Le rêve d’une victoire facile sur le Soudan ne s’est pas réalisé. Bien plus, le Cameroun a frôlé l’humiliation. Depuis la fin de la partie hier, plusieurs sons de cloche ont sonné dans la capitale. Les camerounais n’en reviennent pas, pour cause ils n’ont pas reconnu leur équipe. Et comme toujours le doigt accusateur est pointé sur le coach aux « cheveux de feu. Dans les milieux chauds de la capitale, son départ est programmé, ses choix tactiques sont plus que jamais contestés.
Depuis près de deux semaines dans la capitale camerounaise, les élections présidentielles prévues ce lundi occupent le devant de la scène. Le football qui au pays des lions indomptables passe pour être une religion était quelque peu mis en veilleuse. La rencontre comptant pour la cinquième et dernière journée de la phase aller des éliminatoires jumelées Coupe du monde / coupe d’Afrique des nations 2006, a replongé les yaoundéens dans les méandres du sport roi. Les Camerounais aiment trop leur équipe nationale pour parler d’autres choses quand les Lions jouent. Les meetings prévus à l’heure du match sont décalés. Les pronostiques vont bon train, aussi bien au sein des populations que de la presse. De Mokolo à Mvan en passant par Mvog Mbi tout le monde attendait l’issue de ce match avec beaucoup d’optimisme. La raclée prise par les soudanais devant la Côte d’ivoire de Didier Drogba les confortait dans leur position des plus optimistes. Même l’absence pour cause de gastro-entérite de l’artificier des Lions indomptables, Samuel Eto’o fils et le désistement à la dernière minute pour cause de blessure de Pius Ndiefi, n’a pas entamé le moral des supporters camerounais.
Automobilistes et autres usagers de la route ont à peine vaqué à leurs occupations quotidiennes que les rues pleines de monde en matinée sont subitement devenues désertes dans l’après-midi pour un match prévu à 18h 30 heures locales. Des dizaines de personnes se sont amassées devant les écrans de télévision installés dans certains débits de boisson, ceci à la grande satisfaction de ses gérants dont les chiffres d’affaires journaliers sont parfois passés du simple au double, voire au triple lorsque le match des lions est programmé. Puisqu’il fallait automatiquement consommer pour avoir droit de séance. Dès l’annonce du onze de départ, les commentaires sont allés bon train, personne n’expliquait cet autre choix du coach à la crinière de lion. La télévision nationale qui avait annoncé à grand renfort de publicité la diffusion en direct du match, passe plutôt la musique, aucune image du match dans les débits de boisson : c’est la déception totale. Le journaliste Linus Pascal Fouda essaye tant bien que mal de rassurer les téléspectateurs. Mais toujours pas de match, les fans des Lions se rabattent sur le petit poste récepteur, comble de malheur c’est à ce moment que le Soudan choisi d’ouvrir la marque. C’est un silence de cimetière qui envahit la ville aux sept collines. Mais les Camerounais un peu trop sûrs de leur équipe ont gardé le moral convaincu que le dénouement sera heureux.
À la pause, toujours pas de but camerounais, mais en revanche les images sont revenues à la télévision nationale; c’est le soulagement, car on peut désormais voir ce qui ne marche pas avec les Lions. Les minutes s’égrainent toujours pas de but camerounais, le sentiment populaire qui anime les fans de la capitale c’est la déception, même le but de la tête de Joseph Désiré job au temps additionnel n’a pas adouci la colère des Yaoundéens. Les camerounais tout au long de ce match n’ont pas déroulé le jeu qu’on leur connaissait jadis… mais longtemps perdu.
Déception et lueur d’espoir
Tout le monde attendait la victoire, même par la plus petite des marges. Paul Ashu homme d’affaire exerçant dans la capitale est surpris par le classement du coach : « On ne comprend plus rien avec Schäfer, chaque match il fait un nouveau classement, il va tuer notre football avant de s’en aller ». Thomas Fotsing coiffeur à rue manguier assimile le match contre le Soudan à une défaite : » les Lions ne font plus peur, même n’importe quel pays tutoie le Cameroun. Ce match nul pour moi est une défaite ».
Les plus optimistes pensent que le faux pas du Soudan sera rectifié, car les Lions en égalisant à la dernière minute ont démontré qu’ils avaient encore les potentialités et les moyens pour relever le défi qui est le leur : obtenir la seule place disponible du groupe 3, pour la coupe du monde. Marie Louise Yochie informaticienne est de ceux-là : « Malgré le match nul, les Lions vont se qualifier, car l’absence de Eto’o aujourd’hui s’est fait ressentir ». Juliette Enobo aussi. Elle qui n’était nullement inquiète par l’issue de cette rencontre : » J’ai trop confiance en nos joueurs, leur façon de jouer me fait plaisir, ils sauront nous conduire comme toujours à la coupe du monde », dit-elle péremptoirement. Pour ces deux, les Lions n’ont même pas déçu, ils ont eu les meilleures occasions mais sont malheureusement tombés sur un portier très en forme. En tout état de cause comme le signifie Serge Kemajou, le Soudan a quelque peu surpris les paris :. « En quittant le travail cet après-midi, je suis rentré avec un bon vin chez moi afin de fêter la victoire. Dans mon esprit, le match nul n’existait pas. C’est avec une petite réticence que j’accepte ce petit point simplement parce que le football est un jeu. Mais je sais que ce n’est que partie remise ». Madame Angelle Muna trouve que » Winfried Schäfer n’est pas un entraîneur et ne la jamais été. Même une femme ferai mieux ; il faut rapidement se débarrasser de ce monsieur ».
À Obili, quartier du dernier rempart des Lions Idriss Carlos Kameni, c’est la déception totale. Personne ne comprend sa non-titularisation, « On nous disait qu’il n’a pas de club, c’est maintenant qu’il évolue dans l’un des plus grands championnats du monde qu’il est mis à l’écart », disait avec déception Alain Zibi, secrétaire général du fan club Idriss Carlos Kameni. A Elig Edzoa, quartier de Modeste Mbami, c’est le même son de cloche. On n’explique pas le début sur le banc de touche du joueur du Paris Saint-Germain et comme toujours Schäfer est l’homme à abattre. Ainsi va la vie des supporters camerounais face aux déceptions successives de leur équipe fanion.
Guy Nsigué à Yaoundé, nsigue@camfoot.com