Il faut savoir apprécier la bataille hautement calibrée que se sont livrés les autorités du football et les joueurs des Lions Indomptables. Ce match s’est en fait déroulé en deux temps tel un match sur le rectangle vert.
La première manche, celle de l’opinion publique, a vu la popularité des joueurs et surtout de leur capitaine rafler la mise face à la surprise des autorités qui ne croyaient pas au jusqu’au boutisme des joueurs.
Samuel Eto’o et ses coéquipiers ont trouvé la manière, pour une fois, de faire bouger l’innamovible fédération de football qui gère les affaires depuis bien des années et dont la seule occupation semble être les petites querelles internes qui prouvent son existence.
Le capitaine nommé par Le Guen voulait probablement surfer sur sa notoriété. Ancien joueur vénéré du mythique FC Barcelone, joueur à la triplette de l’Inter de Milan, devenu depuis peu le salarié le plus cher de l’histoire du football, il semble incarner un idéal plus proche des réalités occidentales et est peut-être allé trop vite en besogne.
Même si le soutien populaire leur semblait acquis, faire comprendre au camerounais moyen qui peine à se soigner et à s’offrir un peu de luxe que le joueur le mieux payé du monde, qui a touché près de 170 millions des caisses de l’État sur une période de trois ans, a décidé de faire grève pour une affaire de 500 000 FCFA, est difficile à comprendre.
D’autant plus que la fédération, parfois si passive, est passée à l’offensive avec des documents de preuve solides, et a réussi à démonter les accusations de Samuel Eto’o.
Il faut dire aussi que c’est bien la première fois qu’un capitaine, nommé par la hiérarchie, entame aussi publiquement un bras de fer contre ses dirigeants.
Autant Samuel Eto’o utilise les médias pour faire passer son message, autant le président de la fécafoot, Iya Mohammed, s’inscrit dans un tout autre registre.
C’est que l’homme est un habitué de la politique, un gestionnaire qui a passé la majeure partie de sa vie dans la gestion de braise. C’est à quelque chose près avec la même dextérité que l’homme a su monter une rébellion contre le président de la FIFA en 2004 pour faire annuler la décision de retirer six points au Cameroun avant les éliminatoires de la coupe du Monde 2006. Il est plutôt discret, a une intelligence au dessus de la moyenne et sait s’entourer.
Ses relations au sommet de l’État sont telles que l’homme a pu envoyer paître, avec un brin de gentillesse, un ministre de la République, qui ne lui demandait que la démission de l’ensemble du bureau exécutif de la fédération.
Fort du soutien de la FIFA, il a pu imposer sa vision au gouvernement en peignant Samuel Eto’o comme étant un homme incontrôlable, dangereux pour la République, une personne qui s’enivre de ses succès et qui souhaite mener une revolte populaire tel le printemps arabe. Il faut dire que le capitaine de Le Guen a su lui rendre la tâche facile par ses sorties publiques, ses interventions et le coulage de certaines informations dans les médias et ses coups de sang.
Des semaines se sont écoulées depuis les deux décisions de la fédérations et plus personne ne s’émeut du sort reservé à Samuel Eto’o. Ses différents collaborateurs dans les médias se font discrets, question de laisser passer le temps. Quant aux joueurs qui ont fait leur « coming out » pour supporter leur capitaine, ils portent le poids de leur engagement.
De l’autre côté, un autre homme continue à vaquer à ses occupations, se fait adouber à la FIFA dans différentes commissions, son championnat professionnel a démarré sur les chapeaux de roue, et tout le panel administratif et gouvernemental du Cameroun le salue désormais avec déférence.
JC Mimb