Achille Webo a rencontré la presse ce Lundi à Yaoundé pour un brin de causette. Ayant vécu difficilement l’occasion de but raté à Radès, il a aussi été fortement critiqué non seulement par cette même presse, mais aussi par le public qui est allé jusqu’à être réfractaire à sa sélection pour le match retour, malgré l’insistance de son capitaine Samuel Eto’o et de son sélectionneur Volker Finke. Interview…
Achille Webo a eu un échange avec des journalistes ce lundi à Yaoundé. Lisez plutôt.
« Les critiques, quand elles sont objectives, sont constructives »
« Je dois d’abord saluer l’œuvre de notre capitaine qui a fait un travail énorme dans l’ombre pour que tout se passe comme ça s’est passé. Et aussi pour la bataille personnelle qu’il a menée pour moi ces dernières années, particulièrement ces derniers mois. Je dis encore merci à Samuel Eto’o. je ne vais pas oublier le public de Yaoundé, en pensant au match d’hier (dimanche, ndlr) qui a été fabuleux, avec nous et pour moi particulièrement, parce que ça faisait aussi longtemps que je ne me sentais pas aussi bien accueilli, aussi bien aimé par mon public. Vous savez, quand on est ensemble et qu’on converge vers le même objectif, les résultats viennent seuls. Déjà on a été très bien dans la semaine et on a bien travaillé aux entraînements, l’harmonie y était et comme on le dit souvent, on joue comme on s’entraîne. On a fait table rase sur tout. On s’est dit, voilà une opportunité qu’il y a à aller en Coupe du Monde et qu’il est question de donner une grande fierté à notre peuple. Et ça s’est passé comme nous le souhaitions tous. Nous, les footballeurs, on a la chance de gagner beaucoup d’argent. Et la fierté que tout le peuple camerounais avait dimanche, l’argent ne peut pas l’acheter. On a pris conscience avant le match et on a fait ce qu’il fallait. Je dois aussi dire merci aux journalistes, parce que nous allons de paire et je pense que dans notre métier comme dans le vôtre, nous avons besoin de vous et vous avez aussi besoin de nous. Tout s’est bien passé entre nous pour la préparation de ce match et le résultat est là. Avec mon expérience dans le football, je pense que les critiques, quand elles sont objectives, elles sont constructives à mon sens, parce que ça fait que le football avance, le Cameroun avance. Ça fait avancer le football, comme vous l’avez vu ces derniers moments. On a un match de référence qui est celui de dimanche et à partir de là, on peut faire beaucoup de bonnes choses.
Imposé chez les Lions par Eto’o ?
Après le match de la Tunisie, ça été très difficile et comme en club, au jour-le-jour on travaille et le match de dimanche était très important pour moi. En club, c’est le travail, la passion. Mais, l’amour pour un pays, c’est déjà le maillot qu’on porte, ce qu’on ressentait en 1990 quand le Cameroun jouait, en 1994. C’est notre pays et j’ai encore ressenti cela. Quand on était en route pour le stade, j’ai vu des mamans au bord de la route qui nous encourageaient et quand j’ai marqué le premier but, j’ai pensé à tout cela et ça m’a fait chaud au cœur.
Samuel est quelqu’un de toujours positif, qui veut le bien du Cameroun, comme tout Camerounais. En tant que capitaine il protège ses coéquipiers et après le football, nous sommes des amis. Et les statistiques le disent. Ce n’est pas Samuel Eto’o qui m’impose aussi en club. Il y a eu des listes du Cameroun où je ne figurais pas et je pense que si en club je fais certaines choses, il est normal que je sois aussi présent en équipe nationale. Je pense que Samuel Eto’o défend la bonne cause.
A vous, les journalistes, quand on a donné un rendement comme celui de dimanche, vous, à votre tour, essayez aussi, je ne demande pas de nous protéger, de faire des critiques sur le plan footballistique, sur le terrain, sur les problèmes tactiques du football. Ça choque quand c’est hors de cela. Nous aussi, on a de la famille qui en souffre. Ça fait 14 ans que je suis professionnel. Quand la famille vous appelle pour vous dire qu’elle passe de mauvais moment parce qu’on dit ceci et cela, ça fait mal.
Ce qu’il a ressenti après son but
Franchement, quand je vois que le ballon rentre dans les filets, dans ma tête, je dis merci au Seigneur pour tout ce qui s’est passé. Et quand je tourne la tête, j’appelle tous mes compagnons pour qu’on vive la joie ensemble, parce que c’est grâce à tous mes coéquipiers que cela est arrivé. Si vous aviez vécu les entraînements à Mbankomo toute la semaine, vous deviez constater qu’on ne pouvait pas perdre ce match. Sincèrement. Je ne vais pas m’arrêter de dire merci au public, parce qu’après tout ce qui s’est passé, tout ce qui s’est dit, je crois que c’est un public sage, intelligent, qui sait sur qui il peut compter. C’est pour cela qu’il est exigeant et en demande, parce que je l’ai habitué à cela (à marquer des buts).
