Les prolongations du suspense, apparemment, se joueront jusqu’à la semaine prochaine, puisque le Premier ministre aurait fixé au ministère des Sports et de l’Education physique (Minsep) et à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) le délai du 15 août 2006 pour procéder à la désignation du nouvel homme fort du banc de touche des Lions indomptables. Mais sera-t-il réellement un nouvel homme? Et qu’est-ce qui peut justifier un blocage dans l’opération?
Nous ne pouvons minimiser la délicatesse du dossier. Le poste de coach des Lions indomptables est sensible et le football, surtout au niveau de l’équipe nationale fanion, suscite trop de passions au Cameroun. A l’étranger, cette équipe, malgré ses déboires de ces quatre dernières années, continue à faire envie et à susciter des vocations. Dans ce contexte, la tâche du décideur -qui ne voudrait pas faire de mauvais choix- est forcément complexe, nous n’en disconvenons pas. Seulement, rappelons que le poste est vacant depuis février dernier et la démission du technicien portugais Artur Jorge. Malgré la complexité et la délicatesse du dossier, nous pensons qu’il aurait dû être bouclé au bout de trois mois maximum.
Or voici que l’on parle encore du 15 août, c’est-à-dire de la veille du prochain match amical des Lions indomptables qui doit les préparer au premier match des éliminatoires de la Can 2008 le 3 septembre à Kigali. Bien sûr, c’est le coach intérimaire Jules Nyongha qui va gérer ce match tiré par les cheveux contre la Guinée, en France, pour lequel il a convoqué vingt joueurs. Samuel Eto’o, la star de l’équipe, en tournée avec son club Barcelone en Amérique, n’y est pas. Le « Pichichi » n’aura pas ainsi participé aux deux derniers matches de la sélection sous les ordres des Jules Nyongha: face à la Hollande en mai et contre la Guinée le 16 août. Mais nul ne doute pourtant que sa présence s’imposera le 3 septembre à Kigali à la pointe de l’attaque camerounaise.
Mais comme d’habitude, il y a des curiosités dans la liste des joueurs convoqués, comme cette présence de Olembe et du gardien Ebede Owono dont on se demande sur quelle base ils ont pu convaincre le staff technique sur leur état de forme. Et tout porte à croire que l’on est abonné pour longtemps à ce genre de surprises, quel que sera le nom de l’entraîneur étranger recruté, apparemment la piste privilégiée par les officiels camerounais.
En effet, le fait de différer à l’envi la désignation du nouveau coach des Lions indomptables peut être perçu comme une astuce pour pérenniser le pouvoir des confectionneurs des listes de l’ombre. Car nommé le 15 août, le nouveau boss ne prendra réellement ses fonctions que vers la fin du mois. Quel miracle va-t-il faire en quelques jours, même s’il est le plus futé des entraîneurs du football au monde, pour composer son équipe appelée à affronter le Rwanda le 3 septembre 2006? Eh bien, il s’appuiera sur une liste pré-établie qui lui sera brandie en même temps que son contrat.
Nous n’avons donc tiré aucune leçon du passé. Le Cameroun avait manqué la qualification à la dernière Coupe du monde »Allemagne 2006 » parce qu’il avait raté son début des éliminatoires. Voici que le nouveau sélectionneur va entrer dans le bain des éliminatoires de la Can 2008 les yeux presque bandés. Evidemment, il n’y a pas de doute, dans l’esprit de tout le monde, que le Cameroun, placé dans l’un des groupes les plus faciles des éliminatoires de cette Can 2008, sera présent au Ghana dans moins de deux ans. Mais si des pays comme le Kenya, la Mauritanie, Madagascar ou la Guinée équatoriale se battent pour espérer une qualification en phase finale de la Coupe d’Afrique des nations, est-ce encore une ambition qui doit habiter le Cameroun, équipe que rêvent d’entraîner les plus grands techniciens de la planète? Le vrai défi pour les Lions indomptables devrait être la Coupe du monde 2010, dont la préparation aurait dû commencer dès le lendemain de la finale Italie-France disputée le 9 juillet dernier à Berlin. A notre sens, le projet global de l’encadrement technique de l’équipe du Cameroun devrait tendre vers l’objectif »Afrique du sud » 2010, qui passe alors par une campagne maîtrisée de la Can 2008. En clair, un mandat de quatre ans assorti d’un cahier de charges devrait être confié au technicien choisi.
C’est pourquoi on ne cessera de s’étonner que les Lions indomptables soient encore à ce jour sans sélectionneur, lequel aurait déjà mis son programme de travail en chantier. Le ministre des Sports assure qu’il ne se pose aucun obstacle financier dans cette opération. L’abondance des candidatures, comme toute abondance, ne devait pas non plus nuire. Mais quoi donc? En fait, nous avons été naïfs d’espérer un électrochoc, de penser que le Cameroun pouvait changer de si tôt ou que le football pouvait être une enclave de rigueur et de modernisme dans un Etat miné partout ailleurs, depuis le sommet jusqu’à ses démembrements, par l’inertie, le pistonnage, les pressions insistantes de l’ombre. La preuve? Même les short lists ont déjà des additifs comme au congrès du Rdpc, et on parle encore de « 3+1 », alors que la sélection nationale a seulement grand besoin d’un coach depuis huit mois…
Emmanuel Gustave Samnick