Samuel Eto’o personnifie comme personne d’autre l’esprit inconformiste et combatif du Barça. Après avoir remporté deux Ligas et une Coupe d’ Europe, son ambition reste la même. Le pichichi de la Liga a faim. Le challenge de cette saison est d’être couronné en apothéose en remportant les six trophées en jeu. Le premier titre peut tomber ce soir contre l’Espanyol.
Note: Le Barça a remporté ce dimanche la Supercoupe d’Espagne, son premier titre sur six en jeu en battant l’espanyol par 3 buts à 0.
–Vous avez touché le ciel à Paris, êtes-vous déjà redescendu sur terre?
— Bien sûr. On ne peut pas toujours vivre là-haut. Nous sommes déjà redescendu du sommet, il faut maintenant recommencer à gagner, recommencer à grimper la montagne. C’est bien de sortir sur les photos et que l’on dise que nous sommes les rois de la fête, mais nos mains sont de nouveau vides. Ce qui compte, c’est ce que l’on fait aujourd’hui. On ne vit jamais du passé.
–Est-il difficile de se remettre mentalement après les vacances?
— Ça dépend de chacun. Comme jouer au football est la chose que j‘aime le plus, et qu’en plus on me paye pour ça et que je suis traité comme un Dieu, ça ne me coûte rien. Cette année ça a été plus difficile, car j’étais aux États-Unis, je suis rentré à Barcelone, puis je suis retourné aux États-Unis. Mais je suis content et j’ai de l’espoir, car cela faisait deux mois que je ne voyais pas mes coéquipiers et nous sommes de nouveau ensemble, et j’en profite de nouveau.
–Le travail de pré saison est-il le plus difficile?
— Oui, c’est le plus dur, mais c’est bien, car on recharge le réservoir pour toute l’année et pour pouvoir supporter le rythme des rencontres que doit jouer une équipe comme le Barça. En plus, ici nous avons la chance de beaucoup travailler avec le ballon. Je me rappelle quand j’étais avec mon petit grand père Luis à Majorque qui nous faisait avaler une tonne de kilomètres…
–Que pensez-vous de la perspective de glaner six trophées?
— Bon Dieu, quelle année ça va être, avec tant de titres à gagner !.
–Vous êtes bien parti pour la Supercoupe, et ça peut être le premier pas.
— C’est vrai, elle est très proche, mais on ne peut pas avoir trop d’assurance. Notre plus grand adversaire c’est nous mêmes. Il serait très important de remporter les deux Supercoupes et de débuter la Liga avec deux titres en poche.
–Si vous faites un six sur six, il ne vous restera plus qu’à aller à la retraite.
— Je ne sais pas si ce sera le cas, mais même les supporters arrêteront de venir au Camp Nou car ils y auront déjà tout vu. Si nous les remportons, il n’y aura plus rien de plus à gagner, ce sera du jamais vu, et c’est ce qui me motive le plus.
–L’ambition passe pour être l’une des vertus de cette équipe.
— C’est bien de parler d’ambition, mais l’ambition, il faut la démontrer sur le terrain. On ne peut jamais baisser les bras. Le souvenir le plus frais est celui du 17 mai. Nous pensions tous que nous étions supérieurs à Arsenal et ils ont commencé par nous faire danser. Ils étaient plus prêts mentalement.
–Imaginez que vous êtes un joueur de Majorque. Que diriez-vous de ce Barça?
— C’est une équipe qui fait peur. Tout le monde nous respecte, mais le respect se gagne sur le terrain et se perd quand on ne respecte pas les autres. Je ne veux pas que nous soyons une équipe qui va sur le terrain en pensant qu’elle est meilleure que l’équipe adverse, car on perdra alors le respect.
–Êtes-vous train de dire que plus que le football, c’est l’attitude qui est primordiale?
— Oui. Dans la vie, si tu ne respectes pas, on ne te respecte pas. On gagne plus en respectant les autres, et je pense que c’est là que réside la différence. Nous pouvons être les meilleurs, mais si on entre sur le terrain pour faire des talonnades, cela voudra dire que nous y croyons trop et on ne gagnera pas.
–De la même manière que vous dites que l’équipe a les mains vides, vous êtes conscients que l’on vous jugera sur les buts que vous marquerez.
