Devenu en deux mois le leader de Lens, qui reçoit le Bayern demain, le Camerounais a un destin hors norme. Rigobert Song n’a pas mis très longtemps avant de trouver sa place à Lens. Deux mois lui ont suffi pour s’imposer comme le leader de l’équipe. Il enchaîne les matches pleins comme à Milan en Ligue des champions (…)
Mais derrière ces perfs se cache une difficile et lente ascension. Il a puisé dans ses épreuves de jeunesse et dans son parcours matière à ne jamais renoncer. Le capitaine des Lions Indomptables revient sur ces moments qui ont façonné sa personnalité et son jeu.
« J’aurais pu être un brigand. » – « Ma mère était couturière à Douala avant de perdre son travail : nous sommes alors partis à Yaoundé dans une maison familiale où je dormais avec tous les cousins. Mon père étant décédé quand j’avais dix ans, je me suis senti tout de suite comme un deuxième mari. J’ai dû arrêter l’école en 3e car elle n’avait plus rien. C’était devenu très difficile… J’aurais pu être un brigand car il m’arrivait de traîner tard : je me suis même fait bastonner par mes onccles et les gendarmes pour avoir piqué le portefeuille d’un cousin. Mais voir ma mère démunie comme ça, ça me révoltait. Je me suis alors dit : le foot nous en sortira. C’était devenu mon défi. Les Championnats interquartiers me permettaient de récolter un peu d’argent pour acheter du riz. Pourquoi du riz ? Parce que c’est une denrée pas chère qui bourre. Avec un kilo, on pouvait manger le midi et le soir tranquillement. J’ai donc vite commencé à me responsabiliser. Ensuite, je n’ai jamais reculé pour y arriver. Sur les terrains pourris, j’étais arrière droit et ça ne passait jamais : je savais me faire respecter…J’avais l’esprit guerrier et toujours faim. »
« J’ai dormi dans la rue. » – « Il m’a fallu l’appui de gens sans lesquels je n’aurais pas pu jouer, tout simplement. Je n’oublierai jamais les amis comme George Weah Wengweng, qui me donnait 500 F CFA (0,75 euros) pour prendre le taxi afin de récupérer les primes d’entraînement distribuées entre midi et 14 heures . Comme mes cours finissaient à 11h30, je n’avais pas d’autre possibilité pour reccueillir cette somme, qui était alors de 1 000 F CFA (1,50 euros). Nous avions aussi une prime de 20 000 F CFA (30 euros) mais il fallait gagner dix fois de suite… Ça m’a donné la rage. Un jour, très jeune, je suis parti à 5 heures du matin de chez moi par une fenêtre, sans rien dire, direction Bafoussam, à l’ouest, trouver un club. Là -bas, ce fut dur : je ne connaissais personne et même pas le dialecte. Au début, j’ai dormi dans la rue, dans la station de bus, sur un carton…Ensuite, je suis allé vivre dans la famille d’un ami joueur. Tous les matins, j’allais puiser l’eau et je revenais avec un fût plein : c’était mon seul moyen de contribuer à mon logement. Je ne voulais pas passer pour un mendiant. »
« Je lavais les équipements pour Milla. » – « Quand j’ai découvert les pros en équipe nationale, j’étais tellement heureux de les côtoyer ! Je leur disais : « Grand tu peux me laisser une paire de bas, un short ? » J’étais un champion quémandeur. Mais toujours dans un esprit très respectueux, question d’éducation. En 1994, quand j’ai été appelé en Coupe du monde, un jeune n’avait d’ailleurs pas le droit à la parole. À cette époque, les gamins comme moi s’occupaient du matériel de voyage, récupéraient les sacs des dirigeants. Je lavais les équipements pour Milla : je partageais sa chambre à Clairefontaine, on nettoyait tout nous-mêmes et comment aurais-je pu laisser un homme de quarante ans le faire ? Même dans la chambre, jamais je n’aurais osé changer la chaîne télé, jamais je ne serais rentré plus tard que lui. On ne réveille pas un monsieur comme lui. Alors à 23 heures, j’étais sous les draps même si je n’avais pas vraiment sommeil…On m’a éduqué comme ça : je ne dis jamais n’importe quoi a quelqu’un de plus âgé que moi. Je n’ai jamais haussé le ton devant mes parents, même si j’avais raison. Ce respect, je le porte aussi aux supporters. Je comprends leur attente car je sais ce que c’est que d’avoir des idoles : je faisais partie des gamins qui couraient après les voitures des Lions Indomptables de 1990, battus au Mondial en quarts de finale. C’est pour ça que je ne refuse jamais une sollicitation, que je donne beaucoup car je sais ce que c’est que d’être démuni et de rêver. »
Muller et Pires. – « En 1994, je suis à Metz sur un coup de chance. Mon oncle avait envoyé mon CV à plusieurs clubs de D1 et D2. C’est Guy Roux qui s’y est intéressé en premier mais il avait un accord avec Foé, je crois. Joël Muller avait jeté cettre lettre avant de demander a Song’o, alors gardien du club, qui j’étais. Il lui a dit : « C’est un jeune de l’équipe nationale ». Il a alors récupéré la lettre froissée dans la poubelle puis l’a repassée ! Et je signe un précontrat avant la Coupe du monde. C’est le début de mon aventure européenne. Lui fait partie de ma réussite, de ma famille. Tout le monde le connaît chez moi sans l’avoir jamais vu. Quand maman est venue en France, la première chose a été de lui présenter Joël. Il a su m’intégrer au bon moment, me donner des responsabilités au bon moment. Et puis Metz, c’était formidable avec Robert Pires, notamment. On était voisins, lui était au numéro 8, moi au 7 dans l’immeuble. Et c’est là qu’on a inventé la chenille messine. J’avais dit avant un match a Auxerre : « Rob, on va faire quelque chose de spécial pour fêter nos buts ». Il s’est mis à quatre pattes dans le salon et puis on a commencé à délirer…Il était mort de rire. Le lendemain, on la répétait à l’entraînement et, contre Auxerre, on la mettait enfin en pratique… »
LE BAYERN.- « Nous avons une très bonne équipe, très solide même si nous restons sur des défaites frustrantes comme à Bordeaux (0-1), ou nous aurions vraiment pu ramener quelque chose. Nous devons nous reprendre contre le Bayern et surtout arriver à faire douter ses joueurs. Il faudra se battre mais j’y suis habitué. Je ne me suis jamais économisé sur un terrain. Ce sera encore le cas demain. »