Latéral gauche du Cameroun, Benoît Assou-Ekotto tire un bilan sévère de la crise actuelle en sélection. L’homme est touché et meurtri d’assister à la descente aux enfers de son pays. Il va droit au but et fait une analyse limpide de ce qui se passe dans la tanière. Interview.
« Dix-neuf mois au placard, ça vous forge un mental. » Revenu d’une grave blessure au ménisque il y a presque cinq ans, Benoît Assou-Ekotto a « pris une leçon » : l’inactivité forcée lui a ouvert l’esprit et lui a permis de « prendre conscience du monde du football ». Relancé à Tottenham par Harry Redknapp, l’international camerounais s’est forgé à l’infirmerie londonienne un parler aussi franc que son tacle.
Le latéral gauche des Spurs refuse le politiquement correct quand il s’agit de constater la mauvaise passe des Lions Indomptables. Présent en sélection depuis deux ans, l’ancien Lensois, arrivé à White Hart Lane à l’été 2006, dresse un constat sans appel sur le malaise camerounais. Les quadruples lauréats de la Coupe d’Afrique des Nations de la CAF sont en passe de manquer l’édition 2012 au Gabon et en Guinée Equatoriale. « Quel que soit le tirage, il faut se dire que notre marge de manœuvre est désormais très mince », estime pour FIFA.com Assou-Ekotto.
Benoît, croyez-vous encore à la qualification pour la CAN 2012?
Non, selon moi c’est cuit. Je vois mal le Sénégal perdre contre l’Ile Maurice. Mais j’espère que c’est un mal pour un bien. Et puis, je préfère ne pas y aller que d’être ridicule. On ne craint plus le Cameroun comme il y a cinq ou six ans, lorsque nous étions très costauds et difficiles à jouer. En ce moment, on fait notre match, et si on gagne tant mieux.
Si les Lions ne sont plus indomptables, quelle en est la cause?
Sur le papier, le Cameroun n’a jamais été aussi fort, le constat est là. Tous ses joueurs évoluent en Europe, beaucoup disputent la Ligue des champions. L’équipe de 2010 et celle d’aujourd’hui n’a rien à envier aux Lions de 1990. Mais à cette époque, ils avaient plus à cœur de prouver au peuple camerounais qu’ils pouvaient répondre à leurs attentes. Il n’y avait pas de problèmes d’ego. Maintenant chacun joue dans un grand ou un « pseudo » grand club et arrive en sélection en se disant qu’il est quelqu’un. Le problème est uniquement mental, il n’est pas technique car le talent est là.
A vous écouter, on en déduit que le groupe n’est pas solidaire. Est-ce le cas ?
Oui et c’est triste. Nous sommes quasiment tous des pères de famille mais quand je vois les petits problèmes et les polémiques qui se créent dans le vestiaire, ce sont des attitudes de gamins. Et forcément, les joueurs sont moins concentrés sur l’équipe et le football. Nous sommes des enfants, le problème est dans l’état d’esprit et les ego.
Quels sont selon vous les remèdes à cette crise?
Nous avons encore besoin de temps pour que certaines choses se règlent. Mais tant que les vrais problèmes ne sont pas évoqués et tranchés, on n’avancera pas. L’équipe n’a pas encore la maturité pour une prise de conscience nécessaire et réaliser qu’il faut passer au-dessus des petites querelles.
Prenez-vous toujours autant de plaisir à venir jouer en sélection?
Honnêtement, je ne me préoccupe pas trop des problèmes internes, je laisse ça aux autres. Les « guéguerres », je m’en moque. Je donne le meilleur sur le terrain pour être irréprochable car ma famille est tellement fière de me voir porter ce maillot. Si un coéquipier n’est pas un ami, on doit savoir passer au-dessus et privilégier la fierté de jouer pour son pays. Je suis contrarié parce que nous sommes incapables de nous donner à fond pour rendre heureux 20 millions de Camerounais. Pour des histoires d’enfants.