Dans le cadre du Café des sports, l’Association des journalistes sportifs du Cameroun (Ajsc) a reçu ce jeudi le président d’Etoile filante de Garoua ancien chef de cabinet d’Iya Mohammed, ex-président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) pour une conférence de presse. Le Comité de normalisation, la fin de son mandat, ses résultats, ses intentions, Abdouraman Hamadou n’a esquivé aucun sujet. Verbatim.
Le comité de normalisation
Pour moi, en ce qui concerne le Comité de normalisation, c’est un échec ; je l’ai dit depuis longtemps et on m’a accusé de tout. Aujourd’hui, je pense que l’évidence est là. C’est un échec. Je suis têtu et je me fie aux écrits. Il y a des gens qui sont censés être docteur en je ne sais quoi, qui ne regardent pas les écrits et qui préfèrent faire autre chose. Moi, la petite éducation que j’ai eue m’amène toujours à me baser sur l’existant. Aujourd’hui, notre document de travail concernant le comité de normalisation, c’est l’acte qui l’a nommé. Et cet acte est unique. C’est la lettre envoyée par monsieur Jérôme Valke, à monsieur le secrétaire général de la Fécafoot, l’informant de la mise en place du Comité de normalisation et de ses missions. Ces missions sont claires : réviser les statuts de la Fécafoot et tout le monde a eu accès à ce document, organiser de nouvelles élections sur la base de ces nouveaux statuts de la Fécafoot et, entretemps, gérer les affaires courantes de la Fécafoot. Huit mois après, je ne sais pas si quelqu’un a vu une mouture des statuts de la Fécafoot. A la fifa, on m’a parlé de ce qu’on a envoyé en faisant un commentaire sur ce que je préfère taire ici. Aucun acteur du football, en dehors de ceux qui travaillent à la Fécafoot, n’a vu ces textes. Ces textes n’ont pas encore été adoptés, il n’y a pas eu d’élections et dans deux semaines on sera à la fin de cette période fixée par la Fifa.
Cet article 4
J’étais au Maroc dans le cadre de la Coupe du Monde des clubs et les gens de la Fifa avaient instruit aux Marocains de réviser leurs statuts après cette compétition. Ce sont des statuts qui n’étaient même pas en phase avec les statuts types de la Fifa. Par contre chez nous, nos statuts étaient vraiment en phase. Il y avait un seul gros problème. C’était un texte pris en sous-main qu’on a appelé le statut spécial des ligues décentralisées, qui n’était pas connu par la Fifa. Mais, les statuts même de la Fécafoot étaient clairs. Il n’y avait rien à reprocher, surtout que ces textes avaient été révisés par la Fifa au mois de mai 2012, soit un an avant les élections. Donc, les statuts de la Fécafoot n’avaient pas de problèmes et on avait mis en place ce statut spécial pour se garantir une majorité aux élections. C’est ça qui a garanti une majorité artificielle aux dirigeants de la Fécafoot qui étaient là, et de toute façon, tant que ces textes étaient là, ils pouvaient rester en place pendant 100 ans. Par exemple dans la région du Nord, pour le collège électoral auquel j’ai pris part, il y avait environ 80 personnes. Mais, si aujourd’hui on organise des élections sans cet article 4, il y aura à peine 30 personnes dans le collège électoral. Il fallait, soit ramener ce statut spécial à l’intérieur des textes de la Fécafoot, comme c’était le cas avant 2004, ou alors laisser ce statut spécial mais en le mettant aux normes pour qu’il ne contredise pas les statuts fédéraux. Les statuts de la Fécafoot sont comme sa Constitution. Aucun texte ne doit contredire une disposition des statuts de la Fécafoot et c’était le cas du statut spécial des ligues régionales, départementales et d’arrondissement.
