Vainqueur de la Coupe de Loire-Atlantique avec les U17 du Stade Mayennais en juin dernier, Abel Chilacha a profité de ses vacances en région parisienne pour retrouver Saint Denis et la Kampos Academy. L’ancien joueur du Tonnerre, plus connu comme Coach Mike, a accepté de se confier sur sa carrière d’éducateur, ses ambitions. Le Cameroun a été abordé et plus particulièrement la formation, son domaine de prédilection sur lequel il fonde de grands espoirs.
A le voir animer son atelier de vivacité et d’appuis, on en oublie qu’il a été absent quelques mois de Saint-Denis. Précis, montrant lui-même l’exemple, Coach Mike donne de la voix, harangue les pensionnaires de la Kampos Academy. « Joueur, il y a une place ? », demande-t-il à son ami, le Coach Kampos, au moment de la mise en place de fin d’entraînement. Puis, comme chacun des joueurs, il va faire la séance d’étirements, et même faire du rab. «Il faut rester en forme pour montrer l’exemple», nous rappelle-t-il, avant de commencer l’entretien…
Ton parcours est indissociable de celui de Kampos Academy, puisque les documentaires qui ont été faits vous mettent en avant. Quelles sont les circonstances de votre rencontre ?
Kampos, je l’ai déjà eu en tant que joueur. À l’époque, on s’entraînait à Pantin. Il a eu les qualités et la vision pour la création de la Kampos Academy. Il m’a proposé de venir travailler avec lui. La collaboration s’est bien passé. Nous avons eu différents joueurs, parmi lesquels le champion d’Afrique Riyad Mahrez, aujourd’hui à Manchester City, qui font aujourd’hui la renommée de l’académie. Nous avons également permis à des joueurs qui étaient en difficulté de retrouver la forme et des clubs. Il ne faut pas oublier que l’académie n’est pas un club. Son rôle est de permettre à des joueurs de garder la forme pour retrouver des clubs, et dans une dimension plus sociale, de permettre à certains d’avoir accès à des formations au cas où le football ne marche pas.
C’est une chance de vous trouver justement là puisque vous n’êtes plus en région parisienne. Vous êtes désormais en Mayenne. Comment t’es-tu retrouvé au Stade Mayennais ?
Comment dire ? Quand j’ai pensé les diplômes d’entraîneur, l’UEFA A, il y avait des postes disponibles qui étaient proposés à la fédération française. J’ai donc été mis en contact avec les dirigeants du club, et ça s’est bien passé. J’ai en charge les U17 au plus haut niveau régional, la deuxième équipe, qui est en Régionale 2 et la section sportive, celle des enfants dans le circuit sport-étude.
Justement, avec les U17, vous avez remporté la Coupe de Loire-Atlantique en juin dernier. Quelle sensation avez-vous ressenti ?
Ce fût une satisfaction du devoir accompli. Ça fait 50- 60ans que l’on n’avait pas gagné chez les U17. Il faut toujours être humble dans la vie. Le football et la vie, vous l’apprennent tout le temps. Sans les joueurs vous n’êtes rien. Donc vous avez beau fait les meilleurs entraînements, les meilleures causeries, mais sur le terrain si les joueurs n’adhèrent pas… Vous pouvez mettre toutes les tactiques du monde vous n’aurez pas le résultat escompté. Après qu’est ce qu’on fait ? On prépare les séances dans la semaine, on essaye d’amener les joueurs dans les meilleures dispositions. Comme avait dit un entraîneur bien connu Marcelo Bielsa, la victoire appartient aux joueurs et la défaite à l’entraîneur. Ça il ne faut pas l’oublier. Ni se voir plus grand que l’autre. Mais ça fait partie de la satisfaction individuelle de la carrière d’un entraîneur de gagner une coupe. Je n’oublie pas que c’est grâce aussi à l’académie Kampos que j’ai gagné ça. A nos débuts on n’avait pas d’expérience. C’est à l’Académie qu’on commet des erreurs et plus on le fait on acquiert de l’expérience, pour l’exporter plus tard dans nos clubs respectifs. Car je ne suis pas le seul. C’était moi aujourd’hui, peut-être ce sera d’autres demain. L’objectif le plus important est que nous marquons de notre vécu à l’académie qui nous a donné cette chance.
