La conférence ouvrant le week-end de la Fifve à Düsseldorf a été le moment d’échanges d’une grande franchise, notamment sur les difficultés de reconversion des anciens internationaux camerounais. L’urgence a été relevée de leur trouver des voies pour des formations afin qu’ils sortent de la précarité.
Premier temps fort du week-end de la Fédération Internationale du Football vétéran d’Europe (Fifve), la conférence-débat portant sur le thème du football en tant que vecteur d’intégration en migration a tenu ses promesses. Si trois thèmes étaient prévus, ils portaient sur deux orientations : la première autour du sport amateur et sa capacité à fluidifier les liens, et la seconde sur la reconversion des sportifs professionnels.
La salle a été très présente pour les éléments d’intégration, des témoignages exprimant les liens créés par le football, à un double niveau : entre camerounais, en facilitation l’intégration des nouveaux arrivants et également en permettant l’intégration dans la société d’accueil. Si les responsables des équipes présentes ont reconnu que leurs effectifs étaient très majoritairement camerounais, ils ont rappelé que les groupes n’étaient pas fermés, mais que la culture du « 2-0 » était plus ancrée dans notre culture. Un des membres du public a même relaté la difficulté qu’il a eue avec des amis tunisiens qu’il avait invité dans son équipe, mais qui ont été surpris par la hargne développée sur le terrain, ainsi que le caractère compétitif, malgré l’absence de sanction sportive de ce genre de pratique.
Si la salle a été à l’honneur en première partie, le panel choisi par les membres de la Fifve a été à l’honneur pour la seconde partie consacrée à la reconversion de nos valeureux anciens. En plateau, Elie Epané, Elie Bayamba, Jean-Jacques Missé Missé et Adolphe Youmbi « Chaleur », dont l’intervention a marqué les esprits. Le mondialiste de l’épopée 1990, en Allemagne depuis de longues années, n’y est pas allé par quatre chemins, « 95% des footballeurs professionnels font banqueroute après leur carrière professionnelle. Ce n’est pas seulement chez les Camerounais, on peut voir ici Matthaus ou Effenberg, Boris Becker vient de se déclarer en faillite. Nous gagnons beaucoup d’argent rapidement, sans avoir conscience de la valeur des montants qu’on nous donne. Nous avons du succès auprès des filles, pas de responsabilités. Nous sommes tous des divorcés, et quand à la fin du mois et les pensions alimentaires n’aident pas quand vos revenus chutent du jour au lendemain. Or, quand nous jouions, nous ne comptions pas l’argent. On ne peut pas faire les deux, il faut que certains comptent pendant que les jeunes jouent. »
Présent dans le public, l’artiste Ekegs, qui a également été un bon footballeur et prépare un album concept pour la lutte contre les violences et le racisme dans le stade a insisté sur « la formation qu’il faut encourager pendant qu’ils jouent, afin que les jeunes ne se retrouvent plus en difficulté en fin de carrière. »
Prenant la parole, Jean-Jacques Missé Missé a rappelé que les jeunes qui jouent actuellement sont mieux encadrés que ceux de leur génération, autant sur le plan de la formation (avec la multiplication des sport-études) que sur la gestion de leurs revenus avec les gestionnaires de fortune. Mais, il a insisté sur « l’égoïsme des footballeurs qui est à l’origine du fait que les anciens internationaux sont loin des postes de gestion de la famille du football. Si on veut que notre statut évolue, il faut que nous soyons solidaires. » Joignant le geste à la parole, il a présenté son parcours de reconversion, et annoncé qu’il allait accompagner la Fifve dans la démarche de formation des anciens sur le territoire belge, « il y a des formations d’entraîneur, avec cycle court pour les joueurs ayant eu au moins cent matchs pros. Nous faisons de notre mieux pour permettre de reconnaître les sélections nationales pour ceux qui n’ont pas joué en Europe, sachant que sinon, la formation c’est cinq ans. »
Actuellement éducateurs, Élie Epané et Élie Bayamba ont présenté leurs parcours de reconversion dans le cadre du sport. « Après une blessure en 2007, j’ai douté de ma capacité à retrouver le haut niveau, nous relate le premier. J’ai choisi de quitter l’Espagne où je jouais, et de venir me former en France et de passer mes diplômes. C’était le moyen de rester en contact avec le métier exercé toute ma vie, la transmission aux plus petits. Je ne sais pas si je resterai dedans toute ma vie, mais pour l’instant, je suis heureux de la faire. »
Bayamba a insisté sur la fin de carrière, rappelant que la carrière ne dure qu’un temps, et qu’il a dû faire une formation en sécurité, qui lui permet aujourd’hui de pouvoir exercer sereinement sa passion en transmettant aux plus jeunes. Le président de la Fifve, Fred Siewe, pouvait conclure en rappelant que « le mouvement va apporter son appui aux joueurs qui ont besoin de son former. La Fifve ne propose pas elle-même des formations, mais nous pouvons orienter les joueurs sur les formations dispensées. Sur le plan du football, avec toutes les possibilités qu’il y a sur le plan fédéral dans les différents pays. Mais pas seulement, le football est un endroit de rencontres, et nous devons partager notre savoir-faire. Certains peuvent devenirs commerçants, tenir un commerce, faire du tourisme, avoir un taxi, l’essentiel est qu’ils gardent un revenu, même s’il est moins important que lorsqu’ils jouaient. »
Une préoccupation d’autant plus rassurante que Youmbi « Chaleur » a rappelé la solidarité qu’ils doivent tous avoir : « n’oublions pas que nombre d’entre nous vivent en Europe. Donc, ils peuvent avoir le social, n’oublions pas les nôtres restés au pays. Ils n’ont rien pour s’en sortir. »
La suite du week-end est constituée d’un tournoi de football avec dix-sept équipes ce samedi avant une soirée concert avec les X-Maleya le soir.