Les espoirs transformés en désespoirs
La petite ferveur qui a suivi pour les 12 mois qui ont été donnés au comité de normalisation, le petit peuple croyait en une révolution ; les présidents de clubs transpirent. Je les vois tous les jours souffrir ; Ils privent leur famille de beaucoup de choses pour encadrer les jeunes dans l’espoir qu’un jour ils seront récompensés. Ces présidents de clubs avaient été spoliés, marginalisés pendant de nombreuses années, parce qu’il y avait une majorité artificielle. Ils étaient mis en minorité par l’article 4. C’était impossible. Dans un département où il y avait quatre clubs, on avait le conseil sortant qui avait le droit de vote avec une vingtaine de personnes. Je sais ce que c’est qu’être président de club. Je l’ai vécu un peu après la Fécafoot. Payer les primes d’entraînements, acheter les godasses, subvenir aux besoins familiaux des joueurs, payer les licences etc … Et vous avez des dirigeants qui n’ont pas pour préoccupation les clubs, le football. Ce qui les intéresse, ce sont les affaires, passer les bons de commandes, passer tel marché et puis les Lions vont se qualifier.
Echec du Comité de normalisation
Et puis, il y a eu ce Comité de normalisation qui a suscité un énorme espoir. Aujourd’hui, on se rend compte que la situation est pire qu’avant. Quand vous regardez dans les départements et dans les régions, la situation est plus floue que l’année dernière. On a laissé pourrir la situation en laissant des gens en place qui se sont organisés pour reconquérir vraiment la Fécafoot.je ne sais pas ce qui s’est passé dans la tête des membres du comité de normalisation. Mais, ce que je constate, c’est que c’est un échec et je sens que l’attente des camerounais a été trahie. Les attentes des autorités ont été trahies, parce que je ne suis pas sûr que le président de la République validait tout ça pour arriver à ce résultat-là. Cet échec est d’autant plus décevant que si le Pr Owona est arrivé là avec des gens, c’est grâce à nous. C’est parce que nous sommes allées au Tas, on s’est battu et on a permis au Gouvernement d’avoir voix au chapitre, parce que la Fifa ne voulait même pas que le gouvernement parle. Avant que nous attaquions la Fifa devant le tas, c’était porte close. Comme j’ai quelques connaissances à la Fifa, j’ai une idée des gens que la Fifa voulait nommer au comité de normalisation de la Fécafoot. Ça devait être un scandale. Les gens allaient crier et ça ne devait rien changer. On a évité cela au Cameroun en disant que le Pr Owona a été ministre des sports au Cameroun et qu’on le connaissait. Tout le monde était confiant. Mais, aujourd’hui, la situation est pire qu’avant.
La prorogation du mandat du Comité de normalisation
Pour ce qui est de la prorogation du mandat de ce Comité, pour nous, c’est simple. J’étais à Lausanne la semaine dernière pour discuter avec des avocats. Ils nous ont dit ce qu’ils entendent aussi de la Fifa. La Fifa n’a pas beaucoup de possibilités. La date butoir, c’est le 31 mars. C’est la date pour la fin du mandat du comité de normalisation. Il avait été précisé que des élections devraient être organisées au plus tard le 31 mars. Organiser des élections reviendrait à mettre en place un exécutif élu. Ceci voudrait dire simplement que le comité de normalisation laisse la place. Sur le plan juridique, cette interprétation a été arrêtée. Est-ce que la Fifa va dire que huit mois, c’est peu pour réviser quelques articles des statuts de la Fécafoot ou donner encore un an au comité ? On attend de voir et dans ce cas, la Fifa sera obligée de prendre une décision pour proroger le mandat, parce que la décision actuelle, après le 31 mars, créé une période de non-droit à la Fécafoot. La Fifa sera obligée de réagir et de dire quelque chose. Ou la Fifa reste cohérente et dit : ils n’ont pas été capables ; ils ont échoué et prendre des dispositions pour les mettre de côté et puis mettre en place un autre exécutif provisoire qui prendra moins de temps. De toutes les façons, la Fifa sait ce qu’il y avait à faire au niveau des textes de la Fédération. Quel que soit le cas, si les intérêts du football camerounais ne sont pas pris en compte, selon nous, nous attaquerons la Fifa devant le Tas pour qu’elle s’explique. Notre football est plus en danger qu’il y a six mois. Les ressources de la Fédération sont dilapidées et c’est l’argent des footballeurs et des clubs. Cet argent est fait pour construire le football camerounais et non pour s’enrichir. Il y a des gens pour qui la Fédération, ce sont les affaires. Je vous rassure que tout est mis en œuvre pour que dès le lendemain, trois jours au maximum, nous attaquerons la Fifa, si nous trouvons que sa décision est inadaptée à la situation de notre football. On a la suite dans les idées. Pour nous, c’est la procédure qui avait été engagée au mois de juin qui va continuer. Sur ce plan, nous sommes tombés d’accord avec les avocats et on verra. On sait qu’au tribunal, on peut avoir raison ou tort, mais on aura essayé.
