La décision est tombée le 13 mai. En effet, le Tribunal arbitral du sport (TAS) basé à Lausanne en Suisse a rejeté la demande de suspension de la décision du Comité exécutif de la Fifa de proroger le mandat du Comité de normalisation de la Fecafoot jusqu’au 30 novembre prochain. Dans un entretien à bâtons rompus, l’ancien directeur de cabinet d’Iya Mohammed, président actuel de l’Etoile filante de Garoua et l’un des initiateurs de cette plainte n’entend cependant pas baisser les bras. Affaire à suivre donc.
Pour quelles raisons avez-vous contesté devant le TAS la décision prise par le Comité exécutif de la Fifa de proroger le mandat du Comité de normalisation jusqu’au 30 novembre ?
Nous avons décidé de contester devant le TAS la décision prise par le Comité exécutif de la Fifa de proroger le mandat du Comité de normalisation pour plusieurs raisons. Ce Comité dont nous avions tous salué la mise en place a failli à ses missions. Dès les premiers mois, il a d’abord perdu sa neutralité en soutenant ouvertement certaines personnes que nous avions combattues. Son président, le Prof. Joseph Owona s’est attaqué à toutes les figures de notre football qui avaient combattus l’ancien système. Par exemple, dans la région du Littoral, Il est même allé jusqu’à instruire par écrit le président en place de violer la loi et les statuts de la Fecafoot pour maintenir la suspension des présidents de clubs opposés à son secrétaire général, M. Tombi À Roko qui symbolise toutes les dérives de ce système honni par l’écrasante majorité des acteurs directs de notre football. Par la suite, dès notre qualification pour la Coupe du monde, le président du Comité a tout fait pour pouvoir conduire les Lions indomptables au Brésil, alors que son mandat était sensé s’achever au plus tard le 31mars 2014 conformément à la décision de la Fifa du 20 juillet 2013. À notre avis, huit mois étaient largement suffisants pour réviser les statuts et organiser les élections, surtout compte tenu du fait que ce comité compte en son sein pas moins de quatre professeurs de droit. Plus grave, le président du Comité de normalisation a pris plusieurs décisions très dommageables pour le football camerounais, notamment l’augmentation du nombre de clubs d’élite en violation des statuts et le repêchage inédit de Bamboutos de Mbouda. Enfin, à l’examen des statuts de la Fifa nous constatons que si l’article 7 alinéa 2 prévoit la mise en place d’un Comité de normalisation pour «une période donnée», aucune autre disposition de ces statuts ne prévoit une éventuelle prorogation.
Dans ce cas, reconnaître à la Fifa le droit de proroger de tels mandats à la discrétion de ses dirigeants reviendrait à leur donner le pouvoir de priver une fédération nationale de son autonomie sur un, deux, trois ou même dix ans.
Les présidents de la Fifa et de la Caf ont démontré, lors d’une conférence de presse après l’inauguration du Centre d’excellence de Mbankomo, que cette requête ne reposait sur aucun argument juridique valable…
Certes comme l’a précisé le président de la Fifa Joseph Sepp Blatter, l’organisation du football est hiérarchisée. Quant à nous, seuls les statuts de la Fifa nous ont guidés dans la présente procédure. Leur article 66 nous confère le droit de contester une décision prise par les organes de la Fifa devant le Tribunal arbitral du sport à Lausanne en Suisse. Quant à M. Hayatou, il faut dire que l’habitude ne crée pas le droit. Ce n’est pas parce que vous avez l’habitude de poser un acte qu’il est forcément légal. Si une décision du Comité Exécutif de la Fifa de proroger un mandat n’a jamais été contestée nulle part, c’est tout simplement le choix de membres concernés. En matière de football, le Cameroun n’est pas n’importe quel pays. Nous avons déjà fait évoluer par deux fois les Lois du Jeu et c’est tant mieux si par le fait des acteurs de notre football la Fifa prend conscience qu’en Afrique, elle doit faire preuve de la même
considération qu’en Europe par exemple.
Pourquoi avez-vous insisté sur l’effet suspensif ?
