C’est peut-être le destin qui a voulu qu’il tire sa révérence un dimanche à l’image de son ami et compagnon d’infortune David Mayebi sur qui la terre de Nyokon s’est refermée hier. Antoine Depadoue Essomba Eyenga a rendu l’âme ce dimanche en fin d’après-midi alors même que les membres du Comité exécutif de la Fécafoot ont à peine séché les larmes que la douleur de la disparition de celui qu’on surnommait affectueusement « le Roi du pétrole » a laissé dans les cœurs et les esprits.
C’est donc l’image d’une maison en deuil que renvoie désormais le palais de Tsinga depuis un mois. Un coup dur pour le président Tombi A Roko Sidiki qui perd en Mayebi et Essomba Eyenga, deux puissants et valeureux lieutenants. Eux qui ont été de toutes les batailles les plus ardues dans la course folle vers le trône. On savait l’ancien président du TKC très malade depuis plus d’un mois. Son état de santé chancelant avait contraint les médecins à lui prescrire un repos médical à l’effet sans doute, de lui permettre de récupérer de ses multiples occupations. Tant l’illustre avait un agenda des plus chargés.
Processus électoral
C’était sans savoir que l’homme au nœud papillon perdrait son match contre la mort qui le guettait. Tous ceux qui lui ont rendu visite au chevet de son lit de malade, n’avaient plus pour seul espoir que de confier son sort au Seigneur, l’ultime sauveur. C’est dire que les nouvelles étaient tout, sauf rassurantes. Après plusieurs semaines de lutte, Essomba Eyenga a cassé sa pipe, laissant orphelin plusieurs footballeurs et autres dirigeants de club qui sont passés sous son aile. De tous les clichés qu’on retient de lui, c’est ce mois d’avril 2013 où il est à la tête d’un mouvement de contestation aux côtés de David Mayebi, Pierre Semengue, John Begheni Ndeh, tous quatre des vices présidents de la Fécafoot et Alioum Alhadji puis Félix Nguelé, membres du Comité d’urgence de la Fécafoot. Ce noyau dur de la maison mère du football camerounais signe une correspondance adressée au Secrétaire général de la Fifa pour soutenir la décision du ministre des Sports Adoum Garoua de surseoir au processus élection au sein de la Fécafoot et de ses ligues décentralisées jusqu’à nouvel ordre.
Essomba Eyenga et ses pairs estiment que leur action vise à préserver l‘unité gravement menacée de la grande famille du football camerounais, sollicitant au passage l’ouverture des discussions entre les différents acteurs du sport roi dans le but d’examiner profondément certaines revendications notamment celles relatives à l’article 4 du Statut spécial des ligues décentralisées qui est « en contradiction avec les Statuts de la Fécafoot, et à l’exclusion des joueurs du processus électoral ». Cette sortie inattendue de ces poids lourds de la Fécafoot se fait quatre jours seulement après une correspondance que le Secrétaire général de la Fifa a envoyée au patron des sports via l’homme fort de Tsinga, pour sommer le Minsep de lever sa décision de suspendre le processus électoral au sein de l’instance locale. Le 28 septembre 2015, il est élu vice-président de la Fécafoot sous le mandat de Tombi A Roko qui a réussi à ramener le farouche opposant à la grande gueule d’hier à la maison pour de nouveaux challenges.
Partage de postes
Essomba Eyenga qu’on présentait comme quelqu’un d’hautain et de vaniteux, se confiant à Camfoot au sortir de l’AG explique : « on s’était assis, on a donc trouvé qu’il fallait qu’on arrive à nous entendre pour faire un gouvernement pour gérer la Fédération camerounaise de football. Si les gens vont croire que c’est un problème de partage de postes, ils se trompent. La preuve, c’est que nous n’étions pas là pour le partage des postes. Mais, c’est normal que lorsque deux groupes se sont battus et qu’ils ont décidé de faire la paix, qu’ils aient un gouvernement d’union nationale. Ce qui ne veut pas dire que les uns ne sont pas sincères. Je peux vous garantir que moi qui ai accepté le consensus, je reste au consensus jusqu’à la quatrième année de ce mandat, en attendant de proroger pour la deuxième année ». Toute une liturgie !
C’était en effet, un homme au caractère trempé. Un frondeur, un fonceur, une tête de turc aux positions tranchées. Dans son livre intitulé « Desperate football house », Jean-Lambert Nang lui fait un portrait peu flatteur. Pour l’auteur, « l’enfant terrible du football camerounais » est un des moteurs du tripatouillage du fichier informatisé de la Fécafoot. Lui qu’il présente également comme celui qui a jeté en pâture de nombreux jeunes footballeurs partis en aventure dans des destinations exotiques comme l’Indonésie, la Chine, le Mexique. Ceci après avoir « facilement » obtenu des lettres de sortie « complaisamment » signées par ses « complices » de la Fécafoot. Et de constater que, curieusement, dans l’imaginaire populaire, à force de parler plus fort que tout le reste, il se forge une image de « monsieur propre » du football.
Brillant fiscaliste
Brillant juriste fiscaliste, l’illustre défunt a servi pendant sa carrière professionnelle au ministère de l’Economie et des Finances où il a pris sa retraite il y a une quinzaine d’année au grade d’Inspecteur général des Services des Impôts. Une fois à la retraite, il avait créé un Cabinet conseil dans le domaine de la Fiscalité. Ancien Inspecteur d’Etat (Présidence de la République service du Contrôle supérieur de l’Etat) et ancien Directeur du Département de la Fiscalité au Secrétariat général de l’Union douanière et économique de l’Afrique Centrale (Udeac) à Bangui en Rca, il a su donner une nouvelle image au Tkc en intégrant l’actionnariat élitiste et populaire dans le club. Mais a également attiré quelques sponsors de poids à ce club. Sur le site de son Cabinet, il avait lui-même retracé son parcours professionnel. La mort a décidé de l’emporter. Il s’en va dans l’au-delà rejoindre Foé, Ekeng Ekeng, Djomnang, Assong, Mayebi et Cie. Adieu président !
Christou DOUBENA