« Ma présence au Portugal lors du match des Lions Indomptables »
Effectivement, j’étais au Portugal, par un concours de circonstance. J’ai été logé à l’hôtel des Lions Indomptables. J’ai évité de déranger. Je sais que ça a frustré pas mal de personnes. Mais, je crois que l’équipe nationale du Cameroun appartient à tous les Camerounais. Je me trouvais en Europe et j’ai voulu aller regarder ce match et c’est ce que j’ai fait. Des gens ont dit des tas de choses du genre je suis allé voir Samuel Eto’o. Mais, si je veux le voir, c’est simple. Je vais à Londres le retrouver. Et j’ai un visa permanent pour aller en Angleterre. Tout comme j’étais à la coupe du Monde des clubs au Maroc et la semaine prochaine je serai au brésil ; ce ne sera pas pour rencontrer les Lions ; j’ai un agenda. J’étais avec des amis et ça été une belle expérience, malgré la défaite du Cameroun.
Ça fait 20 ans qu’on n’a pas coulé de cette façon-là. Ça fait partie des conséquences d’un certain nombre de choses. Il y a des gens pour qui le football, c’est un métier et d’autres pour qui le football, ce sont les affaires. Et des gens ont essayé de vouloir justifier cette défaite, en disant, on a bien joué en première mi-temps. On peut bien jouer pendant 90 mn et si pendant le temps additionnel on prend cinq buts il y a problème. On va toujours se souvenir de ce match et de son score. Je pense que notre équipe nationale a besoin d’un regard particulier. Il y a des choses qu’il faudrait faire avant d’aller au Brésil. Il y a la providence, certes. Le Cameroun sur le plan du football, est un pays béni de Dieu. Regardez, au niveau de l’Afrique, il n’y a aucun pays qui a autant de joueurs. On parle de la côte d’Ivoire. Oui, elle joue bien. Mais, si on prend les joueurs sur le plan individuel, le Cameroun sera devant.
« Ces gens veulent conquérir encore la fédération »
Je n’ai pas compris comment le Pr Owona s’est intégré et s’est mis à servir la cause de ceux-là même que nous avions combattus. Il a une position qui est même plus que M. Iya. Je ne suis pas sûr que M. Iya aurait fait un certain nombre de choses qu’on voit. Je parle de l’actualité dans la région du littoral en ce moment. Non seulement il a adopté les méthodes de ces gens-là, mais il va au-delà ; il est plus royaliste que le roi. Il est le premier défenseur de leurs intérêts et la première des choses quand nous avons commencé à crier, il avait maintenu, à l’exception du Sud et du Littoral, les exécutifs dont les élections avaient été annulées par la chambre d’arbitrage et de conciliation qu’on méprise.
On constate là qu’on a la mémoire sélective ou la volonté sélective. Quand ça nous arrange, on prend en compte la décision de la chambre et quand ça ne nous convient pas, on ne la considère pas. Dès lors que les élections avaient été annulées dans toutes ces régions, quand un Comité de normalisation arrive, exactement comme en 1998 avec la Cellule exécutive provisoire ; elle a mis dans les dix régions les exécutifs provisoires. Ici, on devrait s’attendre à la même chose. Je suis allé contre le président de la ligue régionale du Nord ; on a annulé les élections et on le conforte et c’est lui le président ; il prend toutes les décisions.