«Je suis Camerounais, j’ai envie de transmettre dans mon pays»
Est-ce que l’expérience d’éducateur que vous avez aujourd’hui vous donne des envies de transmettre au Cameroun ?
J’aimerais bien. Je suis camerounais, ce sont mes origines. Sans mentir, j’aimerais servir mon pays, le Cameroun. Je voudrais transmettre mon vécu ici, ce que j’ai appris, pour qu’on puisse le faire chacun à son niveau. Moi, je me vois en préformation ou à la formation, de façon à ce que le football camerounais puisse travailler à sa relève. Aujourd’hui, quand un gamin a 13-14 ans, il joue où ? Un gamin qui n’a pas la chance d’aller chez Kadji ou aux Brasseries, il fait quoi ? Il n’y a plus de championnats provinciaux, de championnats en fonction des catégories. J’aimerais donc transmettre ce que je vis ici. Tous ces gamins ont eu 6-7 ans un jour, ils ont commencé dans nos structures.
La CAN 2019 n’a pas été un succès. D’après vous, qu’est-ce qui manque à cette génération ?
Vous savez… Un titre n’est pas une valeur absolue. Il y a deux ans, le Cameroun a gagné la CAN, est-ce qu’on s’y attendait ? Non. Cette année, ils étaient favoris, est-ce qu’ils ont gagné ? Non. Je pense que dans la vie, si on n’a pas de ligne directrice, un projet sur du moyen et long termes, tu peux gagner un titre de temps en temps, mais sur la durée, tu ne peux pas tenir. Il faut pour travailler sur la durée, reprendre le football à la base. On ne va peut-être pas obtenir les résultats escomptés toute suite ou peu, mais on va travailler et travailler tels que les résultats viendront ça c’est certain. Or quand on veut toute suite les résultats immédiats, il faudra par la suite supporter les conséquences. Comme rater une compétition comme ça été le cas en Égypte. La France est le pays qui exporte le plus de joueurs dans le monde. Avant c’était le Brésil. Qu’est ce qu’on fait? Simplement tous les joueurs passent par les clubs amateurs. On met les moyens pour que les clubs amateurs à travers puisse travailler dans les bonnes conditions, forcément ces joueurs vont poursuivre leur progression dans les club professionnels. Ensuite leur post-formation. Après 15 ou 20 matchs en Ligue 1, c’est le résultat du travail là. Tant que nous au Cameroun on pense que ça va tomber du ciel. Cela impacte même les sélections nationales ou en dehors quatre ou cinq joueurs les autres ne sont pas connus… Ce n’est pas leur qualité qui est remise en cause, mais le suivi général de leur carrière.
« Serge Noah a les compétences »
Pensez-vous que le nouveau Directeur technique national, Serge Noah, a l’étoffe pour remplir ces missions que vous évoquez ?
Ce qui est sûr, il a les compétences. Ça a été mon parrain, il a travaillé ici, il a été formateur en France à la fédération française de football et aussi à la Ligue. Ses qualités ne sont pas remises en cause, il a démontré en France qu’il avait les compétences. Mais la question qu’on doit poser, c’est est-ce qu’on va lui donner les moyens de sa politique ? Il a déjà fait un diagnostic de la situation, des axes d’amélioration, son dossier est entre le mains des décideurs. J’espère qu’on lui permettra de mettre en place ce qu’il veut pour le football camerounais. Si on lui donne les moyens, il est compétent. De toute façon, s’il a été nommé par la fédération, c’est parce que la Fecafoot s’est renseignée sur lui, il mérite ce poste
Que peut-on vous souhaiter pour cette saison ?
Continuer la progression, de faire des erreurs, de travailler et d’apprendre, et espérer une belle saison où je pourrais faire mieux que comme celle qui vient de s’écouler et une santé de fer.
Propos recueillis avec Noé Richepin