En déposant notre plainte devant le TAS, compte tenu du refus de la Fifa d’accepter une procédure accélérée et de la menace que représente le Comité pour notre football, nous avions sollicité du tribunal la suspension du mandat du Comité de normalisation le temps que durerait la procédure jusqu’au prononcé de la sentence finale. Cette requête a été malheureusement rejetée le 13 mai dernier. Cependant, à la lecture de cette décision de rejet nous constatons avec beaucoup de soulagement que le motif, l’absence de risques de dommages irréparables, n’est pas un motif de fond et qu’en plus, les exceptions relatives à la qualité des plaignants soulevées par la Fifa n’ont pas été retenues. Le TAS nous reconnaît la qualité d’officiels du football au sens des statuts de la Fifa et de ceux de la Fecafoot. Au regard de tous ces éléments, nous nous sentons confortés dans l’idée que nous avons de bonnes chances d’obtenir gain de cause. Nous avons donc décidé avec nos avocats, de poursuivre la procédure.
Sur quoi reposait votre argumentation ?
En plus du fait que les Statuts de la Fifa ne prévoient pas la prorogation, pour nous, il ne s’agit même pas de la prorogation du mandat initial constatée par la décision du 20 juillet 2013, mais d’un nouveau mandat dans la mesure où le délai de huit mois accordé équivaut au délai du premier mandat et les missions sont plus étendues. Il n’est plus question des seuls statuts à réviser, mais d’un nombre indéterminé de textes à écrire. Dans une correspondance adressée à la Fifa le 13 février dernier, le président du Comité mentionne même la création d’un tribunal arbitral de football pour contourner la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique instituée par la loi. Nous avons démontré au tribunal que non seulement la Fifa n’a pas encadré le travail du Comité comme cela se doit, mais qu’elle s’est faite complice de ce Comité dans sa quête de rester à la tête de la Fecafoot au delà du délai imparti,
ce que démontre également à souhait certaines correspondances produites par la Fifa devant le tribunal.
Quel était votre but principal en décidant de saisir le TAS ?
Nous constatons que le Professeur Owona a pris fait et cause pour un groupe de personnes. En conséquence, il n’est plus qualifié pour mener à bien le processus électoral. Il ne lui appartient pas de désigner le prochain président de la Fecafoot. C’est à la grande famille de notre football que revient cette tâche et à personne d’autre. Nous utiliserons donc toutes les voies légales pour empêcher que le Comité de normalisation organise un simulacre d’élections dans le but d’embrigader à nouveau durablement notre football.
Quelle suite réservez-vous à cette procédure ?
Nous avons déjà déposé notre mémoire d’appel qui a été transmis cette semaine à la Fifa qui dispose d’un délai de 20 jours pour produire son mémoire de défense. Une audience sera organisée prochainement au siège du TAS et la sentence finale sera très probablement rendue après la Coupe du monde.
Croyez-vous avoir des chances de réussite à ce niveau ?
Nous sommes confiants. La Fifa est appelée à justifier tous les actes posés par ses dirigeants depuis le début du processus électoral à la Fecafoot. Pour l’emporter, elle devra convaincre le tribunal que ces agissements ont une base légale et n’ont été guidés que par la seule sauvegarde des intérêts de notre football. À la fin, il y aura fatalement un gagnant et un perdant. Si nous perdons, nous l’accepterons avec beaucoup de Fair-play. Au delà de tout, nous sommes sûrs et certains que dorénavant les dirigeants de la Fifa porteront un autre regard sur l’Afrique. À l’avenir, ils se comporteront avec beaucoup plus de respect.
Il semble que vous subissez des «pressions» ?
Depuis plusieurs semaines, nous subissons des pressions de la part d’un certain nombre de personnes qui nous font part du souhait du gouvernement de voir retirer notre appel devant le TAS. C’est l’occasion pour moi de réitérer ici que notre seul but dans cette procédure, c’est avant tout la sauvegarde des intérêts de notre football et jusqu’à présent, nous n’avons violé aucune disposition réglementaire. Si pour une raison ou pour une autre le gouvernement souhaite que notre plainte soit retirée, nous sommes ouverts à tout compromis qui prendrait en compte les intérêts de notre football et ceux de ses acteurs directs qui consentent au quotidien des sacrifices importants.
Entretien mené par Jean Robert Fouda, à Yaoundé