Résultat, sur le terrain, des arbitres qu’ils choisissent insultent nos joueurs et promettent l’enfer à notre équipe. Ces mêmes personnes sont là, utilisent leur position pour faire du trafic d’influence, font créer des clubs. Dans la ligue départementale de la Bénoué, ils se sont réveillés un matin et ont décidé de démarrer un championnat départemental, sans faire des communiqués pour inviter des clubs à venir s’affilier. Ils avaient une dizaine de clubs dans le sac pour faire le championnat. J’ai saisis par écrit le président du Comité de normalisation. A ce moment-là, il avait encore des restes et ça ne s’est pas joué. On a vu dans le département de la Diamaré, comment on fait un championnat en une journée jusqu’à la finale. Aujourd’hui, sur les 58 départements du Cameroun, on va vous dire qu’il y a des clubs partout ; Or, nous savons que l’année dernière, il y avait une vingtaine de départements qui avaient fonctionné. Non seulement ils créent des clubs, mais ils refusent aux autres d’en créer.
Quand vous venez affilier une équipe, vous passez à un interrogatoire pour justifier pourquoi vous voulez créer ce club. Ils ont exclu une dizaine de clubs ; Et dans le Littoral, ils ont exclu cinq clubs. Malgré le comité provisoire mis en place, le Pr Owona est rentré dans des batailles et c’est lui qui est au premier plan pour défendre les intérêts de ceux avec qui il est. C’est pour cela que nous estimons que le Pr Owona n’est plus qualifié pour mener à bien le processus électoral à la Fécafoot. Il a fini par démontrer son parti-pris. Je ne sais pas s’il y a une malédiction là-bas à la Fécafoot. Tout ce que je sais, c’est que j’ai évité cette malédiction.
Vous pouvez imaginer aujourd’hui le Pr Owona qui défend un candidat ? Je suis au courant de certaines discussions en privé qu’il a avec certaines personnes. On se parle tous et on se connaît aussi plus ou moins. J’ai une idée de sa pensée, de ce qu’il a essayé de me faire ; je suis désolé. Ce n’est pas ça qui va m’arrêter.
Qui est derrière Abdouraman ?
Quand je parle de nous, c’est évident. Tout le monde ne peut pas se mettre devant vous. Laissez les autres là où ils sont. Mais, ce que je peux vous garantir, c’est que je ne suis pas seul. Je suis avec les vrais acteurs de notre football. Je ne suis que la partie visible. Mais, je suis prêt à être aussi seul. Le moment venu, vous le saurez. Tout le monde n’est pas courageux et je respecte tout cela. Je ne vais pas demander aux gens d’aller au suicide. Quand je vois ce que je reçois, je mesure et je ne demanderais pas à quelqu’un de se sacrifier. Ce n’est pas un sacrifice ; je ne me donne pas comme cela. Le moment venu, quand l’environnement sera plus serein, quand on ne va plus menacer les gens, quand on ne va plus menacer la vie des gens, ces gens se feront connaître. Il n’est pas question d’abandonner le football entre les mains de ces gens-là pour qui le football, ce sont les affaires. Le football n’est pas que les affaires ; Il est business quand il est professionnel, avec des règles. Ce n’est pas le genre où vous venez, vous n’avez rien à voir avec le foot, où vous créez des clubs pour vous attribuer des joueurs indûment pour faire des trafics et pour vous enrichir.
Un audit pour les huit mois de gestion
Nous avons un certain nombre d’informations qui nous font croire qu’il y a eu des choses graves à la Fédération camerounaise de football, pendant cet espace allant du mois d’août à aujourd’hui. Il y a la présomption d’innocence, il y a la présomption de culpabilité. Mais, tout ce que nous allons demander et cette demande sera aussi formulée devant le Tas, c’est un audit de cette période de gestion de la fédération pour voir clair, compte tenu des éléments suffisamment cohérents et qui trouble. Je n’ai pas peur que le Pr Owona aille chercher dans mes petits papiers à la Fédération. Si on me reproche quelque chose à la fédération, je suis prêt à aller en répondre devant la justice. Si c’est le candidat que le Pr Owona prépare qui passe, les secrets seront bien gardés. Mais, si ce n’est pas celui-là, nous allons formuler auprès de la Fifa et du Tas, que cette période fasse l’objet d’un audit. La normalisation finira par finir, pour qu’on soit fixé sur les indices que nous avons reçus et que nous ne pouvons pas mettre à votre disposition (…) ».
Propos recueillis par Antoine Tella à Yaoundé