîneurs. C’est en cela que le parcours éliminatoire des Lions Indomptables m’a semblé délicat. On s’est beaucoup interrogé sur la question de savoir si l’encadrement technique en place pouvait faire l’affaire. Les mêmes interrogations se portaient même sur le ministre que je suis. Aujourd’hui, le résultat est là. Il est bon et il est bon pour tout le monde. Mais, je voudrais dire que les choses les plus difficiles sont à venir. C’est maintenant que la qualification est acquise que nous devons préparer la phase finale de la CAN. Davantage, je crois que nous devons nous projeter plus loin puisque, les Camerounais n’ont plus rien à prouver à l’échelle continentale. Il faut s’attaquer au chantier de la coupe du monde 2010.
A ce sujet, on a été habitué à la navigation à vue dans le football camerounais. Qu’est-ce qui va être fait au niveau des pouvoirs publics pour que les Lions Indomptables abordent l’échéance de la coupe du monde 2010 dans de bonnes dispositions ?
Peut-être que le Cameroun a souvent brillé par une certaine navigation à vue. C’est d’ailleurs vous qui le dites. Une chose est certaine, on n’a jamais agi comme les autres. C’est pour cela que nous renvoyons une image d’amateurs. C’est vrai que les procédures sont trop longues chez nous. La sélection même des joueurs n’est jamais très claire, au point où on n’est jamais sûr de bien connaître son équipe.
Quoi qu’il en soit, nous avons entrepris de faire changer les choses. Nous avons prévu de préparer un forum très important. Je sais du reste que l’opinion a des doutes sur la tenue de ce forum. Je profite d’ailleurs de votre tribune pour annoncer que les états généraux du sport camerounais sont prévus dans la première quinzaine du mois de septembre. Au lendemain des Jeux africains, nous allons nous pencher très sérieusement sur l’organisation de cette rencontre au cours de laquelle les problèmes de fond du sport camerounais en général et du football en particulier vont être discutés. Au terme de ce forum, une véritable politique du sport dans notre pays va se dessiner. J’ai même déjà transmis une copie avancée de notre plan de travail au Premier ministre, chef du gouvernement. Je peux donc rassurer l’opinion camerounaise que l’improvisation, si elle existait, vit ses dernières heures dans le sport camerounais.
Mais le temps presse. 2010 c’est déjà demain. Quelle pourrait être la place du Cameroun dans le programme » gagner en Afrique avec l’Afrique » initiée par la Fifa pour le premier Mondial organisé par le continent noir ?
Effectivement, il y a une urgence. Nous n’allons pas attendre la tenue du forum sur le sport camerounais pour agir. S’agissant des Lions Indomptables qui se sont qualifiés pour la CAN 2008, nous n’allons pas attendre septembre pour fixer un certain nombre de choses. L’une de celle-là est de clarifier la situation de l’encadrement technique. Dans les prochains jours nous allons, en collaboration avec la Fédération camerounaise de football présenter aux Camerounais la manière par laquelle les encadreurs seront choisis. Nous voulons que cela soit clair pour tout le monde. Le choix du futur sélectionneur sera fait dans la plus grande clarté.
A ce propos, actuellement le débat a cours au sein de l’opinion pour savoir s’il faut nationaliser le poste de sélectionneur national ou pas. Quelle est la position du ministre des Sports ?
Il s’agit d’un débat qui n’a pas lieu d’être. A titre d’exemple, l’équipe nationale d’Angleterre a été entraînée pendant longtemps par Sven Goran Eriksson qui est Suédois. Autrement dit, que ce soit un Camerounais ou un non Camerounais, le plus important est qu’on mette en place quelqu’un qui va faire véritablement le poids. Nous voulons désormais un entraîneur qui apporte un plus aux Lions Indomptables qui doivent aller au-delà de leur niveau actuel.
Et comment avez-vous réagi aux propos des joueurs de l’équipe nationale qui ont apporté leur soutien à l’encadrement technique actuel au terme du match de dimanche ?
