Son énorme talent a contrasté avec sa courte carrière. Mais il a su rebondir en tant que dirigeant du Tpo pour gagner sur les tribunes ce qu’il n’a pas remporté comme joueur. Pour beaucoup, il est l’une des légendes du football camerounais.
Un matin du 18 février 1954, dans la ville de Nkongsamba, Gabriel Wadje accompagne son épouse Odile Ngembou à la maternité. Il ne sait pas qu’il sortira de ce centre hospitalier avec dans ses bras un génie du ballon rond. Il ne tarde pas à le soupçonner quand très vite son rejeton commence à faire montre de ses qualités dans les artères caillouteuses de la ville sise au pied du Mont Manengouba, à Nkongsamba. Sa propension à s’adonner au football n’est pas d’abord du goût de ses parents d’autant plus que les travaux champêtres s’en trouvent lésés après les heures de classe. Mais ils ignorent que Serge Alain de par ses dribbles déroutants et son altruisme devant les buts se distingue déjà de ses camarades bien moins doués.
Après l’école primaire, le garçon est appelé à poursuivre ses études à Bafoussam dans la province de l’Ouest. Il ne démord pas de son hobby. En classe de 4e, en 1974, participant au tournoi interclasse, ses qualités protubérantes font écho au point d’attirer les regards des dirigeants d’Espoir de Bangou, une équipe de D2 de la localité. Seulement l’aventure avec le petit club ne dure qu’une saison. Car Racing de Bafoussam lui fait une cour assidue et le jeune joueur n’y résiste pas. En 1976, le jeune conduit le club, encore en D2, à la Coupe du Cameroun. Celui-ci s’incline en final devant Canon de Yaoundé (0-2) après avoir balayé sur son passage des équipes de D1 comme Aigle de Nkongsamba et Caïman de Douala. Dès lors le génie de Tsemo dépasse les limites de l’Ouest. Les portes de l’équipe nationale junior du Cameroun lui sont ouvertes.
Il est désormais partagé entre l’école et les terrains de football. L’élève est allé du Collège de la Réunification, au Ces de Bafoussam puis a choisi le Cetic de la même ville pour enfin de compte faire du football son métier. En 1977, Raymond Fomete (Le frère aîné de Jules Nyongha) qui vient d’hériter des Lions Indomptables en remplacement de l’Allemand Karl Heins Vegens fait confiance au Lionceau. C’est ainsi qu’il rejoint les Roger Milla, Thomas Nkono, Jean Marie Tsebo, David Mayebi, Grégoire Mbida, Joseph Bell, Théophile Abega… etc. Cependant, son ascension fulgurante ne sera pas sans embûches. «Mon mauvais souvenir dans les Lions reste la discrimination dont j’y étais victime.». Car il faut le dire aujourd’hui, en concurrence avec son ami-intime Milla, ce dernier s’opposera à maintes reprises à sa titularisation, au point de claquer souvent la porte de l’équipe nationale.
Ne venant pas de Canon, d’Union ou de Tonnerre il a du mal à s’intégrer, à se faire accepter. Heureusement, il a l’estime de son coach. Lors d’une rencontre amicale face au Benfica de Lisbonne, l’entraîneur n’hésite pas à préférer Tsemo à Milla. Le bleu ne déçoit pas. C’est lui qui égalise pour le Cameroun mené (1-0). Le premier match en sélection est émaillé d’une action d’éclat. C’est inoubliable. « Ce moment est pour moi le plus grand souvenir de ma vie footbalistique », pense-t-il.
Choix de vie
Peu de temps après, la sélection nationale militaire lui ouvre ses portes. C’est avec la grade de Sergent qu’il se retrouva en éliminatoire zone Afrique de la Coupe du monde militaire et en finale en Syrie où malheureusement les Lions Indomptables militaires sortiront au premier tour. A son retour, plusieurs propositions lui son faites comme prendre effectivement le grade de Sergent dans les Forces armées camerounaises, jouer dans le Tonnerre de Yaoundé, l’Union de Douala. A toutes ces opportunités, il oppose une fin de non recevoir. Il est très lié à Racing de Bafoussam et entend y rester. Il reconnaît aujourd’hui n’avoir pas nourri plus grande ambition que celle-là en dehors de se vêtir du maillot de l’équipe nationale parallèlement.
