La formation nationale du Cameroun s’est imposée à Mbabane au Swaziland sur tous les plans. Vue de près, ces « héros » suscitent bien d’interrogations.
Le président Biya a reçu, au palais de l’Unité comme à son habitude, l’équipe nationale du Cameroun victorieuse de la dernière Coupe d’Afrique des nations des moins de 17 ans. C’est la 13ème cérémonie du genre consacrée à des sportifs depuis son accession à la magistrature suprême. En toute solennité, les 18 joueurs et leurs encadreurs ont eu droit aux honneurs de la Nation qui les a célébrés à travers les rues de Yaoundé. Le 13 juin restera certainement pour eux un grand jour. Plus que le 8 juin, date à laquelle ils ont remporté la finale de la Can des cadets. Dans l’euphorie générale, ils sont cités en exemple par les assoiffés des victoires. Qu’importe la manière.
Le temps du tour de la capitale, les Camerounais ont pu découvrir leurs Lions indomptables « des moins de 17 ans ». Debout dans des Jeeps militaires de l’Armée nationale, ces « Lions cadets » ont donné la pleine mesure d’eux-mêmes. Très imposants dans leur physique, nombre de Camerounais en effet pensent que les « héros » de Mbabane sont visiblement trop âgés pour leur catégorie. « Il y a dans cette équipe des joueurs qui prennent part depuis 1995 aux compétitions nationales. On veut nous dire qu’ils avaient quel âge en ce temps là? », s’interroge un observateur averti. De plus en plus le sujet divise l’opinion. « Ce sont des cadets mûrs », tranche un Camerounais.
En tout temps, la tricherie a animé les milieux sportifs camerounais. Plus d’une vingtaine de jeunes athlètes ont récemment été interdits de prendre part aux tournois de la Fenassco pour, disait-on, « tricherie sur les âges ». Chez les Lions indomptables seniors, le débat est permanent. Le ministre de la Jeunesse et des sports Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt, a eu à les dénoncer après la débâcle nippo-coréenne. Les premières coupes d’Afrique des clubs remportées par les équipes camerounaises ne l’auraient été qu’avec un savant dosage des joueurs de différentes équipes. Le Tonnerre Kalara de Yaoundé et l’Oryx de Douala en sont conscients. L’équipe nationale militaire du Cameroun des années 70 était souvent composée à plus de 90 % de civils.
La tricherie dans les milieux sportifs a donc pignon sur rue et semble être bien entretenue par les autorités du pays. En recevant en grandes pompes les « cadets » le 13 juin, Paul Biya a légitimé cette tricherie qu’on a, à un moment donné, dénoncé chez le grand voisin. Le Nigeria était passé maître dans l’art de tricher sur les âges des joueurs. Nombre de compétitions remportées par les différentes équipes nationales cadette, olympique et junior l’ont été dans ces conditions. Depuis que le pot aux roses a été découvert, le Nigeria a perdu le nord. Au Cameroun, la situation reste préoccupante. Les autorités compétentes tardent à prendre des mesures d’urgence. Et pourtant, le ministre kenyan des Sports a dissout dernièrement l’équipe nationale cadette pour les mêmes causes. Au Cameroun, la supercherie continue et on en est d’ailleurs fier, proclamant que « la relève est en bonne voie ». Dans tous les cas, les tricheurs finissent par être rattrapés par leur vrai âge et accrochent très souvent plus tôt qu’on attend. Dommage que le ridicule ne tue pas!
Noé Ndjebet Massoussi