J’ai effectivement appris cela. Mais les joueurs de l’équipe nationale ne m’ont rien dit personnellement. Toujours est-il que je dois préciser que les joueurs sont là pour jouer, pas pour administrer ni encadrer. Ce n’est pas à eux de choisir leur entraîneur. Ils ont exprimé un vœu. Ce n’est qu’un vœu. Et chacun parmi les amoureux du football camerounais doit avoir un vœu à ce sujet. Mais très bientôt, nous allons prendre nos responsabilités. Et le futur sélectionneur devra simplement se montrer à la hauteur des attentes et du prestige du Cameroun.
Par ailleurs, le renouveau du football camerounais ne peut se faire sans le développement des infrastructures. Au-delà des états généraux qu’est-ce qui sera fait en ce qui concerne les infrastructures ?
Pas au-delà des états généraux, mais bien pendant ces assises. C’est à l’occasion de notre forum que nous allons véritablement éclairer l’opinion sur ce que nous comptons faire. Du reste, depuis quelque temps, nous avons choisi notre cheval de bataille qui est le développement des infrastructures. Nous avons déjà commencé à mettre en place un certain nombre de choses grâce à la très haute volonté du chef de l’Etat qui a décidé de mettre à la disposition de la jeunesse camerounaise des infrastructures dignes de ce nom. Nous avons déjà un exemple à Warda. Un vrai palais est en train de sortir de terre. Ce n’est qu’un début. Dans le cadre de notre ministère et sous la férule du Premier ministre, chef du gouvernement, nous envisageons la création de nouvelles installations sportives et la réhabilitation de celles qui existent déjà. C’est déjà le cas avec le stade Ahmadou Ahidjo avec l’appui de nos amis japonais. Par la suite, nous allons nous attaquer au stade de la Réunification et au stade Mbappé Leppé de Douala. Les travaux du stade omnisports de Bafoussam devraient également être achevés à moyen terme. D’une façon générale, chaque capitale de province devrait avoir des infrastructures sportives réglementaires. Sur ce dossier sans exclure d’éventuels partenariats, nous sommes déjà en pourparlers très avancés avec les Chinois pour nous aider à réaliser ces infrastructures. Par ailleurs, à Yaoundé, nous allons construire à Olembé dans la banlieue de la capitale, un grand complexe multisports avec un grand stade de 80 milles places. Cette grande structure est envisagée à brève échéance et va définitivement consacrer une ère nouvelle pour le sport camerounais. Nous devons ainsi envisager d’abriter à notre tour des compétitions comme les Jeux africains.
Compte tenu de tout ce que vous avez évoqué pour relancer le sport et le football camerounais principalement, on s’interroge sur la place de la Fédération camerounaise de football dans votre plan d’action…
La Fécafoot et le Minsep sont des partenaires. Il n’y a pas de problèmes dans l’absolu entre nous. C’est vrai que la presse aime bien nous opposer. En ce qui nous concerne, nous savons que le ministère est la structure de tutelle de la Fécafoot. Et nous ferons tout pour qu’il existe entre les deux entités le plus grand respect et davantage de la Fécafoot, le respect de ses textes. Nous n’allons jamais céder à la tentation des querelles inutiles que certaines personnes veulent susciter. Cette logique ne nous plaît pas. Et nous tenons au contraire à ramener la sérénité dans nos relations. Mais chaque partie doit savoir rester à sa place. Notre action commune en faveur du football doit être concertée.
Sur le plan des infrastructures du reste, je me félicite de l’initiative de la Fécafoot qui, avec l’appui d’un de ses partenaires va doter la ville de Mbouda d’un stade de football réglementaire. La Fécafoot prévoit d’en construire un autre à Akonolinga. C’est une bonne chose. Voilà des manifestations d’un partenariat utile. Pour terminer, je dirai que le football est trop important pour le peuple camerounais. C’est pour cela que nous serons toujours plus pointilleux sur le respect des normes par tout le monde. Et j’aimerais rassurer l’opinion sur la détermination du gouvernement à assurer un rayonnement pérenne de notre football et des Lions Indomptables.
Propos recueillis par Simon Pierre ETOUNDI