Seulement, frapper comme un oiseau en plein vol, à cause d’un accident à l’omoplate, il subit une opération qui le contraint à vite accrocher les crampons. Il voit son os plat remplacé par une prothèse qui ne lui favorise pas la mobilité sur le terrain comme naturellement. Sa carrière ne dure que huit ans. Elle est courte, le palmarès peu éloquent. Mais son grand talent et ses nombreuses prouesses font de quoi écrire un livre à tomes. Ses 25 buts inscrits au cours d’une rencontre qui opposait le Racing de Bafoussam à Renaissance de Bamendjou; un match qui se soldat par (47-0) … et bien d’autres souvenirs et anecdotes animent les conversations portant sur son récit de footballeur. Mais son amour pour la balle ronde ne s’arrête pas à son histoire comme joueur.
Ce qu’il n’avait pas eu sur le terrain, il compte désormais l’avoir sur les gradins comme dirigeant de club. En 1983, il devient directeur sportif du Racing de Bafoussam. Il passe Trésorier en 1984 et en 1985, Directeur général du Tpo. Même si aujourd’hui son regret c’est d’être parti de l’administration de son club bien aimé sans lui avoir donné un titre continental, il a néanmoins le mérite de lui avoir offert à quatre fois le titre de champion du Cameroun et une fois la Coupe du Cameroun (même s’il parle toujours avec amertume des éditions de 88 et de 91 perdues respectivement devant Panthère et le Tonnerre).
Après avoir été à la tête du Comité provincial du Cpg de l’Ouest en 1994, en 1996, il entre au bureau de la Ligue provinciale de football Ouest et administrateur de la Fécafoot. Depuis 2000, il est président de cette Ligue. Dans l’instance fédérale provinciale, il a un autre rêve, faire de l’Ouest une province phare du sport roi. Dans ce sens, nourrit-il l’ambition de faire monter une équipe en division d’élite chaque saison. La forte mobilisation autour de lui dans toutes les actions qu’il entreprend prouve une fois de plus que Serg Alain Tsémo est toujours resté dans les cœurs comme une légende vivante. « Ce garçon était un véritable phénomène… (Rire. Un instant d’arrêt pour trouver les mots justes) Il était le footballeur magique. Je me rappelle qu’au cours d’un match, je m’arrêtais parfois juste pour l’applaudir étant sur le stade en train de jouer avec lui dans la même équipe. Quand le match était dur, je venais lui dire : Serge, tu sais qu’il manque 10 minutes et à cette allure on aura pas la prime de match (500 Fcfa) demain. C’est à ce moment où il allait à la défense solliciter la balle au gardien et passer tout le monde en revu pour marquer. C’était Pelé en personne. » Des témoignages comme celui de Raphaël Doumbou, ancien coéquipier dans le Tpo, actuellement Secrétaire général adjoint de la Ligue de football de l’Ouest, il y en a à la pelle. Comme cet autre de Daniel Tsakem : «Il est venu avec le Racing battre l’Aigle mais à la surprise de tous, c’est lui qu’on portait au stade y compris les supporters des l’équipe locale. Vraiment Serge était un phénomène du ballon rond. » Mais lui de faire preuve de modestie : « C’est vrai que j’étais très doué, mais il y avait plus doué que moi à l’instar de Roger Milla et Mama Jean Louis», reconnaît-il humblement.
Au-delà du respect et de l’estime des autres, il a aussi eu la reconnaissance honorifique. Il a le Mérite sportif de 1ère classe depuis 1990, 2e classe et 3e classe. En 2004, il est fait Chevalier du Mérite camerounais. Serge Alain Tsemo s’estime heureux. Il ne regrette pas d’avoir servi et de continuer à servir le football dans son pays. Le quinquagénaire évoque difficilement ses échecs dans les affaires comme la création à Bafoussam d’une boite de nuit en 1985 (Evasion Night Club). Tout comme il parle rarement de ses cinq enfants et de ses deux épouses. Mais de football, c’est avec allégresse qu’il en parle. Mais peut-on parler de ce sport au Cameroun, à l’Ouest en particulier sans évoquer son nom ?
Repères
Nom: Serge Alain Tsemo, né le 18/02/1954 à Nkongsamba
Carrière : Début : 1974, fin : 1982
Situation matrimoniale: Polygame 02 épouses et 05 enfants
Clubs successifs :
– 1974 : Espoir Bangou
– 1975 : Racing Bafoussam
Palmarès :
– Joueur: 03 sélections junior camerounais;
Finaliste de la Coupe du Cameroun
– 1977: Lions Indomptables; équipe nationale Militaire du Cameroun
– Une participation en Coupe du monde Militaire
Administrateur de club :
– 02 fois finaliste de la Coupe du Cameroun (88 et 91)
– 4 fois champion du Cameroun (1989, 1991, 1993 et 1994)
– Vainqueur Coupe du Cameroun 1995
– ¼ finale Coupe des clubs champions 1993
Jérôme Serge Todjom, Global Football