Abdouraman Hamadou, l’un des principaux acteurs ayant eu gain de cause sur la Fécafoot au Tribunal arbitral du sport, condamne à nouveau la décision de la Fifa du 20 mars de prolonger le mandat du Comité de normalisation dans sa composition actuelle. Il affiche sa détermination à ce que seule la loi du Cameroun soit respectée. Interview.
La Fifa vient à nouveau de prolonger le mandat du Comité de normalisation de la Fécafoot pour six mois. Quelle est votre réaction à la première lecture de ce document signé de Jérôme Valcke ?
Je suis tout simplement indigné de voir que les dirigeants de la FIFA continuent dans la même lancée ; celle de vouloir à tous les prix nous imposer des dirigeants entièrement à leur solde et qui vont servir leurs intérêts propres au détriment de ceux de notre football. C’est avant tout une violation flagrante des dispositions de l’article 17 des statuts de la FIFA qui dit globalement que les fédérations choisissent en toute indépendance leurs dirigeants.
La Fifa a par ailleurs reconduit les mêmes personnes au sein de ce Comité de normalisation pour ce nouveau mandat ? Vous attendiez-vous à cela ?
C’était très prévisible dans la mesure où l’échec du Comité de normalisation est également celui de la FIFA. Il ne faut pas oublier que la FIFA a validé des statuts contraires à la législation camerounaise en matière de sport. Elle a également participé au choix d’un groupe de personnes sans qualité pour légiférer au nom de la Fécafoot. C’est donc une sorte de solidarité dans l’échec afin d’éviter de se dédire, donc de s’humilier davantage.
Dès lors qu’un nouveau mandat a été donné à ce Comité de normalisation dans sa composition actuelle, quelles sont vos attentes ?
L’on ne peut rien attendre du Pr Owona, qui a notoirement pris le parti de ceux qui sont adoubés par la FIFA. Nous sommes dans la situation où, au cours d’un match, l’arbitre en plus d’utiliser son sifflet exclusivement contre l’une des équipes, va jusqu’à leur faire des croche-pieds et même leur mettre des buts! Le maintien du Pr Owona est de nature à empêcher l’apaisement et le retour de la confiance pourtant indispensable pour la réussite de cette transition.
Quels conseils pouvez-vous donner à ce Comité de normalisation pour qu’au terme de ce nouveau mandat le processus électoral ne soit plus entaché de contestation ?
Qui suis-je pour donner des conseils à des si éminents professeurs? Point besoin de leur dire quoi que ce soit, puisqu’ils ont déjà pris leurs instructions de Zurich. Et tout montre que leur mission principale, c’est d’imposer de gré ou de force les choix des dirigeants de la FIFA.
L’Etat a promis par ailleurs à la Fifa de revoir les lois qui encadrent la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique et sportif du Cameroun. Quel est votre commentaire sur cette promesse ?
Attendons la confirmation du Gouvernement sur ce point précis. Mais je me demande bien ce qu’on reproche à cette loi. La FIFA demande qu’elle soit changée sans avancer le moindre argument juridique. En quoi l’institution de la Chambre de conciliation et d’arbitrage (CCA) comme juridiction de dernier ressort au Cameroun contredit les principes qui gouvernent le sport dans le monde? Tout au contraire, notre loi est en harmonie avec l’esprit même du mouvement olympique international puisque c’est sur la demande du CIO (Comité international olympique) que tout ça a été fait. Aucune association fut-elle la FECAFOOT, ne doit juger ses affaires en interne et en dernier ressort. Et il est illogique de demander à un justiciable de requérir l’accord de la partie adverse pour exercer une voie de recours. Quand nous attaquons les décisions de la FIFA devant le TAS (Tribunal arbitral du sport), nous ne demandons pas son avis et c’est le même principe qui est appliqué au Cameroun. Pour nous, la CCA est un vrai régulateur du mouvement sportif national. Sa création a sérieusement limité les abus qui avaient cours au sein des fédérations. Et jusque-là, la quasi-totalité de ses sentences attaquées devant le TAS ont été confirmées. On ne peut pas demander à un président d’un club du championnat départemental d’aller directement au TAS et de dépenser une trentaine de millions pour défendre le moindre de ses droits. A mon sens, changer la loi dans les circonstances actuelles, en mettant hors-jeu la CCA, reviendrait tout simplement d’une part, à accorder une immunité totale aux dirigeants des fédérations et rouvrir la voie aux abus divers et d’autre part, accorder à la FIFA notamment le pouvoir de disposer à sa guise du destin de notre football. Ce qui n’est pas acceptable.
Comment entrevoyez-vous la suite?
Nous avons relevé beaucoup d’incongruités dans les décisions du Comité exécutif de la FIFA du 20 mars 2015, parmi lesquelles celle d’organiser les élections au sein des ligues régionales et départementales avant l’adoption des nouveaux statuts. C’est juridiquement impossible à faire dans la mesure où les statuts actuellement en vigueur à la FECAFOOT sont ceux adoptés le 16 mai 2012 et qui sont en complet déphasage avec les statuts des ces ligues adoptés en 2014, juste avant le démarrage du processus électoral. Vu le caractère abusif de ces décisions, nous avons décidé de les attaquer immédiatement devant le TAS. Nous sommes d’autant plus confortés qu’il existe désormais, et cela grâce aux acteurs de notre football, une jurisprudence du TAS qui définit clairement les conditions dans lesquelles la FIFA peut proroger le mandat d’un Comité de normalisation. Nous allons nous battre sur tous les fronts pour empêcher ce « hold-up » et contrairement à l’année dernière, nous serons sur le terrain pour nous défendre, département par département, région par région.
Entretien mené par Antoine Tella à Yaoundé