« Eviter le faux pas qu’on a eu en Afrique du Sud »
La prochaine Coupe du Monde ne va pas être comme celle de 2010. Il y a une chose qui est claire, pour nous les joueurs. Je le dis ici solennellement. On est uni, on sait ce qu’il y a à faire. Nous savons aussi que c’est une grande opportunité qu’on ne doit pas rater et partir de maintenant, on fera tout pour rester unis et forts, parce qu’on a eu un match de référence et on va continuer comme ça, pour éviter le faux pas qu’on a eu en Afrique du Sud.
Il n’y a pas une guerre entre nous, avec le public. Comme j’avais déjà montré quelque chose au public, c’est pour ça qu’il attend toujours. Je suis un attaquant. C’est normal que si je ne marque pas dans un, deux, trois matchs, que le public soit déjà exigeant.
Je suis footballeur et j’aime mon pays comme tout le monde. Je ne pense pas à ce qui va se passer dans deux ou trois mois. Je pense au prochain match. Toutes les fins de semaines, on a des examens. Si je pense à l’après fin de semaine, je vais louper des choses que j’ai sous la main.
« Aboubakar Vincent, le meilleur attaquant que nous avons »
Je vous dis non. Je ne suis pas sélectionneur, qui a ses critères de sélection. Pour moi, le meilleur attaquant que nous avons, c’est Aboubakar Vincent. Il a bien commencé la saison. Mais, le meilleur attaquant avec qui j’ai joué depuis toute ma carrière, c’est Samuel Eto’o. J’ai eu cette chance d’être à côté de lui, comme Ronaldinho le dit aussi au Brésil, peut-être que vous ne le savez pas. Le football se vit chaque jour et c’est à nous de savoir tirer les leçons du passé pour avancer. Tous les samedis, j’ai des examens. Il y aura des matchs de préparation pour cette Coupe du Monde, je l’espère bien, et là, j’invite aussi nos dirigeants à mettre la main à la pâte pour qu’il y ait une bonne organisation. Il y aura des matchs de préparation et il y a d’autres attaquants. Si à ce moment je ne suis pas en forme, un autre va être choisi et je n’irai pas à la Coupe du Monde. Je vais travailler dur chaque jour pour pouvoir jouer cette Coupe du Monde.
Il faut qu’il y ait désormais ces échanges entre nous. Vous aussi, aidez-nous. Quand vous écoutez des choses, ça fait qu’on commence à se méfier de la presse. On sait ce qu’on doit faire et ce qu’on ne doit pas faire. On est de grands garçons. Il faut aussi que vous, les journalistes, je ne demande pas de nous protéger, mais de nous aider à ce que tout aille bien.
En 1990, après les matchs du Cameroun, j’étais à Bafoussam. On sortait tous, on courait dans la ville. Cela veut dire que si en Coupe du Monde, nous gagnons le premier match, on a la chance de gagner de deuxième, puis le troisième. Match après match, on peut faire de bonnes choses. Je vous dis sincèrement, je le dis, parce que j’y crois, si nous les joueurs, on a la même harmonie qu’on a eu dimanche, je ne suis pas Dieu, on peut faire de très grandes choses. Il y a de la qualité et en plus de l’envie. Quand j’ai été remplacé, je suis revenu sur le banc de touche et j’ai vu cette fraternité, comment tout le monde poussait les autres ; Si on garde cet esprit, on va faire de grandes chose, pas seulement au Mondial. C’est une génération de 2010, qui est arrivée avant le Mondial. Même après nous, il y aura une bonne équipe. Ce sont ces valeurs de fraternité, d’union que je veux qu’on cultive, avec ce match de référence de dimanche.
Racing de Bafoussam
Ça fait très mal de voir que cette équipe est là où elle est. Dans ma vie je supporte deus équipes. La première, c’est l’équipe nationale et j’ai grandi avec Racing de Bafoussam. Ça fait très mal, parce que ce sont des valeurs qu’il faut préserver. J’ai joué en Amérique du Sud et quand vous voyez Boca Junior, Rver Plate etc… ce sont les enfants de ces régions qui jouent d’une certaine manière et c’est comme ça qu’est l’équipe d’Argentine. C’est la même chose au Brésil, en Uruguay.
« Maintenir cette flamme allumée »
Je dis encore à mes frères Camerounais, merci, pour tout ce qu’ils ont fait pour que les choses se passent bien dimanche. Nous sommes fiers de notre côté de la joie que nous avons mis dans leurs cœurs, le fait qu’ils aient oublié leurs problèmes, le temps de 90 minutes de match. Nous en sommes conscients de tout l’amour qu’ils ont pour nous. Merci à mes coéquipiers, à notre capitaine, pour son travail, son enthousiasme et tout ce qu’il fait pour nous dans le terrain et en dehors. Je pense à Nicolas, Enoh, Chedjou et bien d’autres. Ce sont des gens qui ont fait de très grandes choses pour que ce qui s’est passé dimanche ait lieu. On est au Mondial 2014 et on fera tout pour ne pas avoir l’image qu’on a eue en 2010. Entre nous les joueurs, on sait qu’on est une grande famille et on fera tout pour maintenir cette flamme allumée.