— Ça ne m’effraie pas. L’important c’est ce que l’équipe obtient. Je signerais s’il fallait gagner la Ligue des Champions et que je marque 15 buts. Si le Barça va bien, nous irons tous bien. Je n’ai jamais pris le ballon des buts de Víctor, pour me mettre à dribbler et aller marquer. Je n’ai jamais vu personne le faire, à part Diego (Maradona). J’ai besoin de mes partenaires pour marquer, cela ne dépend pas que de moi. Ce qui dépend de moi, c’est de courir. Je courrais comme jamais. Ou comme je l’ai toujours fait. Si je peux, je courrais plus.
–À quel niveau devez-vous vous améliorer, l‘équipe et vous même?
— Nous voulons tous toujours nous améliorer. Moi je pense à mon jeu de tête, même si l’an dernier, j’en ai marqué cinq ainsi. Je ne suis pas si mal, mais ce n’est pas mon point fort et on peut toujours faire mieux. Au niveau de l’équipe, j’allais dire qu’il y a très peu de choses à changer, mais nous devons avoir plus d’espoir pour faire plus que ce que nous avons fait l’an dernier.
— Vous sentez vous apprécié?
— Je n’ai rien à me reprocher jusqu’à présent, car j’ai tout donné pour le Barça et je n’ai jamais rien réservé. À la fin des matchs, j’arrive aux vestiaires exténué, vidé. Chacun apprécie un joueur pour telle chose ou telle autre, et je ne m’arrête jamais pour regarder si les gens m’aiment ou pas. Je souhaite seulement que les gens soient contents de mon travail. La plupart des gens ne nous connaissent pas. Les gens te respectent si tu donnes tout sur le terrain.
–À chaque entrainement, vous essayez les tirs au but. L’année dernière, ça vous est resté en travers?
— L’année dernière et celle d’avant. À Majorque, je n’ai raté qu’un seul sur les 10 ou 11 que j’ai tiré. Je ne sais pas, ils ont peut être saisi ma façon de les tirer, c’est pourquoi je les travaille à l’entrainement. Je parie de l’argent sur chaque penalty pour chercher la motivation.
–Avez-vous déjà trouvé la bonne formule?
— Je ne pense pas qu’il y ait une formule. Je parle avec les gardiens, Víctor me dit que si je fais ceci ou cela, ça rend les choses plus difficiles pour le gardien… J’essaye, peut-être que ceux que je vais tirer vont entrer quand je vais recommencer à le faire.
–La finale de Paris fut-elle le sommet de votre carrière?
— Au jour d’aujourd’hui, oui. Je ne peux pas expliquer ce que j’ai ressenti, il n’y a pas de mots pour le dire. Quand j’ai égalisé, j’ai presque dû retenir mes larmes, mais quand Belletti a marqué je me suis mis à pleurer. C’était incroyable, je ne savais plus ce que je faisais.
–Pour beaucoup de personnes, cette finale a été plus émouvante que celle de Wembley.
— Les deux Coupes d’Europe ont la même valeur. Je préfère la mienne, car je l’ai joué et j’ai participé en marquant un but. Ça restera gravé là à jamais. Chaque fois qu’on parlera de la finale de la Ligue des Champions de Paris, on dira que Samuel Eto’o a égalisé à la 76ième minute. Mon nom restera à jamais au Barça et ça c’est incroyable. Que lors du match le plus important, ton nom soit gravé grâce à un but et qu’en plus tu sois élu le meilleur joueur est quelque chose de très grand.
–Le fait d’avoir réalisé le doublé donne-t-il plus de tranquillité ou plus de pression?
— Je sens plus de pression que les deux dernières années. Savez-vous pourquoi? Quand tu gagnes, tu crois que tu as tout, que tu es le plus beau et en plus les gens te font voir que tu es le plus beau. Mais ce n’est pas vrai et c’est dangereux. Dans le football, un jour tu es en haut, le lendemain en bas. Si on fait deux matches sans gagner, on dira que la Barça a changé, qu’il croit je ne sais quoi… Il y a plus de pression car maintenant, on regardera ce que nous faisons à la loupe. Il faut être prêts, continuer avec humilité et garder la même magie. Nous ne pouvons pas penser que le fait d’avoir remporté la Liga et la Ligue des Champions nous donne le droit de mépriser les autres.
–Dans une quinzaine d’année, là vous pourrez vivre des souvenirs.
— Oui, dans 15 ans, on se souviendra de toi pour ce que tu auras gagné et les gens t’en seront reconnaissants. Je serai moi aussi reconnaissant pour tout ce que le Barça m’aura donné.
JOAN DOMÈNECH
Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga – Camfoot.com